Tiempo de tranvias
Héctor Negro - Raúl Garello
Tango - 1979
[...] Vuelven esos ecos de las mesas de escolaso.
Noches con la barra en la esquina fraternal.
Sábado y milonga que promete el club del barrio
y el domingo, lleno de ese fútbol sin igual [...]
Reviennent les échos des tables de jeux.
Nuits avec ma bande dans ce coin de rue fraternel.
Samedi et milonga que nous promet le club du quartier
et le dimanche, plein de ce football sans égal.
Traduction Denise Anne Clavilier
Pour les oreilles : Tiempo de tranvías, de et par Raúl Garello, voix de Eduardo Espinoza, BsAs 1994 : http://www.todotango.com/spanish/download/player.asp?id=2032
Misa de Once
Armando Tagini - Juan José Guichandut
Tango - 1929
Entonces tu tenías diez y ocho primaveras,
yo veinte y el tesoro preciado de cantar...
En un colegio adusto vivías prisionera
y sólo los domingos salías a pasear.
Del brazo de la abuela llegabas a la misa,
airosa y deslumbrante de gracia juvenil
y yo te saludaba con mi mejor sonrisa,
que tu correspondías, con además gentil.
Voces de bronce
llamando a misa de once...
¡Cuantas promesas galanas
cantaron graves campanas
en las floridas mañanas
de mi dorada ilusión!
Y eché a rodar por el mundo
mi afán de glorias y besos
y sólo traigo, al regreso,
cansancio en el corazón.
No sé si era pecado decirte mis ternuras
allí, frente a la imagen divina de Jesús [...]
Messe de 11 heures
Alors, toi, tu avais dix-huit printemps
Moi vingt et le précieux trésor de savoir chanter...
Dans une école sinistre tu vivais prisonnière
Et tu ne sortais te promener que le dimanche.
Au bras de ta grand-mère tu venais à la messe
Aérienne et éblouissante de grâce juvénile
Et moi je te saluais de mon plus beau sourire
Auquel tu répondais, plus délicieuse encore.
Voix de bronze
Appelant à la messe de onze heures...
Que de promesses galantes
Chantèrent de graves cloches
Dans les matins fleuris
De mes rêves dorés !
Et j’ai lancé par monts et par vaux
Ma fureur de gloires et de baisers
Et je ne rapporte, au retour,
Que lassitude en mon coeur.
Je ne sais pas si c’était péché que te dire ma tendresse
Là, devant l’image sacrée de Jésus...
Là, devant l’image sacrée de Jésus...
Traduction Denise Anne Clavilier
Pour les oreilles : Misa de Once, par Carlos Gardel, dit el Zorzal Criollo
http://www.todotango.com/spanish/download/player.asp?id=1429
Soy una fiera (1)
Gardel y Razzano / Letra : Francisco Martino
Gardel y Razzano / Letra : Francisco Martino
Milonga - 1926
Los domingos me levanto de apoliyar mal dormido
Y a veces hasta me olvido de morfar por las carreras,
Me cazo los embrocantes y mi correspondiente habano (2)Y me piyo un automóvil para llegar más temprano.
(hablado)
Y... tengo que abrir el portón
Si no, se suspenden las carreras...
Carreras, guitarra y gofo, (3) quinielas y cabaret
Es el berretín más grande que mientras viva tendré,
Aunque para jugarme el vento, bien rumbeado, soy una fiera
Con toda mi gran carpeta, siempre salgo en la palmera.
(hablado)
Y qué voy a hacer: mala suerte
Me gusta, tengo que morir...
El sábado por la noche compro la “Crítica” quinta (4)Y si me piache (5) la pinta del pronóstico que da,
Lo escolaso si es Rodríguez o el que lo corre es Canesa
Pero viene Leguisamo y te la da en la cabeza. [...]
J’suis un caïd
Le dimanche, je me lève les yeux pas en face des trous. Mal roupillé.
Même des fois, j’oublie d’becqueter à cause des courses.
Je pars à la chasse de mes jumelles et mon correspondant jaune
Et même je m'offre le luxe d'une voiture pour arriver plus tôt.
(parlé)
Mais il faut que j’ouvre le portail.
Sinon on suspend les courses...
