"Chasse à l'homme" titrait La Prensa hier matin quelques heures avant que la fillette soit retrouvée Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Après une
semaine haletante, à la recherche d’une gamine de 7 ans issue
d’une famille indigente et féminine, je m’attendais ce matin à
ce que tous les quotidiens titrent sur l’heureuse découverte hier
dans la journée de la fillette saine et sauve… Mais non !
Comme si dans ce terrible fait divers qui a fait vendre beaucoup de
papier et attirer les Internautes sur les sites Web, une fin heureuse
n’intéressait guère les médias. Sinistre constatation dans une
Argentine où les bonnes nouvelles, en ce moment, ne sont pourtant
pas légion. Pire encore : l’événement a fourni un prétexte
à des échanges très agressifs entre le gouvernement de la province
de Buenos Aires (le théâtre des événements) et celui de la Nation
(niveau fédéral), alors que les deux exécutifs sont de la même
couleur politique.
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Sans surprise, pendant que la presse de droite se focalise sur cette querelle politicienne de bas étage (1) et bien que La Nación titre sur le happy end et aborde en pages intérieures les aspects sociaux du sujet, c’est en une que Página/12 analyse le sens politique que cache la péripétie sordide : le sort de ces enfants et de ces adultes qui vivent sans protection, dans la rue ou dans les bidonvilles des périphéries de Buenos Aires et des villes de la province homonyme.
La petite
fille vit en effet dans un parc public, sous une bâche qui fait
office de tente et abrite tant bien que mal un matelas informe et
crasseux et quelques vêtements d’été. Elle vit ainsi avec sa
maman et plusieurs femmes, sœur et cousines de celle-ci, à la
limite sud-ouest de Buenos Aires, à Villa Lugano, un quartier
périphérique et très modeste. Ces dernières semaines, il a
beaucoup plu à Buenos Aires, dans la chaleur torride de l’été.
Le suspect est en garde à vue et une instruction est ouverte contre lui. Il sera soumis dans les jours qui viennent à des expertises médicales pour définir son état mental. S’il est reconnu responsable de ses actes, il encourt une peine de 5 à 15 ans de prison pour soustraction, enlèvement et retenue d’une mineure de 10 ans.
A première vue, la petite, qui souriait dans les bras de la policière, semble aller bien et ne pas avoir subi de sévices. Elle a passé des examens médicaux et elle est restée toute la nuit à l’hôpital des Enfants de Buenos Aires. Sa famille et elle ont été placées sous la protection de la justice des mineurs.
Cette fillette
n’a jamais connu que la rue. Elle y est née. Sa mère y vivrait
depuis quatorze ans selon ce qu’a confié à La
Nación
une de ses camarades d’école dans le même quartier.
Par sa soudaineté, sa durée et son traitement médiatique pendant près d’une semaine, de lundi à jeudi, ce fait divers jette enfin une lumière crue sur la situation sordide de tant de gens de tous âges victimes de la crise économique sans fin qui secoue l’Argentine depuis décembre 2001, quand tout le système financier a fait faillite après dix ans de politique monétaire et économique délirante sous la présidence de Carlos Menem (1990-2000). D’après les associations spécialisées, il y a en Argentine 871 mineurs sans abri.
Pour aller plus loin :
lire l’article
principal de Página/12
lire l’article
d’hier de La
Prensa
sur la découverte de la gamine
lire l’article
de Clarín
lire l’article
de La
Nación
sur le déroulé des faits
lire l’article
de La
Nación
sur les conditions de vie de cette famille à Villa Lugano
lire le
billet d’opinion d’une sociologue de la UCA
(Université Catholique d’Argentine, à Buenos Aires) paru dans La
Nación
Ajout du 24 mars 2021 :
lire cet article de La Prensa sur le martyre subi par la petite, dont l'examen médical a révélé qu'elle était abusée depuis de très nombreuses années et que sa mère ne peut pas y être étrangère
(1) Sergio Berni, le ministre de la sécurité de la province, a occupé le même poste au niveau fédéral sous la présidence de Cristina Kirchner. C’est lui qui est intervenu dans l’appartement du procureur Alberto Nisman après le probable suicide de ce dernier. Le voir patauger dans le sang du magistrat et contaminer la scène de crime avait contribué (et pas qu’un peu) aux rumeurs qui accusaient Cristina d’avoir commandité le crime. L’homme semble ne pas supporter de ne pas avoir retrouvé le même poste dans le gouvernement actuel et ne rate jamais une occasion d’attaquer, voire comme ici d’insulter, la personne choisie par le président Alberto Fernández pour occuper ce maroquin. On le sent d’autant plus travaillé par la jalousie qu’il s’agit d’une femme pour « un poste d’homme ». Berni a la réputation d’être un peu limité et depuis plus d’un an, il semble s’efforcer d’en administrer la preuve.