vendredi 22 août 2008

Un jeudi de festival tango à Buenos Aires [à l’affiche]

Cucuza et la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. De dos, le Maestro Raul Garello.
Sur la scène du teatro Alvear. (Photo ajoutée le 7 septembre 2008).


La journée a commencé tôt : petit-déjeuner à huit heures du matin pour pouvoir le partager avec des amis français qui rentraient aujourd’hui à Paris pour reprendre le collier lundi prochain. Le maté cocido et les valises dans l’escalier impossible qui relie le rez de chaussée au 1er étage, les adieux entre le zaguan et le remis garé juste devant la porte.

Laurence et Eric sont partis, avec pour dernier souvenir de tango la présentation du disque de Beatriz Suárez Paz, Tangos Camperos, que nous étions allés écouter ensemble la veille à la Academia nacional del Tango (voir l’article à ce sujet).

Aujourd’hui, à 13h, il y avait au Teatro Alvear un de ces concerts dits thématiques de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, formation exceptionnelle qui joue à 34 musiciens. Le concert s’appelait Todo Canto et heureusement c’était pour la forme, pour faire plaisir au Directeur de la Musique dépendant du Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, lequel a eu cette curieuse idée assez anti-tango d'obliger cet orchestre à monter des concerts thématiques. Il faut croire que celui qui fera changer de route à Raúl Garello n’est pas encore né. Le Maestro et ses deux co-directeurs avec lui n’ont pas changé leur fusil d’épaule et la programmation, loin d’être thématique, offrait toute la varieté de styles, d’époques et de compositeurs qu’il convient de rassembler pour faire un concert de tango authentique.

Ce fut pour moi l’occasion de découvrir un peu plus la voix de Cucuza, de son vrai nom Hernán Castiello, prix Hugo del Carril 2007, qui chanta, et avec quel talent, deux morceaux. Superbe présence sur scène, une gestuelle sobre et juste, une diction remarquable et une voix sonore qui passe cette masse orchestrale considérable, et peu courante de nos jours, tout en faisant corps avec elle.

Partageant la scène avec Cucuza, la chanteuse prix Hugo del Carril 2007 Amparo González, qui manque encore de maturité scénique mais dispose d’une belle voix, et le cantor attitré de l’orchestre, Marcelo Tomassi, visiblement chéri du public.

J’avais déjà eu la chance d’entendre Cucuza mardi lors de cette grande réunion des poètes du tango du 21ème siècle au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer (Academia nacional del Tango). Le poète Raimundo Rosales lui avait demandé de venir interprèter deux de ses letras. Mais le Salón est un espace petit, la voix, surtout sur-assistée par la sono, ne s’y développe pas comme avec un orchestre au grand complet dans un grand théâtre à l’italienne comme l’Alvear.

Vendredi soir, je découvrirai encore une autre facette de ce chanteur promis à un brillant avenir de scène, puisqu’il fêtera avec le guitariste Maximiliano Luna, dit Moscato, actuellement dans l’avion qui nous le ramène de France, les 1 an de leur cycle de soirées tango de quartier, El Tango vuelve al Barrio, au bar El Faro dans le quartier excentré de Villa Urquiza.

Au sortir du théâtre, petit tour par la rue Florida et l’ancien Grand Magasin Harrods qui sert de palais des festivals pendant cette quinzaine, pour rencontrer le Président de la Unión de las Orquestas Típicas, croisé hier à l’issue de la fête du lustre de vie d’une radio tango alternative, consacrée uniquement aux tendances et aux artistes du tango contemporain et d’avant-garde (je vous ferai un article sur cette soirée au CCC hier). En pure perte ce petit détour vers l’est, puisque Idelfonso Pereyra n’était pas présent sur le stand. On verra demain, après l’entrevue que je dois avoir avec le Directeur du Museo Casa Carlos Gardel à l’Abasto.

Et ce soir, re-Academia pour retrouver, là encore, Patricia Barone et Javier González, dignes représentants de cette "nouvelle vague", génération montante de musiciens, de chanteurs et d’écrivains qui composent en ce moment tout un nouveau répertoire qui n’a guère encore trouvé le chemin de l’Europe.

Mise à part la soirée poétique de mardi où elle est venue chanter deux morceaux, c’était la première fois que je la voyais sur scène. Et je peux vous dire qu’avec eux, Patricia et Javier, ça déménage sec. Ce n’est pas le tango de grand-père et encore moins un machin for export. Tout le concert reposait sur la musique composée par Javier González, avec des letras signées surtout Alejandro Szwarcman et Raimundo Rosales. Côté musique, c’est un tango qui a digéré le rock’n’roll, une voix très belle, grave, âpre, qui déchire, comme disent les jeunes + des guitares électriques et de la batterie en prime... Superbe concert, très applaudi, y compris par pas mal de têtes blanches ou grisonnantes présentes dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer. Comme quoi, le tango a de l´avenir.

Au programme de demain, entrevue au Museo Casa Carlos Gardel, re-virée du côté de Harrods dans la rue commerçante et historique Florida et soirée monstre à Villa Urquiza pour retrouver Cucuza et Alorsa (sans oublier Walter Alegre, le coordinateur du tango au CCC) et faire enfin connaissance en chair et en os avec Moscato. Depuis le temps que j’en entends parler... Et puis on va mettre à profit le temps dégagé pour préparer les rencontres qui se profilent pour la semaine prochaine, le poète Luis Alposta et le musicien et directeur de label discographique Litto Nebbia. Toutes ces rencontres feront l’objet d’articles pour elles-mêmes...


En Buenos Aires son las 00.30