vendredi 12 février 2016

Légère augmentation pour les aides sociales [Actu]

Toute la presse argentine salue ce matin l'augmentation d'un peu plus de 15,35% que connaîtront en mars le minimum vieillesse et l'allocation familiale universelle (appelée ainsi parce qu'elle est versée à tous les parents d'enfant mineur, sous plafond de revenu mais quelque soit leur statut, chômeur, salarié déclaré ou non, indépendant). Avec une inflation qui a fortement repris depuis l'élection présidentielle et avoisinne à présent les 30% l'an (contre de 20 à 25% selon les instituts, avant l'élection), cette décision, annoncée par le Président et par l'ANSeS (l'administration nationale de la Sécurité sociale), a le mérite d'exister, même si elle est loin de correspondre aux besoins réels des bénéficiaires. Et pour une fois, cela ne fait la une d'aucun des quatre quotidiens nationaux.

Les nouveaux montants seront effectifs au premier mars, conformément à la législation existante qui a été confirmée très tôt après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement.

La nouvelle est accueillie avec d'autant plus de soulagement qu'on a pu craindre la disparition pure et simple de ces dispositions instituées par Cristina Kichner et qui avaient été fortement critiquées par Mauricio Macri pendant la campagne électorale.

Dans la foulée, la présidence a fait connaître le montant des émoluments bruts et nets du chef de l'Etat, qui viennent de lui être versés pour la première fois mais dont il donnera presque la totalité à une œuvre de bienfaisance, en l'occurrence une cantine sociale (on peut constater dans les chiffres que le Président contribue à hauteur de 50% de son brut au système social du pays). Cette transparence avait été annoncée, la promesse est tenue mais il se peut qu'elle s'explique aussi par la rentrée parlementaire qui approche et s'annonce délicate alors que l'état de grâce dont bénéficiait le président jusqu'à présent bat de l'aile. En effet, chose inédite en Argentine pour un premier mandat démocratique, le Président ne dispose pas de la majorité au Sénat et ne dispose à la Chambre que d'une majorité d'alliance d'opportunité, dont il semble pour le moment qu'il devra la négocier au coup par coup. Qui plus est, si le bloc de l'opposition, FpV (kirchneriste), à la Chambre, est affaibli  par un schisme qui vient de se produire entre les députés qui reconnaissent le leadership de Cristina Kirchner et ceux qui veulent s'en libérer, la coalition majoritaire, Cambiemos, commence elle aussi à se désolidariser quelque peu devant le désastre social qui affecte notamment Buenos Aires et sa proche banlieue du fait de tant et tant de ruptures de contrat dans les instances gouvernementales, concentrées pour la plupart dans la Capitale Fédérale. La rentrée politique pourrait donc être assez agitée (1).

La une des pages culturelles de Página/12 aujourd'hui
En gros titre : "Du vent, du balais !"
En bas, sur les scellées : "Fermé par décision supérieure"

Página/12, très remonté contre cette nouvelle politique qui fragilise les plus pauvres du pays, en profite aussi pour dénoncer la disparition au sein du ministère de l'Agriculture (un ministère quasi-régalien en Argentine) le sous-secrétariat d'Etat à l'agriculture familiale, qui soutenait la production vivrière, distribuée en circuits courts, qui permet de vivre à des familles, la plupart amérindiennes, tout en préservant des traditions agraires ancestrales et une qualité de produit que n'obtient pas l'agriculture industrielle qui fait le gros de l'activité rurale du pays. Página/12 est aussi le seul des quatre grands quotidiens nationaux à faire état aujourd'hui du mécontentement des acteurs de la vie culturelle contre les 500 licenciements qui ont touché les institutions dépendant du ministère de la Culture, des décisions qui, souvent, n'ont pas fait la part des choses malgré les paroles données d'examiner les situations des personnes au cas par cas (on a licencié en bloc l'ensemble du personnel de certaines institutions). Le quotidien continue à soutenir le centre culturel de Madres de Plaza de Mayo qui s'est vu privé d'une grande partie de ses subventions (alors que la présidente du mouvement refuse toujours de s'asseoir à la table de négociation avec le gouvernement, qu'elle juge illégitime).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur l'augmentation annoncée

Sur les émoluments du Président :

Sur les autres questions socio-économiques qui ne tracassent que Página/12 :
lire l'article sur le mécontentement social dans le secteur de la culture
lire l'article sur l'agriculture familiale qui n'a pas plus de correspondant au gouvernement national.



(1) D'autant qu'il y a eu un très grave incident policier pendant la période si festive et si populaire du carnaval quand des gendarmes ont tirés à balle en caoutchouc (et à balle en plomb) sur un groupe d'enfants et d'adolescents qui répétaient dans la rue leur défilé carnavaleux : c'était en fait une murga qui s'entraînait et dans laquelle on ne sait pas pourquoi les gendarmes ont cru voir une manifestation menaçante. Franchement, en Argentine, une murga, même sans les déguisements, ça se reconnaît, même si les propos ne sont pas tendres pour les autorités en place (c'est même le but du jeu depuis les origines du carnaval).