La cave de Amaicha (photo Angel y Vino) |
C'est La Gaceta de Tucumán, le quotidien local de cette province, qui nous
l'annonce : la communauté diaguita Amaicha s'apprête à faire
ses premières vendanges sur le vignoble collectif qu'elle possède à
Amaicha del Valle, une bourgade aborigène de la célèbre et
magnifique région de Valle Calcharquí, dans la Province de Tucumán,
au nord-ouest de l'Argentine.
Les 5 000 membres de cette
communauté amérindienne espèrent produire un vin correspondant à
leur identité culturelle et à leurs valeurs ancestrales. Son
conseil des Anciens a en particulier choisi pour cacique un jeune
avocat très dynamique, le Dr. Eduardo Nieva.
Son vin sera un breuvage d'altitude
(2 500 m au-dessus de la mer) et correspondra donc à la
viniculture la plus recherchée en Argentine depuis que le
réchauffement climatique menace les vignobles de plaine (notamment
celui de Mendoza) et que les producteurs se sont mis à chercher dans
les montagnes des terroirs où puissent s'équilibrer le chaud et le
froid indispensables au bon développement des arômes des divers
cépages acclimatés au fil des siècles en Argentine.
La cave pendant sa construction présentée sur la revue du défunt secrétariat d'Etat à l'agriculture familiale |
Amaicha est le premier vignoble indien
du pays et seulement le second dans le monde. La petite vigne,
surtout à l'échelle du vignoble argentin, qui se mesure en km2, a été plantée en 2011 : 25 élargis à présent à 35
hectares, plantés en malbec (LE cépage argentin par excellence),
cabernet-sauvignon et merlot, deux autres cépages abondamment
représentés dans l'œnologie du pays. Il s'agit d'une viticulture
durable, sans pesticide ni engrais, bref ce sera du vin bio !
Les vignerons en espèrent 100 000 bouteilles par an, en vitesse
de croisière...
La communauté a fait construire une
petite cave sobre mais équipée du matériel le plus moderne qui
soit (le vin sera fabriqué et élevé en cuves métalliques). Elle
se dresse sur un modeste promontoire, non loin du site archéologique
des Ruines de los Quilmes, ancienne forteresse remontant au VIIIème
siècle av. JC, restaurée à la fin des années 1980 comme partie du
patrimoine national argentin. Le bâtiment très sobre, très beau,
respecte les critères de la construction diaguita traditionnelle et
n'emploie que des matériaux locaux. Les vendangeurs devraient
récolter dans environ un mois, la date classique pour des vendanges
en Argentine, puisqu'elles s'étalent de fin mars à fin avril (hors
vendanges tardives et vins de glace, encore très peu fréquents). La
Gran Nación Diaguita, qui présente la particularité d'avoir
survécu en maintenant intactes ses traditions politiques, en dépit
de la domination coloniale espagnole sur ses terres, a fait appel
pour mener à bien son projet à des experts de différentes régions
viticoles le long des Andes, depuis Mendoza, qui est le leader
historique du vin dans le pays, jusqu'à Tucumán.
A noter donc dans vos carnets pour un
prochain voyage sur les routes du vin argentin... Celle de Tucumán
est particulièrement développée. Le village et sa cave en
formation sont inscrits sur la route des communautés amérindiennes
de la Province et participent d'ores et déjà du programme
touristique provincial Ruta del Vino.
La communauté vit déjà d'agriculture
variée et d'artisanat (du tissage notamment) et d'autres activités
qu'ils dirigent de manière autonome. Ils ont voulu éviter le sort
d'une communauté voisine, à Tafí del Valle, qui sont eux des
salariés de propriétaires terriens d'origine européenne (et quand
on sait ce que c'est que le statut d'ouvrier agricole dans ce pays :
droits sociaux, néant ! Payés à l'élastique ou à la tête
du client...). Amaicha propose aussi des activités touristiques à
haute valeur culturelle ajoutée, dont plusieurs festivals d'arts
vivants, entre autres le traditionnel festival de la Pachamama autour
du culte ancestral à la Terre-mère sur lequel les peuples du
Noroeste argentin tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, même
si les touristes y voient trop souvent hélas un folklore pittoresque
dans le mauvais sens de l'expression.
Cette agriculture biologique aborigène
correspond exactement au champ d'action qui était celui du
secrétariat d'Etat à l'agriculture familiale qui vient de
disparaître au ministère de l'Agriculture nationale à Buenos
Aires.
Pour en savoir plus :
visiter le blog officiel de Amaicha
lire aussi cet article de La Nación du
12 avril 2015 sur les routes du vin de la région (en jpg pour illustrer cette entrée).