Le dernier livre de Gabriel di Meglio |
Gabriel di Meglio est un
historien formé à l'Université de Buenos Aires qui travaille
aujourd'hui à la fois au CONICET (le Conseil national de recherche
et de technologie, l'équivalent du CNRS français), à Canal
Encuentro, la télévision culturelle du service public où il est responsable d'un certain nombre d'émissions
d'histoire de très bonne qualité et au musée du Cabildo de Buenos
Aires, consacré à la Révolution de Mai 1810, dont il est le
nouveau directeur. Gabriel di Meglio est aussi l'un des scénaristes
à qui l'on doit le charmant petit personnage de Zamba, des dessins
animés diffusés par Paka Paka pour les tout petits initialement
conçus pour attirer le très jeune public vers l'histoire avant de
concerner tous les domaines du savoir scolaire (voir mon article du 7 juillet 2016 sur ces émissions).
Gabriel Di Meglio dans la salle centrale du Cabildo, là où se tenait le Cabildo Abierto du 22 mai 1810 Photo Museo Histórico Nacional del Cabildo |
C'est l'une des toutes
premières fois que je vois les trois journaux concurrents et opposés
d'un point de vue politique choisir le même historien pour marquer
un jour symbolique fort dans l'histoire du pays. En effet, ce matin,
on peut lire dans Página/12 un éditorial qu'il a signé sur les
deux concepts qui marquent la naissance de l'Argentine, celui de
révolution et celui d'indépendance, les deux moments-clés du
bicentenaire, la révolution en 1810 et l'indépendance cette année.
Vive le petit peuple, dit le titre Un sujet qui ferait les régals des revisionistas mais que Di Meglio traite autrement |
Dans Clarín, on le trouve
débattant avec l'un de ses aînés dans la recherche historique,
José C. Chiaramonte, avec lequel il parle des antinomies historiques
qui n'ont toujours pas trouvé leur solution dans l'Argentine
actuelle. L'interview est à lire et à regarder en vidéo intégrée sur le site du quotidien.
Dans La Nación, c'est une courte mais passionnante interview qu'on nous propose en vidéo dans Conversaciones con La Nación (13 minutes, à la place des 20 habituelles). L'historien y
défend le projet pédagogique et télévisuel de Zamba tout en
regrettant la dérive des dernières années avec cet invasion de
tous les domaines par l'idéologie et l'esprit partisan, il y expose
les tenants et les aboutissants de la déclaration d'indépendance et
il s'explique sur la diversité de ses activités en soulignant avec
justice et finesse les faiblesses de la vulgarisation en histoire et
la coupure qui existe dans le pays entre la production universitaire
et la culture générale du public ordinaire.
Il me semble voir dans ce
choix commun des trois titres un signe de progrès du dialogue et du
pluralisme dans le pays, et ce malgré la très méchante humeur avec
laquelle s'est réveillée ce matin la rédaction de Página/12, bien
déterminée qu'elle est à dénigrer ce Bicentenaire de la majorité
de centre-droit. La liberté de ton de l'historien sur la situation
actuelle et sur l'inéluctabilité de la survenue prochaine d'une
lecture partisane de l'histoire par la tendance macriste est très
surprenante dans un pays qui, il y a encore six mois, était vraiment
très crispé sur ces questions et incapable d'en parler sur un ton
apaisé...
Bon anniversaire,
Argentina !