dimanche 3 juillet 2016

L'interview du Bicentenaire : le pape argentin à la une de La Nación [Actu]


C'est avec fierté ce matin que le quotidien La Nación affiche son entretien exclusif avec le Pape François dans ces derniers jours avant la célébration du bicentenaire de l'indépendance, assombri il y a quelques semaines par l'annonce de la suppression du match pour la paix qui devait initialement se jouer à La Plata le 10 juillet, au lendemain de la date anniversaire. Comme pour guérir les blessures et les déceptions. A plusieurs reprises, l'Argentine a pu espérer, avec de bons motifs, une visite de François en cette année solennelle et symbolique.

Depuis l'annonce de la tenue du match au profit de la fondation privée papale Scholas Occurentes, le Pape était revenu sur cette décision à cause des affaires plus que troubles du football argentin en un temps où les pauvres souffrent de la politique de rigueur qui sévit depuis janvier dernier.

Dans cet entretien, accordé à un polémiste et éditorialiste de la rédaction et non pas à la correspondante du journal à Rome, le Saint-Père dément toute mésentente avec Mauricio Macri, avec lequel il ne reconnaît qu'un seul différend en six ans pendant lesquels ils ont exercé en même temps des responsabilités à Buenos Aires, lui comme archevêque, Macri comme chef du Gouvernement portègne. Il rappelle aussi ce que les services du Vatican ont répété jusqu'à l'épuisement : nul ne peut se dire porte-parole du Pape en dehors du service de communication du Saint-Siège. "Il faut que je le répète ?" demande le Pape. "Je le répète". Et il répète la phrase mot pour mot, avec ce sens de la dérision qui porte si bien son discours jusqu'aux simples fidèles.

François donne aussi des nouvelles rassurantes de sa santé (ses dernières analyses médicales sont celles d'un homme de 40 ans, lui a dit son médecin) et explique pourquoi il a reçu Hebe de Bonafini le 27 mai dernier (lire mon article du 28 mai 2016). Il est très clair et très franc sur le comportement détestable de la présidente de Madres de Plaza de Mayo, dont il n'est pas dupe une seule seconde (il eût été surprenant qu'il le soit) et dont il ne valide aucun des propos tenus devant les journalistes aussitôt après l'audience... Le Pape revient aussi sur le chapelet envoyé à la dirigeante kirchneriste Milagro Sala, en prison pour des faits de corruption visiblement très graves (même si l'opposition veut voir en elle la victime d'une chasse aux sorcières politiques) - voir mon article du 15 février 2016.

L'Osservatore Romano, daté des 4 et 5 juillet 2016 (page 5)
Interview intégrale, en iralien
(ajout du 5 juillet 2016)

Comme il l'avait fait avec sa toute première interview de François (voir mon article du 7 décembre 2014), le quotidien distille les propos du Pape en plusieurs articles pour mieux en mettre en valeur certains. Le journal revient aussi sur les rumeurs politiques qui s'attachent au Souverain Pontife, toujours soupçonné d'intervenir pour un oui ou pour un non dans les plus intimes détails de la vie politique argentine. Le journal y revient d'une manière insistante, en accusant les confrères d'en faire beaucoup trop en la matière (comme si son propre retour sur la question aujourd'hui, avec ses faux airs d'analyse sociologique, ne participait pas de la polémique).

Pour le reste, rien de bien nouveau : les lecteurs non argentins n'apprendront rien sur les projets du Pape, sa vision de l'Eglise ou du monde. Les lecteurs argentins de bonne volonté pourront y trouver de quoi se rassurer sur la nature des intentions pontificales sur leur pays, qu'il espère pouvoir visiter l'année prochaine si Dieu le veut.

Pour en savoir plus :
lire l'article de La Nación sur la visite du Pape dans son pays natal déjà plusieurs fois annoncée et reportée sine die
lire l'article de La Nación sur les propos du Pape sur le Brexit et l'Europe, qu'il trouve trop fermée sur elle-même
lire l'article de La Nación sur les différents gestes qui ont marqué depuis mars 2013 les relations entre François et l'Exécutif argentin
lire l'article de La Nación sur les déclarations de l'épiscopat concernant les récents scandales de corruption qui ont touché une communauté dans le diocèse de Mercedes-Luján (Province de Buenos Aires) – voir à ce propos mon article du 17 juin 2016.
L'intégralité de l'entretien devrait se retrouver demain en italien dans l'édition de L'Osservatore Romano et sans doute également sur le site Internet du Vatican.

Ajouts du 4 juillet 2016 :
lire dans La Nación la réaction de Mauricio Macri, en tournée européenne, aux propos lénifiants du Pape qui l'a traité de "personne noble". Le Président est content !
lire, toujours dans La Nación, l'article sur les attaques d'un polémiste du groupe Clarín, Jorge Lanata, un personnage vulgaire et très déplaisant, en perpétuelle recherche du scandale mondain, qui s'est efforcé de compromettre hier dans sa nouvelle émission de télévision la fondation du Pape, Scholas Occurentes
lire l'article sur ces mêmes révélations scandaleuses dans Clarín. Tout cela ne fait que confirmer ce que La Nación semblait vouloir analyser hier dans son article de une : la hargne d'une partie de l'intelligentsia argentine contre ce pape qui, visiblement, la dérange.
lire la reprise des propos du Pape dans La Prensa de ce jour et dans Clarín. Página/12 ne s'y est pas intéressé.
lire l'article de Clarín sur les déclarations de Elisa Carrió, femme politique argentine très difficile à suivre, qui s'affiche catholique pratiquante mais passe son temps à critiquer le Pape pour un oui ou pour un non, en ne lisant jamais les signes de la foi dans son comportement (bizarre pour une croyante). Cette fois-ci, elle est satisfaite ; le Pape a dit du bien de son champion politique, Mauricio Macri.
Lire le résumé de l'interview en français par les équipes de Radio Vatican
lire l'intégralité de l'interview en italien sur le site Internet de L'Osservatore Romano dont l'édition papier la reproduit aussi ce soir.