samedi 2 août 2008

Lidia Borda présente son 3ème disque [Disques & Livres]

Présentation du nouveau disque de la chanteuse Lidia Borda, Ramito de Cedrón, ed. Aqua Records, au Centro Cultural Torcuato Tasso les vendredi 1er et 8 et les samedis 2 et 9 août.

Il s'agit d'un disque composé exclusivement par le compositeur, chef d'orchestre, guitariste et chanteur Juan Cedrón, dit Tata Cedrón (1). Le titre de l'album est un jeu de mot : le cedrón c'est aussi le cédratier (et son fruit, le cédrat, gros citron dont la peau très épaisse, séchée ou confite, constitue un excellent aromate de la cuisine italienne et donc argentine). Le titre se traduit soit Branchette de cédratier soit petit bouquet de Tata Cedrón.

Le disque rassemble des morceaux qui n'avaient jusqu'à ce jour été enregistrés que par Tata Cedrón lui-même. Côté letra (les paroles), Tata Cedrón a mis en musique des poèmes de très grands auteurs, soit des grands classiques du tango, disparus depuis longtemps comme Celedonio Esteban Flores (1897-1947) ou Homero Manzi (1907-1951), soit des contemporains comme Juan Gelman. Et aussi le poète communiste, très proche du tango mais qui n'en signa pas : Raúl González Tuñón (1905-1974) sur les textes duquel Tata Cedrón a enregistré un album entier (hélas épuisé).

A l'occasion de cette sortie, Lidia Borda a été interviewée dans les colonnes de Página/12. Le papier la montre assez désenchantée et amère. Elle y règle quelques comptes avec l'évolution récente de la poésie tanguera, qu'elle n'aime visiblement pas... Chez les anciens du tango (elle cite nommément Homero Manzi et Celedonio Flores) elle aime l'intérêt pour la vie pauvres des gens marginalisés par la société de leur époque, le fait qu'ils parlent de la vie simple et concrète des humbles. Et c'est la raison qui lui a fait choisir de travailler avec Tata Cedrón, qu'elle décrit comme lui-même un marginal du tango, "éternel absent de ceux qui retracent l'évolution du tango" (dont acte, on essayera de ne pas l'oublier). Tata Cedrón partage le même goût qu'elle pour les poètes des années 30 et 40... Sans citer elle-même aucun nom (le journaliste seul se contente de cibler, très discrètement, Horacio Ferrer, avec la citation d'un demi-vers de Balada para un loco, musique d'Astor Piazzolla !), Lidia Borda estime que les poètes de tango d'aujourd'hui se sont détournés de cette réalité qu'elle connaît bien pour avoir vécu toute son enfance à proximité d'une villa (entendez villa miseria, un bidonville de la banlieue de Buenos Aires). "En général, quand on parle du tango actuel, déplore-t-elle, on parle de tangos instrumentaux. La poésie se trouve en relégation. Le tango parle du tango, pas de l'histoire des gens. Il parle de choses pour se mettre au goût du jour. C'est comme si je faisais un texte de tango où je mélangerais la souris d'ordinateur avec la mention de tel quartier ou telle rue bien typique. Au mieux, on y met des cartes postales de la ville mais jamais la ville elle-même." Les musiciens de rock, comme Luis Spinetta, lui paraissent plus proches de ce qu'elle appelle la tanguidad (la tanguité), un néologisme de son invention...

Malena, de Lucio Demare et Homero Manzi chanté par Lidia Borda (extrait du CD Patio de Tango - avec Flash Player) : http://www.lidiaborda.com.ar/audio/Lidia%20Borda%20-%20Malena.mp3.
Discographie de Lidia Borda :
Entre sueños, de 1996, ed. Aqua Record,
Patio de tango, ed. Epsa,
Tal vez será su voz, de 2002 (avec l'Orquesta El Arranque, direction Ramiro Gallo), ed. Epsa.
Le site de Lidia Borda (avec audio et vidéo) : http://www.lidiaborda.com.ar/site/index.php
Discographie de Tata Cedrón, outre Todo Raúl González Tuñón :
Nocturno (con la Típica), ed. Aqua Records (il s'agit de la Típica Cedrón, par distinction d'avec le Cuarteto Cedrón)
Gotán, (avec le Trio Juan Cedrón), ed. Fogón Música
Tradicional, (avec le Cuarteto), ed. Aqua Records
Trottoirs de Buenos Aires, ed. Gotán, entièrement consacré à des pièces conjointes du compositeur Eduardo Canton et du poète et romancier Julio Cortázar
Frisón, Homero Manzi-Juan Cedrón, Inéditos, sorti à l'occasion de l'Año Homero Manzi (2007 était le centenaire de la naissance du poète), ed. Aqua Records (avec le soutien de Zivals)

La couverture de ce dernier CD reproduit le tableau Frisón, exécuté par Alberto Cedrón, le frère de Tata, sur un célèbre mur d'enceinte à Nueva Pompeya (le "paredón" dont parle Homero Manzi dans Sur, Frisón étant, quant à lui, le nom du cheval de trait dont il parle dans Nobleza de Arrabal, musique de Francisco Canaro).


(1) Tata : diminutif de père (papa)