C'est approuvé depuis hier :
avocat de formation (d'où son titre) (1), journaliste d'opposition
sous la Dictature, exilé pour cette raison au Venezuela et figure
historique du parti radical de la démocratie retrouvée (centre à
centre gauche), le Dr. Rodolfo Terragno a été désigné début
février ambassadeur de l'Argentine auprès de l'UNESCO pour
remplacer le pianiste et militant des droits de l'homme péroniste
Miguel Angel Estrella (à peu près le même âge) qui, avant le
second tour de l'élection présidentielle, avait appelé à voter
contre Mauricio Macri. Il a donc renoncé à son poste pour retourner
vivre entre San Miguel de Tucumán, où il est né, et la France où
il vit depuis qu'il s'y était réfugié pendant la dictature
militaire.
Le Sénat a approuvé la nomination de
R. Terragno lors de sa séance hier, au milieu d'une dizaine de
dossiers diplomatiques (2). Terragno avait appelé à voter pour
Macri plus par raison, pour en terminer avec l'ère kirchneriste,
plus que par adhésion personnelle. Il est radical, comme tous les
radicaux, il est foncièrement anti-péroniste.
Après avoir été ministre de Raúl
Alfonsín, dans le gouvernement du retour à la démocratie, puis
député national à deux reprises et brièvement Premier ministre
(3) du Président Fernando De La Rúa (pendant un an, juste quelques
mois avant la faillite du pays en 2001), Rodolfo Terragno se voit
donc proposer une fin de carrière plus qu'honorable au service de la
République argentine, à défaut de partir au Parlasur comme député
de l'Argentine (il se présentait sous l'étiquette radicale au titre
de la Capitale fédérale). Sans aucun doute, la place Fontenoy, à
Paris, est une option plus prestigieuse. Lui qui a participé en 1985
aux assises de la pédagogie juste après le retour à l'ordre
constitutionnel, s'est déclaré heureux d'apporter un soutien à la
politique de l'éducation dans son pays en s'inspirant des modèles
qui, dans le monde, rencontrent le succès, puisque l'UNESCO est le
lieu où se croisent tous les spécialistes et les responsables de
cette question à l'échelle du monde.
Depuis plusieurs années, Rodolfo
Terragno s'est fait connaître par plusieurs livres consacré au
général José de San Martín, dont un retentissant essai sur les
stratégies britanniques lorsque la perfide Albion cherchait à
prendre le contrôle de l'Amérique du Sud (pour la soustraire à
l'ennemie héréditaire qu'était l'Espagne et compenser la perte des
Etats-Unis) et les influences qu'elles ont pu avoir sur la grande
épopée de la libération continentale telle que San Martín l'a
conduite de 1812 à 1822, avec ce parcours cohérent qui commence à
Buenos Aires, passe par Mendoza et Santiago du Chili pour mieux faire
tomber, par la voie maritime, le bastion espagnol qu'était Lima.
Ces ouvrages lui ont valu d'entrer à
l'Institut National Sanmartinien en qualité d'historien (4).
Espérons qu'il saura dynamiser la
représentation argentine à l'UNESCO et en faire un authentique
outil au service du prestige culturel de l'Argentine, comme San
Martín lui-même y travaillait, discrètement, dans son exil à
Paris. Il va lui falloir justifier la signification symbolique de la
date de sa nomination, rendue publique le 3 février, c'est-à-dire
le jour anniversaire de San Lorenzo, la mythique victoire de San
Martín sur le sol national (où il n'a combattu qu'une seule fois,
ce jour-là, et en qualité de colonel – pas encore de général).
Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur
l'approbation du Sénat
lire l'article de Clarín sur la
nomination elle-même
accéder à la page Facebook de Rodolfo Terragno
visiter son site Internet. Vous y
trouverez pas mal d'informations sur ses livres.
(1) En Argentine, il faut être docteur
en droit pour exercer le métier d'avocat comme celui de juge, les
deux étant d'ailleurs interchangeables.
(2) Le nouvel Ambassadeur au Vatican
avait bénéficié d'une procédure exprès puisqu'il a déjà pu
présenter ses lettres de créances au Saint-Père, malgré les
grandes vacances parlementaires d'été.
(3) En Argentine, la fonction de Jefe
de Gabinete se situe entre celle de Premier ministre façon Vème
République française et de Secrétaire général de la Présidence
de la République.
(4) Il n'est pas un historien au sens
que ce terme revêt dans notre monde universitaire européen. Mais il
est vrai qu'il y a fort peu d'historiens dans cette acception-là du
mot en Argentine. Surtout sur ces questions encore trop chargées de
passions politiques que sont les hommes et les événements de
l'Indépendance et du début du XIXème siècle. Il est
d'ailleurs très courant en Argentine que les historiens soient en
fait des journalistes plus ou moins convertis à l'histoire alors que
chez nous, les deux métiers sont très différents et très rarement
exercés par les mêmes personnes.