Aujourd’hui, à Buenos Aires, on vénère le saint patron du pain et du travail (el Patrono del Pan y el Trabajo), San Cayetano (illustre inconnu sous nos latitudes francophones), dans son sanctuaire du quartier de Liniers (sud-ouest de Buenos Aires).
Imaginez-vous que cette nuit, il y avait une file d’attente de 20 cuadras pour entrer dans le sanctuaire... Quand on sait qu’une cuadra (1) mesure environ 100 mètres !
Depuis plusieurs semaines, des fidèles campent aux alentours de la Basilique pour entrer dans l’église à l’ouverture des portes le 7 août à minuit. La nuit, il fait un petit 5° en cette saison à Buenos Aires.
Pour s’occuper de tout ce monde, le diocèse a mobilisé 200 prêtres pour répondre aux demandes spirituelles et 1200 volontaires pour veiller sur les personnes et distribuer pain, bouillon et mate cocido (une infusion revigorante qu’on obtient à partir de la yerba mate séchée et déjà cuite, dans le breuvage rituel consommé sous sa forme traditionnelle, calebasse et paille de métal, la yerba est séchée mais encore crue...).
Entre 4h ce matin et 23h ce soir, il y aura une messe toutes les heures. Le Cardinal Jorge Bergoglio s.j., archevêque de Buenos Aires et Primat d’Argentine, préside la messe solennisée de 11h du matin.
San Cayetano, canonisé en 1671, s’appelait en fait Gaetano da Thiene (Gaëtan de Thienne en français). Il était né dans une grande famille de l’aristocratie financière de Vicenza en Italie du nord, en 1480. Un personnage à la saint François d’Assise mais un peu plus arrondi dans les angles... A l’issue de brillantes études de droit canon et de droit civil à l’Université de Padoue, il devint clerc, bâtit une église dédiée à Sainte Marie-Madeleine sur les terres de sa famille (un peu comme St François) afin d'y faire fonder une paroisse, qui existe toujours aujourd'hui. Sa haute naissance et ses compétences juridiques lui valurent alors de devenir secrétaire d’un Pape. Puis ayant enfin accepté de devenir prêtre, ce dont il s’était longtemps senti indigne, il retourna en Vénétie où il fonda un hôpital pour les incurables. Avec un ami évêque, il fonda plus tard la congrégation des théatins, qui se sont consacrés à la liturgie tout en donnant aux yeux du monde un modèle de vie bâtie sur l’idéal de pauvreté évangélique, dans cette Italie de la Renaissance dominée par les intérêts financiers des grands marchands. Il est mort en 1547, sur un grabat, volontairement, comme les gueux qu’il avait choisi de servir, refusant les soins du médecin particulier auquel son rang lui donnait droit, à Naples, dont il est devenu le co-patron avec San Genaro.
Son culte est arrivé sur les bords du Río de La Plata dans le balluchon des immigrants napolitains, les Tanos, comme on les appelle en lunfardo (2) et on l’ a installé dans un sanctuaire, loin du centre, dans un faubourg tourné vers la cité mariale de Luján. C’est de ce sanctuaire que partent les pèlerinages mariaux chaque 1er samedi d’octobre et chaque 8 décembre (80 km à pied). C’est assez récemment que San Cayetano est devenu en Argentine le Saint Patron du Pain et du Travail : en 1929, quand la crise économique mondiale a frappé tout le pays, et avec quelle violence, produisant partout un chômage tel qu’on n’en avait encore jamais connu.
[...] Soñé que yo iba a la cancha y no había más choripanes
Que cuatro viejos echaban a Maradona de los mundiales
Soñé que te ibas muy lejos, que ya no podía verte
Soñé que haciendo el amor uno se podía contagiar de muerte
Soñé que san Cayetano junaba contento el mundo
Porque el día que todos trabajen él va a tener que buscar laburo
Ay, ay, ay, ay, qué pesadilla, mamá, no me dejes solo! [...]
La Pesadilla (le cauchemar), d’Alorsa et La Guardia Hereje
Tango Criollo Club à La Plata
[...] J’ai rêvé que j’allais au stade et qu’il n’y avait plus de sandwich aux merguez (3)
Que quatre vieux avaient sorti Maradona du Mundial (4)
J’ai rêvé que tu t’en allais loin, que je ne pouvais plus te voir.
J’ai rêvé qu’en faisant l’amour, on pouvait se contaminer à mort.
J’ai rêvé que San Cayetano biglait le monde d’un oeil ravi
Parce que le jour où tout le monde travaillera, lui, va falloir qu’il cherche du boulot.