Mais il faut que j’ouvre le portail.
Sinon on suspend les courses...
Courses, guitare, cartes, loteries et cabaret
J’aurai que cette idée-là en tête tant que je vivrai.
Et même si pour jouer mon pognon, en veine, j’suis un caïd
Avec toute ma science, je me r’trouve toujours dans la mouise.
(parlé)
Qu’est-ce que j’peux y faire ! le pas de chance
J’aime ça, je mourerai bien assez tôt...
Le samedi soir, j’achète la dernière édition de Crítica
Et si la gueule du pronostic qu’elle donne me revient,
Je le joue si c’est Rodriguez ou si c’est Canesa celui qui le monte
Et alors s’amène Leguisamo et il te le fait en tête...
Traduction Denise Anne Clavilier
Pour les oreilles : Soy una fiera, par Carlos Gardel, dit el Muchacho del Abasto : http://www.todotango.com/spanish/download/player.asp?id=1324
Nobleza de arrabal
Homero Manzi - Francisco Canaro
Tango - 1946
y eres mi lujo de cuarteador. (6)
Rocín feliz, de crin azul,
Rocín feliz, de crin azul,
famoso por todo el sur.
Cuando el domingo asolea
por no hacer de perezoso,
traigo el balde desde el pozo
y refresco el corredor.
Y aprovechando el fresquito
me siento bajo la parra
y al compás de mi guitarra
canto décimas de amor [...]
Noblesse du faubourg
Et là toi aussi, tu es là, Frison,
Et tu es mon luxe de roulier.
Cheval de trait, au crin bleu,
Connu dans tout le sud.
Quand le dimanche prend le soleil
Pour ne pas faire le paresseux
J’apporte le seau depuis le puits
Et je rafraîchis le couloir.
Et pour profiter de la fraîcheur,
Je m’assois sous la treille
Et au rythme de ma guitare
Je chante des dizains d’amour.
Et tu es mon luxe de roulier.
Cheval de trait, au crin bleu,
Connu dans tout le sud.
Quand le dimanche prend le soleil
Pour ne pas faire le paresseux
J’apporte le seau depuis le puits
Et je rafraîchis le couloir.
Et pour profiter de la fraîcheur,
Je m’assois sous la treille
Et au rythme de ma guitare
Je chante des dizains d’amour.
Traduction Denise Anne Clavilier
Domingos de Buenos Aires
Eladia Blázquez
Hoy es domingo, por lo tanto no trabajo,
no habra corridas para arriba, para abajo,
no voy a entrar en la voragine maldita
de sentirme una hormiguita pisoteada con desden.
Hoy es domingo y lo gasto como quiero,
es mio entero porque Dios lo ha decretado,
la problematica la guardo en el cuaderno.
la semana es un infierno, el domingo es un eden.
Voy a regar el rosal, el jazmin,
a corretear con el pibe en el jardin,
a solazarme vestido de sport,
la hamaca en el porch
leyendo Clarín...
Después la pasta (7) y la siesta feroz
sin telefono, sin ruidos,
al levantarme la radio,
el mate, el estadio
y a grita el gol [..]
Le dimanche à Buenos Aires
Aujourd’hui, c’est dimanche, alors je ne travaille pas.
Il ne va pas falloir cavaler à droite et à gauche
Je n’ai pas à me mêler à ce maudit torrent
Qui me fait me sentir petite fourmi écrasée avec dédain.
Aujourd’hui, c’est dimanche et je fais ce que je veux
Toute la journée pour moi et c’est Dieu qui a décrété ça.
Les soucis, je les laisse au vestiaire.
La semaine, c’est l’enfer. Le dimanche, c’est le paradis.
Je vais arroser le rosier, le jasmin,
Jouer à la course avec le gamin dans le jardin
Prendre soin de moi en tenue décontractée
Dans le rocking-chair sous le porche
Pour lire Clarín...
Et après une petite douceur, la sieste à poings fermés
Sans téléphone, sans bruit,
La radio en me levant,
Le maté, le stade
Et les hurlements de but.
