mardi 5 juillet 2016

La liberté de la presse menacée en Argentine ? [Actu]

C'est un incident très inquiétant qui s'est produit dans la nuit de dimanche à lundi vers minuit. Des hommes cagoulés, habillés de noir et armés de matraques et autres instruments contondants, ont profité de l'absence de policiers à proximité pour faire irruption dans les locaux d'un journal gratuit engagé (de gauche), Tiempo Argentino, récemment vendu par son propriétaire kirchneriste, dont l'empire médiatique a été mis à mal par la défaite électorale du successeur désigné par Cristina Kirchner, à un homme d'affaires à la très trouble réputation. En l'absence d'une procédure de licenciement légale, les journalistes se sont maintenus à leur poste, sans être payés depuis le rachat du journal, et occupent les locaux. Le nouveau propriétaire, qui a été clairement reconnu par de nombreux témoins et victimes, accompagnait les voyous qui ont défoncé tout ce qu'ils ont trouvé sur leur passage avant de quitter les locaux éventrés en s'enfuyant par les toits. Ils ont expulsé tous ceux qui travaillaient là, journalistes et employés administratifs, sans que la force publique ne vienne au secours de personne. Un mode d'action qui renvoie les Argentins aux méthodes en vigueur sous la dernière dictature militaire.

La photo publiée en une de La Nación ne laisse guère de doute
sur le caractère délibérée de l'assaut subi par le quotidien gratuit

L'outil de travail de Tiempo Argentino a été intégralement détruit, tout le câblage a été coupé, les ordinateurs renversés, les murs dépouillés de tous les documents qui y étaient affichés et les effets personnels des salariés ont été confisqués, volés ou détruits par les intrus. Les journalistes molestés ont porté plainte contre le nouveau propriétaire du titre.

Hier matin déjà, on trouvait des reportages à chaud sur les événements sur les sites Internet de Clarín et de La Nación, qui ne sont pas du même côté politique que leurs confrères passés à tabac mais que les événements scandalisent profondément. L'incident n'était pas encore terminé mais ils avaient mis sous presse et seuls les sites Web rendaient compte de ces informations. On ne trouvait rien sur La Prensa ni même, et c'était plus étonnant, sur Página/12.

Il n'en va pas de même aujourd'hui où les quatre titres en parlent, La Nación y consacrant même sa photo de une.

Il faut maintenant attendre de voir comme la justice va s'emparer de l'affaire et la suite qu'elle y donnera, ainsi que les réponses que les ministres fédéraux donneront aux questions qui leur seront posées en séance au Congrès. Les autorités locales de Buenos Aires devraient elles aussi être mises sur le grill puisque la police fédérale à Buenos Aires est placée sous la responsabilité du Chef du Gouvernement portègne et confondue avec la police métropolitaine pour son fonctionnement.

Sans attendre et alors que Mauricio Macri se trouve à l'étranger, la Casa Rosada a condamné cet attentat contre la presse (lire à ce propos le communiqué officiel de la Présidence argentine).

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa

Ajouts du 7 juillet 2016 :
lire cet article où La Nación fait le point sur les antécédents de l'homme d'affaires acquéreur et agresseur de ses propres entreprise et personnel (un escroc patenté, qui achetait en particulier des voitures de luxe avec des chèques en bois !)
lire cet article de La Nación sur les mesures prises en urgence par la justice.

Ajout du 8 juillet 2016 :
lire cet article de La Nación sur la situation de Radio América, l'autre bijou du groupe kirchneriste vendu à cet étrange homme d'affaires dont les motivations et la réalité des achats restent bien mystérieuses.