"A visage découvert", dit le gros titre en faisant allusion à l'absence du masque enfin à Cannes Cliquez pour une meilleure résolution |
Le festival de Cannes ne passe jamais inaperçu dans la presse argentine mais cette année, avec le retour après le covid de la manifestation au palais cannois et cette spectaculaire adresse du président ukrainien Volodymyr Zelensky aux festivaliers, l’attention des journalistes monte d’un cran.
D’autant que bientôt, sur un
service de télévision privée, et donc payante, HBO Max (1),
les Argentins pourront voir la première saison de la série
Serviteur du peuple,
où Zelensky incarne un professeur d’histoire patriote qui devient
président d’une Ukraine dont il parodie, avec gravité et
burlesque à la fois, tous les travers visibles pour le citoyen de
base.
Cela se comprend tout seul ! Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Clarín
s’intéresse à cette ouverture par son côté people et tapis
rouge avec une galerie de photos sur les tenues extravagantes des
stars (sur le site internet) et à Forest Whitaker, en photo dans
l’édition imprimée d’hier (ci-dessus), posant avec sa palme d’or
d’honneur remise la veille, tandis que La
Nación arrête
surtout son regard sur Tom Cruise, la suite de Top
Gun et le salut de la
Patrouille de France sur la Croisette.
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Seul Página/12 prend le temps de relater [et surtout de critiquer (2)] le discours de Volodymyr Zelensky (3), en reprenant les citations cinématographiques et le parallèle entre son destin et celui de Charlie Chaplin, suggéré par l’orateur lui-même (pour qui c’est une référence clé dans sa trajectoire de vie). Tandis que la une du supplément culturel quotidien, Cultura y Espectáculos, reproduit simplement l’affiche du festival, en pages intérieures, l’article quant à lui s’ouvre sur la photo du gigantesque Zelensky sur grand écran, avec ce titre façon feu d’artifice : « Festival de Cannes 2022 avec accent français et président ukrainien ».
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación
(1) C’est dans cette annonce
que La Nación
évoque, en un paragraphe de trois phrases, l’allocution
présidentielle à Cannes. Zelensky ne s’est pas encore adressé au
Congrès argentin (ni au parlement uruguayen d’ailleurs, pourtant à
majorité de droite). Il est fort probable que Cristina Kirchner, en
sa qualité de présidente du Sénat, ne souhaite pas accueillir
cette parole (à bas bruit, elle semble bien continuer à soutenir
Poutine, à tout le moins, elle en a toute l’apparence) et comme
Sergio Massa, président de la Chambre, l’a ralliée en politique
intérieure, il n’y a guère de chance que cela se produise
prochainement.
(2) Dans le sillage partisan (et passablement sectaire au détriment des intérêts de la gauche et du pays) de Cristina Kirchner et plus généralement de la gauche sud-américaine, Página/12 se montre assez critique, pour ne pas dire sévère, envers Zelensky tout en reconnaissant tout de même que dans la situation présente, ce n’est pas vraiment lui qui tient le rôle du méchant. Mais qui fait donc le méchant ? Cela n’a pas l’air très clair. Ce qui ne manque pas de sel puisque ces journalistes se réclament à cors et à cris du nunca más concernant la dictature militaire de 1976-1983 en Argentine, de la stricte indépendance de leur pays et de la fin du colonialisme sous toutes ses formes (et Dieu sait qu’il en a puisque quand on le chasse par la guerre, il revient par le commerce, la dette nationale ou le vote à l’ONU). Or lorsque la Russie est la puissance colonisatrice et qu’en plus, elle est dirigée par un bon vieux dictateur de derrière les fagots qui censure, déporte, emprisonne et empoissonne à qui mieux mieux, leur sévérité disparaît comme par enchantement !
(3) Dans Clarín, le même événement occupe un paragraphe de deux phrases toutes simples.