"Nous sommes à un moment crucial", dit le gros titre Cliquez sur l 'image pour une haute résolution |
Couvre-feu de 20 h à 6 h du matin à partir de demain (à peu près comme en France quand le couvre-feu a été fixé à 18 h !) et fermeture des écoles à partir de lundi pour deux semaines, telles sont les deux mesures les plus marquantes du nouveau régime sanitaire que le président Alberto Fernández a annoncé hier soir à la télévision, à travers un discours enregistré. Les activités collectives en intérieur sont également interdites, cela inclut les cérémonies religieuses (plus de messe, plus d'office dominical, plus d'office du shabbat, plus de prière du vendredi) et la culture (musées, cinémas, théâtres, concerts...). Les forces de police fédérales seront mobilisées pour faire respecter ces décisions. Il semblerait qu’il règne beaucoup de laisser-aller en ce moment dans la région et au-delà.
Les gouverneurs peuvent adopter des mesures similaires en fonction des situations respectives de leurs provinces mais rien ne les y oblige.
"Cours en présentiel arrêtés dans la région de Buenos Aires et interdiction de circuler entre 20h et 6h" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Ces mesures ont aussitôt provoqué des contestations bruyantes et mal élevées dans les quartiers bourgeois et la banlieue résidentielle du nord-ouest de Buenos Aires. De nombreuses personnes, parfois sans masque (dont le port est pourtant obligatoire à l’extérieur) se sont rassemblées dans la rue pour taper sur des casseroles. Le chef de gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, Horacio Rodríguez Larreta (opposition libérale), a de son côté réagi publiquement et il a pris soin de jeter de l’huile sur le feu : il s’est plaint que le gouvernement national ne l’ait pas consulté avant cette annonce (on est en campagne électorale, c’est donc une affirmation qu’il faut considérer avec prudence). Et pour montrer qu’il est plus royaliste que le roi, il a aussi annoncé qu’il envisageait de maintenir les écoles ouvertes.
Lors de son allocution, le président a également évoqué les deux principaux obstacles que rencontre la campagne de vaccination :
- la majeure partie des vaccins disponibles est confisquée par une petite poignée de pays riches (ceux de l’Union européenne sont visés et avec raison, même s’il y a des pays encore plus égoïstes),
- les laboratoires sont peu enclins à entrer en relations commerciales avec les collectivités locales inférieures aux États reconnus par l’ONU (1). Plusieurs gouverneurs ont annoncé qu’ils avaient entamé des négociations pour se fournir en vaccin au niveau provincial et ils n’ont jamais rien obtenu, mais on est en campagne électorale : il faut jouer les gros bras devant son électorat, c’est comme en France.
"Fermetures durcies et arrêt des cours en présentiel à Buenos Aires et dans sa région" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Alberto Fernández a également
dressé le bilan des dernières semaines de l’épidémie en
Argentine où les chiffres s’affolent. Lui-même sort tout juste
d’une forme très légère du covid (il a d’ailleurs enregistré
cette allocution à l’intérieur de son bureau, et non pas dans le
jardin comme il y a quelques jours). Deux semaines après le
diagnostic, il n’est toujours pas parvenu à découvrir comment il
avait été infecté, lui qui est convaincu d’avoir toujours été
très prudent (pourtant on l’a vu en mars serrer dans ses bras les
dirigeantes des associations de victimes de la dernière dictature
militaire). Si la population continue à faire n’importe quoi dans
la journée comme si la prudence n’était de mise que de nuit (ça
nous rappelle quelque chose, non ?), le chef de l’État a
annoncé qu’il craignait la survenue d’une mutation dangereuse de
l’un ou l’autre des variants qui circulent actuellement dans le
pays.
Après plusieurs jours où l’Argentine a dû arrêter de vacciner faute de doses, un avion KLM vient d’atterrir à Ezeiza avec une cargaison d’Astra-Zeneca dans le cadre du programme Covax de l’OMS. Le président a souligné que l’Argentine faisait partie de ces pays qui, sans appartenir à la petite élite de pays riches qui sont les clients privilégiés et prioritaires des laboratoires, peuvent tout de même vacciner leur population.
Pour en savoir plus :
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
(1) Il semblerait que les laboratoires aient quelque crainte qu’une collectivité locale petite n’ait pas les moyens d’honorer les montants qu’ils réclament. C’est donc plus simple et plus sûr de traiter uniquement avec les États qui siègent dans les institutions internationales et qui ont une représentation diplomatique. Pfizer a déjà rencontré avec Israël des difficultés à se faire régler les énormes livraisons effectuées. Il semblent toutefois avoir fait au moins une exception avec l'Etat de Sao Paolo au Brésil dont le gouverneur a pu acheter des doses pour vacciner sa population contre la volonté du président coronaro- et vaccino-sceptique Bolsonaro.