Dans le cadre de la semaine de
l’Amérique latine et des Caraïbes, l’Ambassade d’Argentine à
Paris souhaitait associer les deux figures contemporaines de
Napoléon Bonaparte, dont on célèbre ce 5 mai 2021 le bicentenaire de la mort,
et du général José de San Martín, qui est le libérateur de
l’Argentine, du Chili et du Pérou. Je donnerai donc une conférence
qui nous permettra de découvrir ce héros sud-américain avec, en contrepoint, la
trajectoire du général républicain devenu empereur des Français. Une sorte de jeu des 7 erreurs !
Les deux hommes, qui ont neuf ans
de différence, se révèlent comme deux génies sur le champ de
bataille, l’un ayant étudié les tactiques de l’autre et en
ayant fait son miel. Ils avaient t d’ailleurs reçu une formation
théorique militaire très semblable, fondée sur l’étude des
mêmes auteurs du 18e siècle et de l’histoire de
l’Antiquité, l’un à Brienne (en Champagne), l’autre à
Madrid (1). En revanche, leurs cheminements
politiques sont différents du fait de leurs personnalités et des
réalités géopolitiques et sociologiques dans lesquelles ils ont
œuvré. Et puis San Martín a su apprendre de ce qu’il
s’était passé en France à partir de 1792 et il a voulu éviter
tout ce qui s’était révélé nuisible au bonheur des hommes. Il a
donc toujours privilégié la mesure et le compromis, là où le
Premier consul et l’empereur n’en ont pas eu la possibilité ou
l’appétence.
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San Martín
présente donc
un
avantage certain aux
yeux de nos
contemporains : ses valeurs sont plus proches des nôtres que
celles qui ont guidé Napoléon. Il
nous paraît donc plus sympa ! (2)
Dans
les deux cas, les interprétations anachroniques ne manquent pas dans
la littérature savante et la vulgarisation mais dans le cas de
San Martín, c’est plus difficile à déceler. Les questions
qui font polémique aujourd’hui, comme le mode de gouvernement
supposément tyrannique (la
démocratie n’était pas encore inventée, de toute façon),
l’esclavage, le
féminisme
ou
plutôt son absence, sont très faciles à écarter quand on parle de
San Martín : il n’a que fort peu exercé le pouvoir
politique, sa vie personnelle montre qu’il était très féministe
(surtout pour un homme de son temps) et il a été sans interruption
un fervent abolitionniste de l’esclavage (3).
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Après leur
mort, tous deux en exil, ils ont été élevés au rang de mythes
nationaux et inhumés dans des églises, l’un aux Invalides (dans
une partie de l’église qui a été désacralisée) et l’autre à
la cathédrale de Buenos Aires. Des enjeux et des problématiques historiques et mémoriels existent en Argentine comme en France et ailleurs dans le monde autour de ces deux personnages dont le souvenir a été instrumentalisé depuis leur mort par tous les partis et toutes les idéologies.
Uniforme de San Martín lorsqu'il était "Protecteur de la Liberté du Pérou" d'août 1821 à septembre 1822 |
C’est à
travers toutes ces questions que je vous entraînerais après un bref
résumé de la vie et de l’œuvre politico-militaire de San Martín
puisqu’il est trop peu connu chez nous et qu’il faudra poser
quelques repères pour qu’on ne ne perde pas en chemin.
Tombeau de San Martín dans la cathédrale de Buenos Aires photographié le 17 août 2008 au début de l'hommage officiel Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La conférence se fera bien entendu en français. Je reviendrai sur cet article si les conditions sanitaires bougent d’ici au 28 mai et qu’une jauge devenait possible pour accueillir du public, dans le jardin s’il fait beau.
Pour en savoir
plus :
(1) Un certain nombre d’auteurs
argentins prétendent que cette formation à Madrid est une invention
du premier historien argentin, Bartolomé Mitre (1821-1906), qui
aurait voulu par ce moyen créer le « mythe de San Martín ».
Or il est vrai qu’on ne trouve pas trace du jeune garçon dans les
archives de cette école mais j’ai découvert un texte contemporain
de San Martín qui rend cet épisode des plus vraisemblables. Il
figure bien entendu dans mon second ouvrage biographique :
San Martín par lui-même et par ses contemporains,
Éditions
du Jasmin (à commander dans toutes les bonnes librairies,
puisqu’elles sont ouvertes et reconnues commerces essentiels !)
(3) D’ailleurs, jusqu’à l’éphémère paix avec la Grande-Bretagne en 1803, Bonaparte a lui aussi été abolitionniste en paroles et en actes, en digne fils des Lumières et de la Révolution de 1789 qu’il était. Et cette restauration de l’esclavage dont on lui tient tant rigueur de nos jours, dans un esprit manichéen contraire à une démarche historique (mais propre à une attitude idéologique), c’était de la real-politik à laquelle il s’est plié, en se reniant, non sans un certain cynisme il est vrai, lorsqu’il a fallu signer avec le Royaume-Uni pour laisser la France reprendre son souffle après dix ans de conflits contre les coalitions européennes.