La ministre et le président (de dos) le 10 décembre 2016 juste après la prestation de serment de Susana Malcorra |
La chancelière argentine, puisque tel
est le titre là-bas de la ministre des Affaires étrangères, Susana
Malcorra, vient d'accorder une interview vidéo à La Nación dans le
cadre de ses Conversaciones offertes en ligne par le quotidien. Elle
y dialogue avec l'éditorialiste vedette de la maison, Joaquín
Morales Solá, dans le petit coin studio aménagé au milieu de la
rédaction. Diction impeccable, discours structuré, leur entretien
est très agréable à écouter et le bruit de fond de la rédaction
en pleine activité n'entame que très peu les bonnes conditions
acoustiques de l'interview.
En choisissant Susana Malcorra,
Mauricio Macri a choisi une professionnelle de la diplomatie et non
pas une politicienne partisane et avide de pouvoir, ce qui correspondait aux profils des précédents ministres (qu'ils aient ou non réussi dans ce ministère). Sa carrière professionnelle se partage entre le monde de l'entreprise privée, en secteur marchand, et l'ONU, dont elle connaît bien les rouages et au sein de
laquelle elle a noué des contacts avec tous les ministères des
Affaires étrangères du monde entier.
Cette ingénieure en
électronique, qui a fait ses études à l'université de Rosario
(Sante Fe), sa ville natale, a d'abord travaillé pendant 25 ans en
entreprise, chez IBM et Telecom Argentina, qu'elle a quitté en 2002
pour s'investir dans l'aide humanitaire et l'aide au développement.
C'est ainsi qu'en 2004, elle a intégré le programme alimentaire
mondial à l'ONU. Elle était responsable des opérations lorsqu'est
survenu le tsunami qui a ravagé l'Asie du Sud-Est à la fin 2005.
C'est à ce titre qu'elle a orchestré les premières opérations de
secours aux populations sinistrées. En 2008, elle est passée à une
autre mission, liée aux Opérations de Paix, avant d'être nommée
chef de Cabinet de Ban-Ki Moon en avril 2012. Ce qui vous explique
pourquoi son discours diffère sensiblement de celui de son
prédécesseur, Héctor Timmerman. Elle tient des propos mesurés,
calmes, sereins, dépourvus de ce parti-pris idéologique et acrimonieux qui caractérisait un certain discours de l'ère précédente. Elle sait dialoguer avec
tout le monde et aime cela. C'est donc cette femme de soixante-et-un ans qui est chargée de déployer la
nouvelle politique diplomatique pour remettre l'Argentine à une place similaire à celle qu'elle a occupée à la fin du XIXème siècle et au
début du XXème, quand les pays européens voyaient en
elle une alliée aussi respectable (et aussi peu dangereuse pour leur domination du monde) que les Etats-Unis d'avant
la Grande Guerre.
Dans cet entretien, elle aborde, avec un
changement de ton très sensible, le thème des relations avec les
Etats-Unis, avec les détenteurs privés de la dette argentine
qu'elle appelle hold-outs et bonistas et non plus fondos buitres
("fonds vautours") comme auparavant, la Grande-Bretagne avec laquelle
l'Argentine veut chercher des terrains de coopération tout en
maintenant fermement sa position sur les Malouines, les organisations
multilatérales (UNASUR, Mercosur, CELAC, Union Européenne) et... le
Pape, qu'elle désigne systématiquement comme Su Santidad, pour bien
marquer que François n'est pas le cardinal Bergoglio qui aurait
changé la couleur de sa soutane, comme les Argentins ont une forte
tendance à le voir (et ce à quoi la précédente diplomatie le
réduisait)...
Alors que la visite officielle de Mateo
Renzi vient de s'achever, que celle de François Hollande va
commencer (ce sera la semaine prochaine) et que le Président Macri
prépare déjà l'audience qu'il aura le 27 février à Rome, dans
les appartements pontificaux, en compagnie de Malcorra elle-même,
d'un ministre du pôle Economie, des trois gouverneurs de couleur
politique et zone géographique différentes (un du nord, un du
centre et un du sud), cette interview est plus qu'intéressante à
écouter...