Traduction Denise Anne Clavilier
(1) Les auteurs sont incertains. Il est attesté que cette milonga a été enregistrée par Carlos Gardel le 16 décembre 1926 chez Odeón. A cette époque, la notion de droits d’auteur était encore assez floue pour le tango, un art populaire surtout oral (bien des musiciens ne savaient pas écrire leur musique, dont Gardel lui-même). Selon les sources, les auteurs seraient soit Gardel et Razzano seuls, soit le trio Francisco Martino, Carlos Gardel et José Razzano (qui avait existé comme trio de chanteurs populaires de répertoire rural, de manière bien éphémère, vers 1912-1913), soit Francisco Martino seul. Etant donné la passion archi-connue de Gardel (et des deux autres aussi) pour les chevaux, étant donné que Gardel a une part certaine dans l’idée originale et sans doute l’écriture (non pas seulement la composition) de Por una cabeza (Gardel-Le Pera, 1935), son plus célèbre tango turfique (avec des jeux de mots qui ressemblent bien à ce qu’on sait de lui par ailleurs et de sa pratique très faubourienne du lunfardo), étant donné qu’il cite ici son ami personnel le jockey Ireneo Leguisamo et qu’il coupe le récit avec des petits commentaires parlés comme il le fait dans ses deux enregistrements de Leguisamo solo (Modesto Papavero, 1925), datés de décembre 25 à Barcelone et de septembre 27 à Buenos Aires, on peut imaginer qu’il puisse être pour quelque chose dans cette milonga, un genre qui vient de la tradition rurale qui constituait tout son répertoire jusqu'en 1917. On peut bien sûr supposer qu’en chantant Leguisamo solo il a appliqué une idée volée à Martino, mais tous les témoignages concordent pour dire que Gardel était un homme d’une belle droiture morale et qu’il ne volait pas les idées de ses partenaires ni de ses confrères. Tout au contraire, il a même reconnu des dettes et partagé certaines exclusivités qu’un autre se serait jalousement gardées. Ainsi lorsque le compositeur Juan de Dios Filiberto approuva l’interprétation de son Caminito (tango de 1926) par Ignacio Corsini, qui remportait en le chantant sur scène un plus beau succès que lui avec son propre enregistrement, Gardel n’hésita pas à ouvrir à Corsini l’exclusivité qu’il avait acquise sur l’enregistrement du morceau...
(2) sans doute le programme des courses du jour
(3) gofo, nom d'un jeu de cartes d'origine italienne (goffo)
(4) Détail autobiographique de Gardel. Il achetait effectivement ce journal pour ses pronostics hippiques. Le reste (rapportant surtout des faits divers) l’intéressait moins. Certains de ses amis des plus hauts en couleurs y étaient journalistes (Carlos de la Púa, Barquina avec qui il avait de longues conversations entièrement en verlan). C’est en ouvrant ce canard qui a une réelle importance dans l’histoire du tango qu’il découvrit un poème qui lui plut, si bien qu’il fit aussitôt mettre en musique par son guitariste sans même consulter l’auteur, qu’il convoqua finalement pour la séance d’enregistrement au studio. Ce poème, qui s’appelait alors Por la pinta (pour avoir fière allure) et qu’il fit rebaptiser Margot pour le disque, venait de remporter le prix de poésie organisé par le journal. L’auteur s’appelait Celedonio Esteban Flores (1897-1947). Ce fut le début d’une belle amitié tanguera et surtout d’une fructueuse collaboration...
(5) me piache : c’est du cocoliche, un langage savoureux et drôlissime aujourd’hui disparu faute de locuteurs, moitié italien, moitié espagnol (mi piace). La moitié de la grande vague d'immigration à Buenos Aires venait d'Italie. Une incroyable quantité d’artistes de tango ont un nom italien (Piazzolla, Troilo, Pugliese, Di Sarli, D’Arienzo, Contursi, Batistella, Pettorrossi, Razzano, Corsini, Rinaldi, Betinotti, Canaro, Mancione, Discépolo, Cadícamo, Garello, Marconi, Vaccarrezza, Sanguinetti... mais pas Expósito... Expósito, c’est comme le Canada Dry : ça ressemble à un nom italien, ça a le goût d’un nom italien mais ce n’est pas un nom italien...)
