mercredi 24 février 2016

Un sanmartinien à l'UNESCO ! [ici]

C'est approuvé depuis hier : avocat de formation (d'où son titre) (1), journaliste d'opposition sous la Dictature, exilé pour cette raison au Venezuela et figure historique du parti radical de la démocratie retrouvée (centre à centre gauche), le Dr. Rodolfo Terragno a été désigné début février ambassadeur de l'Argentine auprès de l'UNESCO pour remplacer le pianiste et militant des droits de l'homme péroniste Miguel Angel Estrella (à peu près le même âge) qui, avant le second tour de l'élection présidentielle, avait appelé à voter contre Mauricio Macri. Il a donc renoncé à son poste pour retourner vivre entre San Miguel de Tucumán, où il est né, et la France où il vit depuis qu'il s'y était réfugié pendant la dictature militaire.


Le Sénat a approuvé la nomination de R. Terragno lors de sa séance hier, au milieu d'une dizaine de dossiers diplomatiques (2). Terragno avait appelé à voter pour Macri plus par raison, pour en terminer avec l'ère kirchneriste, plus que par adhésion personnelle. Il est radical, comme tous les radicaux, il est foncièrement anti-péroniste.

Après avoir été ministre de Raúl Alfonsín, dans le gouvernement du retour à la démocratie, puis député national à deux reprises et brièvement Premier ministre (3) du Président Fernando De La Rúa (pendant un an, juste quelques mois avant la faillite du pays en 2001), Rodolfo Terragno se voit donc proposer une fin de carrière plus qu'honorable au service de la République argentine, à défaut de partir au Parlasur comme député de l'Argentine (il se présentait sous l'étiquette radicale au titre de la Capitale fédérale). Sans aucun doute, la place Fontenoy, à Paris, est une option plus prestigieuse. Lui qui a participé en 1985 aux assises de la pédagogie juste après le retour à l'ordre constitutionnel, s'est déclaré heureux d'apporter un soutien à la politique de l'éducation dans son pays en s'inspirant des modèles qui, dans le monde, rencontrent le succès, puisque l'UNESCO est le lieu où se croisent tous les spécialistes et les responsables de cette question à l'échelle du monde.

Depuis plusieurs années, Rodolfo Terragno s'est fait connaître par plusieurs livres consacré au général José de San Martín, dont un retentissant essai sur les stratégies britanniques lorsque la perfide Albion cherchait à prendre le contrôle de l'Amérique du Sud (pour la soustraire à l'ennemie héréditaire qu'était l'Espagne et compenser la perte des Etats-Unis) et les influences qu'elles ont pu avoir sur la grande épopée de la libération continentale telle que San Martín l'a conduite de 1812 à 1822, avec ce parcours cohérent qui commence à Buenos Aires, passe par Mendoza et Santiago du Chili pour mieux faire tomber, par la voie maritime, le bastion espagnol qu'était Lima.

Ces ouvrages lui ont valu d'entrer à l'Institut National Sanmartinien en qualité d'historien (4).

Espérons qu'il saura dynamiser la représentation argentine à l'UNESCO et en faire un authentique outil au service du prestige culturel de l'Argentine, comme San Martín lui-même y travaillait, discrètement, dans son exil à Paris. Il va lui falloir justifier la signification symbolique de la date de sa nomination, rendue publique le 3 février, c'est-à-dire le jour anniversaire de San Lorenzo, la mythique victoire de San Martín sur le sol national (où il n'a combattu qu'une seule fois, ce jour-là, et en qualité de colonel – pas encore de général).

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur l'approbation du Sénat
lire l'article de Clarín sur la nomination elle-même
visiter son site Internet. Vous y trouverez pas mal d'informations sur ses livres.



(1) En Argentine, il faut être docteur en droit pour exercer le métier d'avocat comme celui de juge, les deux étant d'ailleurs interchangeables.
(2) Le nouvel Ambassadeur au Vatican avait bénéficié d'une procédure exprès puisqu'il a déjà pu présenter ses lettres de créances au Saint-Père, malgré les grandes vacances parlementaires d'été.
(3) En Argentine, la fonction de Jefe de Gabinete se situe entre celle de Premier ministre façon Vème République française et de Secrétaire général de la Présidence de la République.
(4) Il n'est pas un historien au sens que ce terme revêt dans notre monde universitaire européen. Mais il est vrai qu'il y a fort peu d'historiens dans cette acception-là du mot en Argentine. Surtout sur ces questions encore trop chargées de passions politiques que sont les hommes et les événements de l'Indépendance et du début du XIXème siècle. Il est d'ailleurs très courant en Argentine que les historiens soient en fait des journalistes plus ou moins convertis à l'histoire alors que chez nous, les deux métiers sont très différents et très rarement exercés par les mêmes personnes.