Photo prise sur la page Facebook consacrée aux cinq martyrs Un fileteado sur un mur proche des locaux paroissiaux |
Il y a quarante ans, dans
la paroisse San Patricio (Saint-Patrick) de Buenos Aires, trois
prêtres de la congrégation des pallottins (société de l'apostolat
catholique, fondée en 1835 à Rome par le prêtre Vicente Pallotti)
(1) et deux séminaristes furent assassinés dans les premiers mois
de la dernière dictature militaire, celle qui avait commencé le 24
mars 1976 avec le putsch de Videla. Ce qui est passé dans l'histoire
comme la Masacre de San Patricio.
Une une inattendue sur ce journal si peu sensible à la démarche spirituelle et d'ailleurs, ça ne loupe pas : la dimension spirituelle échappe à la rédaction |
Les assassins, des
militaires, venaient, selon des témoins, de l'ESMA, cette école
supérieure de mécanique navale, qui allait pendant toute la
dictature servir de prison clandestine et de centre de torture pour
les opposants au régime. Les religieux furent surpris dans le
presbytère qu'ils habitaient. Leurs bourreaux les contraignirent à
s'agenouiller sur un tapis (qui recouvrait hier l'autel) et ils
ouvrirent le feu. Les meurtriers laissèrent sur le lieu du crime des
inscriptions accusant les prêtres de subvertir la jeunesse et d'être
des gauchistes (zurdos). Un séminariste put s'enfuir, c'est lui qui,
ordonné quelque temps après, proclama hier la lecture de l'Evangile
(les Béatitudes, selon saint Matthieu). C'est un laïc qui fit la
sanglante découverte du massacre. Lui aussi était là hier :
il tenait l'orgue.
Affiche proposée par la congrégation pallottine en Argentine Cliquez sur l'image pour une très haute résolution |
En 1976, l'enquête
diligentée par la justice sous contrôle ne donna rien, comme on
peut l'imaginer. Le dossier fut refermé en 1977. En 1984, après le
retour de la démocratie, l'enquête reprit mais sans succès.
Aujourd'hui, la congrégation de l'apostolat catholique est toujours
partie civile dans la procédure judiciaire qui fait partie du
méga-procès pour crime contre l'humanité instruit actuellement par
le juge fédéral Sergio Torres contre les militaires de l'ex-ESMA.
L'appel à la première procession, dans la journée de dimanche |
Hier, un lundi d'hiver, l'archevêque de
Buenos Aires, Monseigneur Mario Poli, accompagné de plusieurs de ses
confrères dans l'épiscopat argentin, présidait la messe
anniversaire. Des reliques des victimes étaient déposées sur
l'autel et leurs photos exposées à sa base. La messe avait été
précédée par une procession solennelle qui était partie de
l'ex-ESMA, à Palermo, et avait parcouru en chemin diverses paroisses
où furent offerts des témoignages de foi autour des six disparus,
une procession baptisée Camino del Martirio, jusqu'au quartier de
Belgrano (2), au nord-ouest de la ville, où s'élève cette église
dédiée au saint patron de l'Irlande. Cette paroisse est toujours
confiée à la même société presbytérale.
La procession d'hier sous la pluie (c'est rare, la pluie en hiver à Buenos Aires) le long de Avenida del Libertador |
Au cours de la messe, que
co-présidait le nonce apostolique, le cardinal Poli parla
ouvertement des vertus des martyrs. Son vocabulaire choisi et
technique et l'ensemble de ses propos laissent donc imaginer sans
peine qu'il s'apprête à adresser à Rome une demande d'ouverture de
procès en béatification que la Congrégation pour la Cause des
Saints devra instruire. Après la béatification de Monseigneur Oscar
Romero, il ne fait guère de doute que le Pape François soit favorable à
cette démarche, la présence du nonce ès qualité en faisant foi.
Ce serait la première fois que des prêtres victimes de la dictature
militaire feraient l'objet d'une telle procédure dans l'Eglise
catholique. Il y a plusieurs autres candidats et toute une partie de
l'Eglise d'Argentine attend un geste à leur endroit pour en finir
avec la fiction des pieux généraux putschistes, qui pratiquaient la
répression et la torture tout en ayant partie liée avec l'Eglise
catholique et des instances romaines qui préféraient encore ces
régimes, tout sanglants qu'ils fussent, au communisme qui aurait
interdit le culte.
Seul Página/12 en parle ce matin dans son édition du jour, au point d'en faire sa une. Ce qui pourrait bien indiquer que les autres titres de la presse quotidienne généraliste (3) estiment que le temps n'est pas encore mûr pour cette démarche de justice, dont elle peut penser qu'elle ne ferait pas l'unanimité dans le diocèse de Buenos Aires.
La une de Clarín le 5 juillet 1976 Les prêtres massacrés ont droit à la manchette en bas à droite en haut, le retour en Israël des otages du vol Tel-Aviv Paris sauvés à Entebbe par Tsahal |
Seul Página/12 en parle ce matin dans son édition du jour, au point d'en faire sa une. Ce qui pourrait bien indiquer que les autres titres de la presse quotidienne généraliste (3) estiment que le temps n'est pas encore mûr pour cette démarche de justice, dont elle peut penser qu'elle ne ferait pas l'unanimité dans le diocèse de Buenos Aires.
Pour aller plus loin :
consulter la page Facebook de la paroisse San Patricio et celle consacrée aux cinq martyrs du 4 juillet 1976. Ils
ont aussi leur propre site Web tenu par leur congrégation. Vous y
trouverez de nombreux témoignages et des ressources spirituelles qui
encouragent la prière avec eux.
(1) Cette société
apostolique (SAC) compte aujourd'hui 6000 prêtres dans le monde.
(2) Même si l'agence
catholique AICA la situe à Villa Urquiza.
(3) La presse généraliste
n'est toutefois pas le peuple de Dieu. Et ce qui devrait être
observé à partir d'aujourd'hui par le magistère catholique, c'est
ce qu'il se passera au niveau des paroisses de Buenos Aires et du
reste du pays sur cette affaire et comment les baptisés
(pratiquants) vont recevoir les articles qui paraîtront dans la
presse confessionnelle, sur les réseaux sociaux, parmi les laïcs et
les ministres du culte.