L'Association des Grands-Mères de la Place de Mai (las Abuelas de Mayo) a annoncé le 31 juillet que deux des petits-enfants qu'elles recherchent avaient été définitivement identifiés, ce qui portent à 92 le total des personnes ayant retrouvé leur identité familiale réelle.
Cette fois-ci, il s'agit de la fille cadette de Roberto Castelli et María Teresa Trotta, née en détention fin avril ou début mai 1977, et du fils cadet de Francisco Goya et Lourdes Martínez Aranda, enlevé avec ses parents en 1980.
Cette fois-ci, il s'agit de la fille cadette de Roberto Castelli et María Teresa Trotta, née en détention fin avril ou début mai 1977, et du fils cadet de Francisco Goya et Lourdes Martínez Aranda, enlevé avec ses parents en 1980.
Roberto Castelli était né le 28 décembre 1946 à Buenos Aires, il se préparait à la prêtrise lorsqu'il y renonça après avoir rencontré María Teresa Trotta, née dans la Province de Buenos Aires le 14 juillet 1950, qui était catéchiste. Tous deux militaient dans les rangs du péronisme, dans le courant le plus à gauche du parti (les Montoneros). Ils eurent deux filles, Vérónica, née en 1974. Ils ont été arrêtés le 28 février 1977, lui l'a même été sous les yeux de sa fillette. María Teresa était alors enceinte de six mois et demi. On sait où ils ont été retenus prisonniers et où María Teresa a été emmenée pour accoucher sous césarienne programmée. Verónica Castelli Trotta, qui n'a pratiquement pas de souvenir de ses parents et aucun de l'arrestation de son père, a beaucoup oeuvré pour retrouver sa soeur, qui a été informée de sa véritable identité vendredi 25 juillet. Née en détention, elle n'a sans doute jamais porté ni le nom de ses parents ni le prénom qu'ils lui auraient donné. Elle a été placée dans une famille adoptive par le Mouvement Familial Chrétien, qui semble avoir été peu regardant sur la situation réelle des enfants qu'il faisait adopter à cette époque (le nom de cet organisme a en effet déjà été cité pour une autre affaire d'enfant identifié).
Francisco Goya, lui, était né dans la ville de Resistencia. D'un premier mariage, il avait eu deux enfants, Juan Manuel, né en 1972, et Emilio, né en 1974. C'était un militant du Mouvement Nacionaliste Tacuara, de la Jeunesse péroniste et du courant Montonero. Exilé au Mexique, il a rencontré une communiste de ce pays, María Lourdes Martínez. Ils sont partis vivre dans l'Espagne nouvellement démocratique et leur fils Jorge Guillermo y est né le 31 juillet 1979. Revenus en Argentine, il y ont très vite été arrêtés et ils furent détenus dans la ville de Mendoza entre avril et juillet 1980. Leur fils a pu être identifié grâce aux révélations d'un repenti. Le jeune homme a été informé de son histoire par un juge fédéral mardi dernier. Avec l'association H.I.J.O.S à laquelle il appartient et dont il est l'un des fondateurs, et avec les Grands-Mères, Emilio Goya a mené la lutte pour retrouver son demi-frère. A l'inverse de Verónica, il n'a pas assisté à la conférence de presse donnée par les Grands-Mères.
Ces identifications sont toujours des épreuves terribles, tant pour ceux qui cherchaient que pour ceux qui se découvrent une autre histoire que celle qu'ils ont vécue, et ce sont toujours des moments de grand espoir pour ceux qui continuent de chercher leurs disparus.
Las Abuelas mènent une campagne pour que les jeunes trentenaires nés entre 1975 et 1980 et qui ont des doutes sur leur identité réelle se fassent connaître à elles. Une adresse email est même réservée à ces contacts...
Il y a quelques mois, une jeune femme adoptée a intenté un procès à ses parents adoptifs pour enlèvement d'enfant et falsification d'identité. La confrontation des accusés avec leur ancienne fille adoptive pendant l'audience a été particulièrement éprouvante, l'accusé couvrant d'injures ordurières celle dont il avait longtemps fait passer pour sa fille... Les accusés ont été condamnés à une lourde peine de prison.
En Argentine, il existe quatre grandes associations de parents ("familiares") des disparus : les Mères de la Place de Mai (las Madres de Plaza de Mayo), qui se sont scindées en deux associations (Las Madres et Las Madres Linea Fundadora), les Grands-Mères de la Place de Mai (Las Abuelas de Plaza de Mayo) et les Enfants (H.I.J.O.S : Hijos/hijas por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio), qui ont constitué en leur sein une commission Hermanos (frères et soeurs) qui collabore avec les Abuelas pour l'identification tous ces enfants de moins de 5 ans arrachés à leurs parents détenus et adoptés par des familles dévouées à la junte militaire). Verónica Castelli Trotta est l'une des fondatrices de H.I.J.O.S, elle est de ceux qui animent la commission Hermanos, elle a annoncé qu'elle continuerait son combat au-delà de ses propres retrouvailles avec sa soeur jusqu'à "ce qu'ils réapparaissent tous".
Les arrestations et les procès de tortionnaires ("represores") se poursuivent. Plusieurs procès sont en cours d'instruction, il arrive aussi qu'il y ait des évasions et des morts suspectes d'inculpés, peut-être sur le point de parler (cas du represor Héctor Febres retrouvé mort le 10 décembre dernier, dans sa cellule avec dans le corps une dose de cyanure à tuer un troupeau d'éléphants, alors que son procès était en cours).
En savoir plus :
Las Madres linea fundadora : http://www.madresfundadoras.org.ar/
Las Madres : http://www.madres.org.ar/
Las Abuelas : http://www.madres.org.ar/
H.I.J.O.S : à Buenos Aires : http://www.hijos-capital.org.ar/, à Córdoba : http://www.hijos.org.ar/
Ajoutées le 4 août, interviews de Verónica Castelli Trotta et de Emilio Goya dans Página/12 : http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/subnotas/108789-34347-2008-07-31.html
http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-109005-2008-08-04.html