La Nación met l'info sur l'INDEC en premier lieu mais la vedette, c'est le Pape François au Mexique en photo Cliquez sur l'image pour lire les textes |
La Cour des Comptes (Auditoria General de la Nación), toujours présidée par un kirchneriste, a publié à la fin de la semaine dernière un rapport ravageur sur six exercices budgétaires de l'INCAA, l'institut national du cinéma et des arts audiovisuels, de 2008 à 2012. Ce que décrit le rapport est tout simplement ubuesque. Rien ne fonctionne : l'institut ne respecte même pas ses propres procédures quand il en a mis en place. La plupart du temps, rien n'existe. Les choses semblaient se faire au doigt mouillé ou peu s'en faut. Même le système de subvention à la création cinématographique n'est pas tracé : il n'a pas été possible pour les auditeurs de connaître les modalités de choix des films aidés. Les archives ne conservent ni les dates de réunion des commissions ad hoc, ni les noms des membres du jury, ni les attendus de la sélection. Quant aux subventions accordées l'année N et qui statutairement devaient être versées au cours du même exercice, elles tardaient la plupart du temps plusieurs années...
Le même mode de gestion semble avoir
régné à l'INDEC, l'institut national de statistiques, d'après ce
qu'en dit son président, Jorge Todesca, dans une interview vidéo
accordée à La Nación dans sa série Conversaciones. Il s'exprime d'un ton paisible, sans hargne, sans agressivité. Il tient des propos lucides et fait des observations de bon sens sur le monde du travail : il ne m'a pas donné l'impression d'utiliser un champ lexical imposé ni de parler la langue de bois qu'on entend, par exemple, actuellement en France, autant à droite qu'à la gauche actuellement aux affaires. Todesca fait part entre autres de sa surprise devant la présence d'une broyeuse dans tous les bureaux
alors que l'ordinateur n'y est pas systématique. Il raconte comment il a découvert que les données à partir desquelles ont été
établies certaines statistiques officielles publiées ont disparu
avec l'agent qui les avait traitées, après une mutation, un départ
en retraite, une démission... Il décrit un personnel peu motivé, routinier, démobilisé (1),
qui ne comprend pas à quoi sert son travail si désorganisé et si
inefficace (si discrédité dans le pays) qu'il en perd tout sens, un
personnel parfois incompétent, qui fait de son mieux pour se rendre
utile mais n'est pas à la hauteur de la tâche qui revient à un
institut de statistiques national. Bref, les chiffres publiés
étaient en effet faux, comme le disait la rumeur, mais faux par
hasard plus que par stricte volonté politique de les embellir.
Página/12 titre sur l'idée du produit jetable d'usage unique |
Hier, le président de l'INDEC a limogé
la directrice technique : elle demandait huit mois pour établir
des procédures dignes de foi et donc pour publier les premières
statistiques un tant soit peu fiables. Or le gouvernement a besoin de
sortir des chiffres dès le mois de mars. Jorge Todesca attendait de sa directrice qu'elle accélère la modernisation de l'institut, au prix d'heures supplémentaires de
sa part et d'améliorations qualitatives progressives par la suite, et non pas qu'elle mette l'institut en silence radio pendant près d'un an avec, au bout de ce laps de temps, des statistiques certes
inattaquables mais si tardives qu'elles auraient tout à fait tué le
crédit du Gouvernement. En attendant, le Sénat a ressorti son propre indice des prix, qu'il avait abandonné pendant la période kirchneriste. Et les instituts locaux de la Ville autonome de Buenos Aires et de la Province de San Luis fournissent des données de remplacement.
Página/12 trouve le procédé de Todesca très peu respectueux pour la dame en question (et il est en effet très brutal mais c'est souvent, hélas, la loi du genre à ce niveau de responsabilité), Télam rapporte, quant à elle, les explications, rudes mais compréhensibles au regard de la situation du pays, fournies par Todesca. Tous les quotidiens en parlent, et presque tous en une.
Página/12 trouve le procédé de Todesca très peu respectueux pour la dame en question (et il est en effet très brutal mais c'est souvent, hélas, la loi du genre à ce niveau de responsabilité), Télam rapporte, quant à elle, les explications, rudes mais compréhensibles au regard de la situation du pays, fournies par Todesca. Tous les quotidiens en parlent, et presque tous en une.