Pour aller plus loin :
écouter l'interview en ligne, avec le
document complet (près de 20 minutes) ou avec le découpage en séquences
thématiques proposées par la rédaction de La Nación
lire la courte analyse de l'interview
publiée dans l'édition papier de La Nación
lire le CV de la ministre
consulter le site Internet du Ministère des Affaires étrangères argentin.
Dans un article de ce jour, Página/12 répond à Susana Malcorra avec un titre ironique, comme cette rédaction sait faire, et en dénonçant les bonnes relations que Mauricio Macri veut avoir avec Barack Obama, La rédaction est d'autant plus choquée que la visite de Barack Obama est attendue le 23 mars prochain, c'est-à-dire le jour même du quarantième anniversaire de coup d'Etat de Videla, commandité par les Etats-Unis. Or, et les coïncidences sont pour le moins troublantes, la police a tenté hier d'interdire l'accès à la Plaza de Mayo au mouvement de Madres de Plaza de Mayo qui y fait sa ronde tous les jeudis après-midi.
La police a fini par présenter des excuses mais le coup de semonce est bien là... Lire à ce propos l'article alarmé et alarmiste de Página/12.
A quoi correspond ce choix du 23 mars ? A un problème de calendrier et d'emploi du temps d'une partie ou de l'autre ? A l'ignorance du caractère traumatisant de cette date ? A la volonté de manifester que les relations bilatérales entre les deux pays ont radicalement changé et que l'époque n'est plus la même ? Auquel cas, il est possible que l'opinion publique argentine ne soit pas encore mûre pour ce genre de symbole. Eu égard à la culture étrangère de Macri et à son expérience, comme à celle de Malcorra (les deux ont fait l'expérience de vivre longtemps à l'étranger, en l'occurrence sur la Côte Est des Etats-Unis), on peut imaginer qu'ils ont pensé à De Gaulle rencontrant Adenauer à Strasbourg, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'eux-mêmes avaient été personnellement des combattants de l'un et l'autre côté...
On verra comment va se passer ce 23 mars et comme l'opinion publique va accueillir le président nord-américain.
La Nación fait une autre analyse de la prochaine visite de Barack Obama.
Ajout du 19 février 2015
Dans un article de ce jour, Página/12 répond à Susana Malcorra avec un titre ironique, comme cette rédaction sait faire, et en dénonçant les bonnes relations que Mauricio Macri veut avoir avec Barack Obama, La rédaction est d'autant plus choquée que la visite de Barack Obama est attendue le 23 mars prochain, c'est-à-dire le jour même du quarantième anniversaire de coup d'Etat de Videla, commandité par les Etats-Unis. Or, et les coïncidences sont pour le moins troublantes, la police a tenté hier d'interdire l'accès à la Plaza de Mayo au mouvement de Madres de Plaza de Mayo qui y fait sa ronde tous les jeudis après-midi.
La police a fini par présenter des excuses mais le coup de semonce est bien là... Lire à ce propos l'article alarmé et alarmiste de Página/12.
A quoi correspond ce choix du 23 mars ? A un problème de calendrier et d'emploi du temps d'une partie ou de l'autre ? A l'ignorance du caractère traumatisant de cette date ? A la volonté de manifester que les relations bilatérales entre les deux pays ont radicalement changé et que l'époque n'est plus la même ? Auquel cas, il est possible que l'opinion publique argentine ne soit pas encore mûre pour ce genre de symbole. Eu égard à la culture étrangère de Macri et à son expérience, comme à celle de Malcorra (les deux ont fait l'expérience de vivre longtemps à l'étranger, en l'occurrence sur la Côte Est des Etats-Unis), on peut imaginer qu'ils ont pensé à De Gaulle rencontrant Adenauer à Strasbourg, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'eux-mêmes avaient été personnellement des combattants de l'un et l'autre côté...
On verra comment va se passer ce 23 mars et comme l'opinion publique va accueillir le président nord-américain.
La Nación fait une autre analyse de la prochaine visite de Barack Obama.