jeudi 12 mai 2022

Un one-man-show pour ressusciter Enrique Santos Discépolo [à l’affiche]


Enrique Santos Discépolo (1901-1951) s’est fait connaître comme poète et compositeur de nombreux tangos inscrits aujourd’hui au répertoire, comme Cambalache, Uno, Cafetín de Buenos Aires, Chorra, Victoria… (1) Il fut aussi un acteur de cinéma et un comédien de théâtre, aux côtés de son frère aîné, Armando Discépolo, un géant de l'histoire théâtrale argentine.

Cet anarchiste désespéré, cet écorché vif se laissa séduire très tôt par le projet politique enthousiaste puis les réussites souverainistes de Juan Domingo Perón, dès que le général est apparu dans le paysage politique argentin avec le coup d’État de 1940 qui mit fin à une décennie de gouvernement anticonstitutionnel et pro-fasciste et parvint à maintenir la neutralité argentine pendant le conflit mondial contre les États-Unis qui faisaient pression pour entraîner dans la guerre l’ensemble du continent. L’autoritarisme et le militarisme avec lesquels Perón gouvernait semblent ne pas l’avoir affecté, ce qui bien évidemment est une énigme dans la vie de Discépolo, jusque là libertaire farouche.

En 1951, Perón se lança dans une nouvelle campagne électorale pour obtenir un second mandat présidentiel et Discépolo, complètement acquis à sa cause et entré dans le cercle amical du couple présidentiel, offrit son aide. A la radio, il monta une série de monologues qui restent des grands classiques du genre autant que des morceaux de bravoure du folklore péroniste. Une série de sketches demeurés dans les mémoires sous le titre de Mordiquisto, du nom du personnage anti-péroniste contre les arguments duquel Discépolo se bataillait sans que (stratégie de campagne géniale) l’on n’entende jamais ce que disait ce contradicteur imaginaire (2).

Extrait du spectacle

C’est de cette série de monologues que s’est inspiré Daniel Casablanca pour un one-man-show mis en scène par sa femme, Guadalupe Bervih, et que l’acteur reprend en ce moment sur la scène, Espacio Experimental Leónidas Barletta, Diagonal Norte 943 (3), une extension du CCC Floreal Gorini. Pour la circonstance, il s’est fait un nez à la Cyrano par fidélité à l’apparence physique du personnage historique qu’il incarne.

Discepolín, fanátino arlequín se joue le dimanche à 17 h.

Prix des places : 1 200 $ ARG (un prix raisonnable, eu égard à l’inflation)

Página/12 ne pouvait qu’aimer l’idée et l’hommage. Le quotidien publie une longue interview du comédien ce matin dans son supplément culturel quotidien.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) Certains d’entre eux sont présentés en version bilingue dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que vous pouvez commander dans toutes les bonnes librairies francophones ou acheter directement en ligne sur le site des Éditions du Jasmin (France).

(2) Je soupçonne Jean-Luc Mélenchon, qui maîtrise bien entendu l’espagnol, de connaître ce grand classique. Il en a parfois les accents (et la causticité) et suit souvent la même tactique pour contrer les arguments de ses adversaires tout en les caricaturant.
(3) Il y a six mois environ, le CCC a repris cette salle de spectacle proche de l’Obélisque et l’a rebaptisée. C’était auparavant le Teatro del Pueblo.