La situation de l'administration publique est si emberlificotée que
le ministre de la Culture lui-même semble ne pas avoir eu d'autre choix, dans le cas d'un des instituts nationaux de sciences sociales, que de licencier tous les agents, dans tous les métiers, et les
faire appeler individuellement deux semaines plus tard, pour un
entretien particulier avec la direction où ils doivent apporter les documents prouvant leurs compétences scientifiques, avec une liste de leurs travaux en
cours et publiés, afin que la présidence soit assurée de ne plus avoir de militants de
la Cámpora (2) dans les jambes.
Pour en savoir plus :
lire le rapport de l'Auditoria Generalde la Nación sur les six années de l'INCAA (une centaine de pages en format pdf téléchargeable)
lire l'article de La Nación sur le
sujet (La Nación y voit des observations ponctuelles que je n'ai pas
vues, comme celles qui concerneraient le documentaires sur Néstor
Kichner)
écouter l'interview Conversaciones de Jorge Todesca à La Nación (le bruit de fond de la rédaction du
journal peut gêner un non hispanophone, d'autant que
Todesca n'a pas une diction d'acteur de théâtre ou d'homme de
radio)
lire l'article de Página/12 sur le
limogeage de la directrice de l'INDEC et son remplacement par un
autre technicien des statistiques
lire l'article de Clarín sur le même
sujet
lire la dépêche de Télam.
Consulter le site Internet de l'INCAA
Consulter le site Internet de l'INDEC
Ajout du 17 février 2016 :
lire l'article de Clarín de ce jour sur les ardoises laissées par les précédents titulaires du ministère de la Culture, Teresa Parodi et Jorge Coscia (qui n'était que secrétaire d'Etat et qui auparavant, au cours du premier mandat de Cristina Kirchner, présidait... l'INCAA). Les chiffres et la nature des prestations engagées et toujours dues aux fournisseurs, depuis parfois des années, sont effarants et laissent entendre que le brillant de la politique culturelle déployée ces dernières années relevait d'une cavalerie financière à peine croyable. Si c'est avéré (Clarín a plus qu'une dent contre les kirchneristes et n'échappe pas à l'esprit revanchard), cela donnerait plus de poids encore aux déclarations du ministre Pablo Avelluto sur le désastre social des licenciements en série et sa résignation devant la nécessité d'y procéder.
Consulter le site Internet de l'INCAA
Consulter le site Internet de l'INDEC
Ajout du 17 février 2016 :
lire l'article de Clarín de ce jour sur les ardoises laissées par les précédents titulaires du ministère de la Culture, Teresa Parodi et Jorge Coscia (qui n'était que secrétaire d'Etat et qui auparavant, au cours du premier mandat de Cristina Kirchner, présidait... l'INCAA). Les chiffres et la nature des prestations engagées et toujours dues aux fournisseurs, depuis parfois des années, sont effarants et laissent entendre que le brillant de la politique culturelle déployée ces dernières années relevait d'une cavalerie financière à peine croyable. Si c'est avéré (Clarín a plus qu'une dent contre les kirchneristes et n'échappe pas à l'esprit revanchard), cela donnerait plus de poids encore aux déclarations du ministre Pablo Avelluto sur le désastre social des licenciements en série et sa résignation devant la nécessité d'y procéder.
(1) C'est d'ailleurs ce que l'on perçoit sur les visages des salariés qui aux heures de retour au bureau ou de sortie le soir vont et viennent autour de l'entrée de l'institut, situé en face de la Legislatura de Buenos Aires à Monserrat. Ces gens sont tristes, vaguement stressés, les yeux manquent de flamme et entre eux, je ne les ai pas souvent vu se sourire, blaguer... Bref, il y aurait de la souffrance au travail dans ces bureaux que je ne serais pas surprise. J'ai tellement l'impression de voir ce que j'ai pu voir à Paris, au CNES par exemple, dans les années 2000...
(2) La Cámpora est l'organisation de la
jeunesse kirchneriste dirigée par Máximo Kirchner, le fils de
Néstor et Cristina. Sous le mandat de Cristina, l'organisation s'est
vu confier des missions publiques, comme le contrôle des prix dans
les supermarchés participant à la campagne Precios Ciudados, en lieu et
place d'un corps d'inspecteurs ad hoc. Elle s'est aussi fait
connaître dans les écoles pour sa militance extrémiste et son
encadrement des petits et des adolescents qui frôlaient les
pratiques d'embrigadement. Elle est portée aux nues par les
péronistes de la tendance Kirchner mais elle donne des boutons à
tous les autres Argentins. Or elle s'est infiltrée dans presque
tous les corps de l'Etat, notamment dans les derniers mois. Elle a la
capacité de mobiliser ses militants introduits dans les institutions
pour contrer les actions du nouveau Gouvernement.