Cliquez sur l'image pour lire les textes L'info a droit au plus gros titre et à la photo couleur grand angle fournie par la Casa Rosada |
L'annonce a été soignée. Le
communiqué officiel de la Casa Rosada est illustré de petits
schémas récapitulatifs très clairs, sobres, très soignés du
point de vue esthétique. En lieu et place des très longs discours
de Cristina (un brin triomphalistes), des énoncés dynamiques,
didactiques et des illustrations. La génération Powerpoint est au
pouvoir. C'est normal : beaucoup des personnes qui travaillent
maintenant au gouvernement viennent de l'entreprise privée où ce
logiciel est le roi de la réunion de service, en Argentine comme
partout ailleurs dans le monde.
Cela ne suffit pas à convaincre tout
le monde : l'opposition kirchneriste, qui s'exprime à travers
Página/12, critique avec sarcasme ce train de mesures qui paraissent
largement insuffisantes et Sergio Massa, un opposant plus conciliant,
estime qu'il faut faire encore un effort pour qu'elles soient
vraiment justes. Il demande en particulier que les tranches d'imposition soient revues. Un travail de refonte qui ne sera entrepris que l'année
prochaine, a aussitôt fait savoir la présidence.
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De quoi s'agit-il ? D'élever le
seuil d'imposition sur le revenu (notamment le revenu dit du travail,
autrement dit celui des salariés) et d'augmenter en même temps un
certain nombre d'allocations familiales pour les non imposables. De
cette manière, le revenu net de ces contribuables va augmenter dans
des proportions non négligeables si les évaluations
gouvernementales sont justes (1). C'est aussi une manière de
contrebalancer l'inflation, dont Mauricio Macri a redit qu'il
mettrait tout en œuvre pour la réduire le plus tôt possible.
Les mesures fiscales sont prises à
effet rétroactif au 1er janvier de cette année.
Ce paquet de mesures répond,
partiellement, à une vieille revendication syndicale qui veut voir
supprimer les impôts sur les revenus du salariat, car seul les
impôts sur le revenu, en toute exactitude sémantique, ne devraient
toucher que les revenus du capital et non le salaire du travail. Ce
n'est pas faux, mais cela fait très longtemps que le système fiscal
à peu près partout dans le monde (hors pays communistes) fait peser
le système des contributions sur tous les citoyens, qu'ils soient
salariés ou rentiers (avec des différences souvent très injustes
entre le taux d'imposition sur les salaires et celui appliqués aux
produits financiers et aux bénéfices du capital investi en actions
et obligations).
En outre, le bénéfice des allocations
familiales (2) va être élargi à des catégories de personnes qui
n'y avaient pas droit puisqu'ils étaient au-dessus du plafond de
revenus. Comme ce plafond va être doublé, on devrait passer de 2,9
millions d'enfants donnant lieu à versement à 4,1 millions. Sur une
population totale de 40 millions d'habitants, ce n'est pas tout à
fait rien. Par ailleurs, la prime de rentrée, versée aux familles
les plus démunies, sera en mars de 808 pesos par enfant scolarisé.
L'opposition estime que ces mesures
vont en fait bénéficier à un tout petit nombre de personnes
réelles et que le discours du président était ficelé pour
embellir la situation. Toujours est-il que tous les quotidiens font
leur une sur ce train de mesures qui doit donc signifier quelque
chose.
Pour aller plus loin :
lire le communiqué du Gouvernement
avec ses petits schémas façon Powerpoint
lire l'article de Página/12, très
critique (je perçois une petite nuance de dépit dans le ton)
lire l'article de La Nación, plutôt
favorable (même si tout au long de la journée, le quotidien a
relayé les critiques plus ou moins acerbes qui accueillent la
nouvelle)
lire l'article de Clarín
lire la dépêche de Télam.