Oh là là ! quel cauchemar, Maman, me laisse pas tout seul ! [...]
Traduction Denise Anne Clavilier
Traduction Denise Anne Clavilier
La Pesadilla, de et par Alorsa accompagné de ses musiciens de la Guardia Hereje (cartouche de trois chansons, à droite de l’écran) : http://www.myspace.com/laguardiahereje
Prochainement, au Tango Criollo Club de La Plata, on attend le chanteur Dema et son ensemble la Petitera ainsi que la Orquesta Típica Fernández Fierro. Mais ce n’est pas pour tout de suite...
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Et pendant que les Portègnes et les banlieusards de Buenos Aires réclament du travail et du pain à San Cayetano, ici, en Europe, on fait pendant au moins 15 jours la fête à Saint Farniente, sous la canicule ou les orages. Même les ministres sont en vacances, avec, en ce qui concerne les membres du gouvernement français, un disque de Carla Bruni dans leurs bagages, cadeau présidentiel offert au cours du dernier Conseil des Ministres (si, si !). Peut-être même qu’il y a interrogation écrite à la rentrée, ces messieurs-dames los funcionarios galos (5) ont sans doute intérêt à bien l’écouter. Qui sait si leur maintien en poste n’en dépend pas...
Tous ceux qui en ont les moyens, Belges, Suisses, Français ou Luxembourgeois et tous les autres de toutes les autres langues (il y en a 23 dans l'Union européenne), tout le monde se la coule douce à la plage, au bord de la piscine ou sur les routes du vin (rien qu’en France, il y a en plusieurs)... Et pour tous les Franciliens qui ne peuvent pas partir en vacances, de plus en plus nombreux, comme partout dans le pays, hélas, Paris a dressé pour un mois sa fausse plage désormais annuelle sur les quais de la Seine...
(1) cuadra : portion de rue qui s’étend entre deux croisements avec deux autres rues perpendiculaires. Comme toutes les villes de l’Empire colonial espagnol, Buenos Aires est construite sur un plan à l’antique (façon Rome impériale) : toutes les rues se croisent à angle droit. Le centre s’orne néanmoins de 2 Diagonales et c’est tellement exceptionnel qu’elles prennent toutes les deux un D majuscule. Elles ont été percées au tout début des années 30, dans le cadre des grands aménagements qui marquèrent le 4ème centenaire de la fondation (1936). Le tango Anclao en París (Guillermo Barbieri-Enrique Cadícamo) y fait allusion...
(2) Tano : abréviation de Napolitano. C’est le surnom qui fut donné au chanteur Ignacio Corsini, contemporain de Carlos Gardel. C’est celui de la grande chanteuse Susana Rinaldi La Tana (née à Noël 1936).
(3) Choripán (contraction de chorizo y pan) : sandwich garni d’une saucisse grillée au barbecue, le chorizo argentin, qui ressemble un peu à notre saucisse de Toulouse.
(4) Alorsa, qui est fan de Maradona comme 99,99% de ses compatriotes, fait ici allusion à un épisode de la Coupe du Monde de 1994, aux Etats-Unis. Les autorités de la FIFA ont exclu Maradona, pour résultats douteux (et non pas positifs) à un contrôle anti-dopage. Beaucoup d’Argentins pensent que la FIFA n’avait fait qu’appliquer une mesure de représailles du pays hôte contre un joueur fort en gueule qui n’hésitait pas (et n’hésite toujours pas) à proclamer son admiration pour un certain Fidel Castro...
(5) ministres français (en portègne dans le texte)
(2) Tano : abréviation de Napolitano. C’est le surnom qui fut donné au chanteur Ignacio Corsini, contemporain de Carlos Gardel. C’est celui de la grande chanteuse Susana Rinaldi La Tana (née à Noël 1936).
(3) Choripán (contraction de chorizo y pan) : sandwich garni d’une saucisse grillée au barbecue, le chorizo argentin, qui ressemble un peu à notre saucisse de Toulouse.
(4) Alorsa, qui est fan de Maradona comme 99,99% de ses compatriotes, fait ici allusion à un épisode de la Coupe du Monde de 1994, aux Etats-Unis. Les autorités de la FIFA ont exclu Maradona, pour résultats douteux (et non pas positifs) à un contrôle anti-dopage. Beaucoup d’Argentins pensent que la FIFA n’avait fait qu’appliquer une mesure de représailles du pays hôte contre un joueur fort en gueule qui n’hésitait pas (et n’hésite toujours pas) à proclamer son admiration pour un certain Fidel Castro...
(5) ministres français (en portègne dans le texte)