(6) cuarteador : ce métier consistait à adjoindre un cheval de trait à l’attelage d’une voiture pour la tirer d’un mauvais pas ou l’aider dans un passage difficile. Les faubourgs sud de Buenos Aires, notamment du côté du Riachuelo, cours d'eau qui ceinture la ville par le sud, à Nueva Pompeya, ce quartier populaire cher à Manzi, étaient alors sillonnés de fossés de drainage putrides et de reliefs artificiels pour endiguer les crues de la rivière. Les routes, sans revêtement, étaient boueuses et défoncées dès qu’il pleuvait (et il pleut souvent à Buenos Aires). C’était donc un métier jusque tard dans les années 40 que de se poster sur la route, aux endroits difficiles, avec un cheval pour gagner sa vie en secourant les voitures attelées qui devaient emprunter ce mauvais chemin et les chariots de livraison, qui faisaient l’aller-retour entre la campagne et la ville pour approvisionner la capitale. On sait qu’Angel Villoldo (1861-1919), le compositeur de El Choclo, a été cuarteador dans le quartier de Nueva Pompeya.
(7) il s'agit d'un plat de pâtes fraîches, dont les Portègnes raffolent (la pasta, comme en Italie).
(2) sans doute le programme des courses du jour
(3) gofo, nom d'un jeu de cartes d'origine italienne (goffo)
(4) Détail autobiographique de Gardel. Il achetait effectivement ce journal pour ses pronostics hippiques. Le reste (rapportant surtout des faits divers) l’intéressait moins. Certains de ses amis des plus hauts en couleurs y étaient journalistes (Carlos de la Púa, Barquina avec qui il avait de longues conversations entièrement en verlan). C’est en ouvrant ce canard qui a une réelle importance dans l’histoire du tango qu’il découvrit un poème qui lui plut, si bien qu’il fit aussitôt mettre en musique par son guitariste sans même consulter l’auteur, qu’il convoqua finalement pour la séance d’enregistrement au studio. Ce poème, qui s’appelait alors Por la pinta (pour avoir fière allure) et qu’il fit rebaptiser Margot pour le disque, venait de remporter le prix de poésie organisé par le journal. L’auteur s’appelait Celedonio Esteban Flores (1897-1947). Ce fut le début d’une belle amitié tanguera et surtout d’une fructueuse collaboration...
(5) me piache : c’est du cocoliche, un langage savoureux et drôlissime aujourd’hui disparu faute de locuteurs, moitié italien, moitié espagnol (mi piace). La moitié de la grande vague d'immigration à Buenos Aires venait d'Italie. Une incroyable quantité d’artistes de tango ont un nom italien (Piazzolla, Troilo, Pugliese, Di Sarli, D’Arienzo, Contursi, Batistella, Pettorrossi, Razzano, Corsini, Rinaldi, Betinotti, Canaro, Mancione, Discépolo, Cadícamo, Garello, Marconi, Vaccarrezza, Sanguinetti... mais pas Expósito... Expósito, c’est comme le Canada Dry : ça ressemble à un nom italien, ça a le goût d’un nom italien mais ce n’est pas un nom italien...)
(6) cuarteador : ce métier consistait à adjoindre un cheval de trait à l’attelage d’une voiture pour la tirer d’un mauvais pas ou l’aider dans un passage difficile. Les faubourgs sud de Buenos Aires, notamment du côté du Riachuelo, cours d'eau qui ceinture la ville par le sud, à Nueva Pompeya, ce quartier populaire cher à Manzi, étaient alors sillonnés de fossés de drainage putrides et de reliefs artificiels pour endiguer les crues de la rivière. Les routes, sans revêtement, étaient boueuses et défoncées dès qu’il pleuvait (et il pleut souvent à Buenos Aires). C’était donc un métier jusque tard dans les années 40 que de se poster sur la route, aux endroits difficiles, avec un cheval pour gagner sa vie en secourant les voitures attelées qui devaient emprunter ce mauvais chemin et les chariots de livraison, qui faisaient l’aller-retour entre la campagne et la ville pour approvisionner la capitale. On sait qu’Angel Villoldo (1861-1919), le compositeur de El Choclo, a été cuarteador dans le quartier de Nueva Pompeya.
(7) il s'agit d'un plat de pâtes fraîches, dont les Portègnes raffolent (la pasta, comme en Italie).