En même temps que l'annonce
fisco-sociale est faite, une autre annonce conforte les soupçons de
la gauche anti-macriste : Barack Obama viendra en visite
officielle à Buenos Aires les 23 et 24 mars prochain, alors que le
23 mars marquera le 40ème anniversaire du coup d'Etat de
Videla, dont la dictature a été ouvertement appuyée par les
Etats-Unis de Ronald Reagan. Página/12 y voit une menace pour les
droits de l'homme et la démocratie, un retour en arrière dont il
diagnostique les symptômes dans la tentative, hier jeudi, de la
police d'interdire l'accès de Plaza de Mayo à la ronde
traditionnelle des Madres de Plaza de Mayo (lesquelles ont finalement
marché derrière une banderole contre les licenciements dans le
secteur public, c'est-à-dire une cause qui n'a rien à voir avec
leur objet social qui les réunit tous les jeudis à cet endroit, et
ceci de la part d'une organisation qui traite le président
démocratiquement élu d'ennemi et de dictateur). Página/12 croit à
une manipulation volontaire de l'opinion publique, à un enfumage de
la part d'un Macri, suppôt du Satan impérialiste figé un rôle de
bourreau suceur de sang. Sans tomber dans l'angélisme ni le "bisounoursisme" béat, on peut faire la lecture inverse de cette
succession d'événements : Obama vient le 23 pour symboliser le
changement radical et définitif de la relation des Etats-Unis avec
l'Amérique latine en général (il arrivera de Cuba où il aura
rencontré Castro, après 60 ans d'hostilité entre les deux pays).
Macri a visité l'ex-Esma au début de la semaine et s'y est laissé
photographier dans des lieux qui n'accordent aucune place au doute
quant à la réalité historique et politique des crimes qui s'y sont
commis parce qu'il voulait signifier le changement de cap de cette
droite à laquelle il appartient (et Obama aussi) et l'adoption
définitive des valeurs démocratiques. Et il annonce aujourd'hui ces
mesures socio-fiscales parce qu'il veut une rentrée sous le signe de
la lutte contre la pauvreté dans une économie libéralisée (plutôt
que, comme au cours des douze années passées, dans une économie à
fort interventionnisme d'Etat). Chacune de ces lectures a sa cohérence
et il me paraît tout de même un peu tôt pour en décider. Laissons
Obama arriver, on verra bien, ce n'est pas le diable, cet homme-là ! En revanche, il me paraît clair que
l'opinion kirchneriste n'est pas mûre aujourd'hui pour accepter la
seconde interprétation, ni à Página/12 ni dans les associations de
droits de l'homme (même si on met Madres de Plaza de Mayo à part) et le tort de Macri est peut-être de vouloir forcer la marche en avant (encore que ce soit aussi le courage de l'homme politique que de ne pas aller dans le sens du poil).
Ajout du 23 février 2016 :
lire cet article de Página/12 que relaie les observations du médiateur du troisième âge, qui a constaté qu'environ 110 000 retraités jusqu'à présent non imposables devront acquitter des impôts cette année, à cause des nouvelles règles.
Ajout du 23 février 2016 :
lire cet article de Página/12 que relaie les observations du médiateur du troisième âge, qui a constaté qu'environ 110 000 retraités jusqu'à présent non imposables devront acquitter des impôts cette année, à cause des nouvelles règles.
(1) Mais il est bien difficile
d'imaginer le degré d'exactitude de ces projections puisqu'on vient
d'en avoir la confirmation, l'INDEC, l'institut national de
statistiques, est dans un piètre état et sort des chiffres à la va
comme je te pousse, or les mêmes causes provoquant les mêmes
effets, si l'Indec fonctionne si mal, il serait bien étonnant que
l'AFIP (l'administration du Trésor Public) travaille mieux. Donc le
gouvernement n'a pas que s'appuyer sur des données encore douteuses.
(2) En Argentine, les allocations
familiales sont versées sous condition de plafond de revenu.