Toute la presse argentine salue ce
matin l'augmentation d'un peu plus de 15,35% que connaîtront en mars
le minimum vieillesse et l'allocation familiale universelle (appelée
ainsi parce qu'elle est versée à tous les parents d'enfant mineur,
sous plafond de revenu mais quelque soit leur statut, chômeur,
salarié déclaré ou non, indépendant). Avec une inflation qui a
fortement repris depuis l'élection présidentielle et avoisinne à
présent les 30% l'an (contre de 20 à 25% selon les instituts, avant
l'élection), cette décision, annoncée par le Président et par
l'ANSeS (l'administration nationale de la Sécurité sociale), a le
mérite d'exister, même si elle est loin de correspondre aux besoins
réels des bénéficiaires. Et pour une fois, cela ne fait la une d'aucun des quatre quotidiens nationaux.
Les nouveaux montants seront effectifs
au premier mars, conformément à la législation existante qui a
été confirmée très tôt après l'entrée en fonction du nouveau
gouvernement.
La nouvelle est accueillie avec
d'autant plus de soulagement qu'on a pu craindre la disparition pure
et simple de ces dispositions instituées par Cristina Kichner et qui
avaient été fortement critiquées par Mauricio Macri pendant la
campagne électorale.
Dans la foulée, la présidence a fait
connaître le montant des émoluments bruts et nets du chef de
l'Etat, qui viennent de lui être versés pour la première fois mais
dont il donnera presque la totalité à une œuvre de bienfaisance,
en l'occurrence une cantine sociale (on peut constater dans les
chiffres que le Président contribue à hauteur de 50% de son brut au
système social du pays). Cette transparence avait été annoncée,
la promesse est tenue mais il se peut qu'elle s'explique aussi par la
rentrée parlementaire qui approche et s'annonce délicate alors que l'état de grâce dont bénéficiait le président jusqu'à présent bat de l'aile. En effet, chose inédite en
Argentine pour un premier mandat démocratique, le Président ne dispose pas de la
majorité au Sénat et ne dispose à la Chambre que d'une majorité d'alliance d'opportunité, dont il semble pour le moment qu'il devra la négocier au coup par coup. Qui plus est, si le bloc de l'opposition, FpV (kirchneriste), à la Chambre, est affaibli par un schisme qui vient de se produire entre les députés qui reconnaissent le leadership de Cristina Kirchner et ceux qui veulent s'en libérer, la coalition majoritaire, Cambiemos, commence elle aussi à se désolidariser quelque peu devant le désastre social qui affecte
notamment Buenos Aires et sa proche banlieue du fait de tant et tant
de ruptures de contrat dans les instances gouvernementales, concentrées pour la plupart dans la Capitale Fédérale. La rentrée
politique pourrait donc être assez agitée (1).
La une des pages culturelles de Página/12 aujourd'hui En gros titre : "Du vent, du balais !" En bas, sur les scellées : "Fermé par décision supérieure" |
Página/12, très remonté contre cette
nouvelle politique qui fragilise les plus pauvres du pays, en profite
aussi pour dénoncer la disparition au sein du ministère de
l'Agriculture (un ministère quasi-régalien en Argentine) le
sous-secrétariat d'Etat à l'agriculture familiale, qui soutenait la
production vivrière, distribuée en circuits courts, qui permet de
vivre à des familles, la plupart amérindiennes, tout en préservant
des traditions agraires ancestrales et une qualité de produit que
n'obtient pas l'agriculture industrielle qui fait le gros de
l'activité rurale du pays. Página/12 est aussi le seul des quatre
grands quotidiens nationaux à faire état aujourd'hui du
mécontentement des acteurs de la vie culturelle contre les 500
licenciements qui ont touché les institutions dépendant du
ministère de la Culture, des décisions qui, souvent, n'ont pas fait
la part des choses malgré les paroles données d'examiner les
situations des personnes au cas par cas (on a licencié en bloc
l'ensemble du personnel de certaines institutions). Le quotidien
continue à soutenir le centre culturel de Madres de Plaza de Mayo
qui s'est vu privé d'une grande partie de ses subventions (alors que
la présidente du mouvement refuse toujours de s'asseoir à la table
de négociation avec le gouvernement, qu'elle juge illégitime).
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur
l'augmentation annoncée
lire l'article de Clarín
Sur les émoluments du Président :
lire l'article de Clarín
Sur les autres questions
socio-économiques qui ne tracassent que Página/12 :
lire l'article sur le mécontentement social dans le secteur de la culture
lire l'article sur l'agriculture familiale qui n'a pas plus de correspondant au gouvernement national.
(1) D'autant qu'il y a eu un très
grave incident policier pendant la période si festive et si
populaire du carnaval quand des gendarmes ont tirés à balle en
caoutchouc (et à balle en plomb) sur un groupe d'enfants et
d'adolescents qui répétaient dans la rue leur défilé
carnavaleux : c'était en fait une murga qui s'entraînait et
dans laquelle on ne sait pas pourquoi les gendarmes ont cru voir une
manifestation menaçante. Franchement, en Argentine, une murga, même
sans les déguisements, ça se reconnaît, même si les propos ne
sont pas tendres pour les autorités en place (c'est même le but du
jeu depuis les origines du carnaval).