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"Ordre est donné de livrer 51% de YPF à cause de l'expropriation kirchneriste", dit le gros titre La Nación jette sur la Une ce ce qui ressemble à une authentique colère et donne aussi un petit coup de griffe pour faire bonne mesure ! Il ne faudrait pas que le lecteur les croit acquis à Cristina... En-dessous : une image rare, la neige sur la plage de Miramar, dans la Province de Buenos Aires Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
YPF est la société pétrolière nationale argentine qui exploite
les gisements (yacimientos) de pétrole découverts en Patagonie en
1907, depuis l’extraction jusqu’à la distribution aux clients
finaux des produits raffinés. Sa création comme société nationale
date de 1922, sous la première présidence de gauche de l’histoire
du pays, celle de Hipólito Yirigoyen (1852-1933).
En
1991, dans la grande et catastrophique vague de privatisation voulue
par Carlos Menem, le président préféré de Javier Mileí, son
modèle vénéré, YPF a été livré au marché et tous les profits
de cette part considérable du sous-sol argentin ont fini par partir
en Espagne, dans les caisses de Repsol, qui avait intégré
l’entreprise argentine dans le périmètre de sa holding. En 2012,
la présidente Cristina Kirchner a renationalisé l’entreprise.
Axel Kiciloff, qui est aujourd’hui le très combatif gouverneur de
la Province de Buenos Aires, était son ministre de l’Économie
et c’est sous sa direction que l’opération technique a été
menée de bout en bout, avec un vote conforme au Congrès. Depuis
2012, les anciens détenteurs privés du capital de YPF poursuivent
l’Argentine sous toutes les formes possibles.
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"L'héritage maudit du kirchnerisme", dit le gros titre méchant, mais consterné lui aussi ! A gauche, le journal de l'extrême-droite catholique choisit de clouer au pilori les socialistes espagnols. Cela doit leur faire du bien de taper sur la gauche... Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Aujourd’hui,
l’État argentin détient 51 % du capital de YPF et il n’y a
plus de différent avec Repsol depuis longtemps. Le pétrolier
espagnol a signé avec la République Argentine un accord qui n’a
jamais été contesté depuis.
Cependant,
deux sociétés d’investissement privé, qui ne réalisent en fait
que des achats spéculatifs, notamment sur les titres de dette
d’autres sociétés, sans aucun égard pour les enjeux industriels
des entreprises dont ils se font les prédateurs, se sont tournées
vers la justice de l’État de New York, aux États-Unis,
où elles sont enregistrées, pour faire rendre gorge à l’Argentine,
pays souverain, que les deux juges locaux successifs traitent comme
n’importe quel acteur économique privé, déniant à ce pays
étranger et démocratique sa liberté de disposer de son sous-sol
selon les règles de sa constitution. La gauche argentine, alors
encore au pouvoir, a surnommé ces deux sociétés les fonds vautours
(fondos buitre), une expression qui a fait florès dans toute
la gauche occidentale. Ce qui est intéressant, c’est de constater
que ce terme s’est maintenant imposé dans toute la presse
argentine, y compris très loin à droite.
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"Aux Etats-Unis, on ordonne que YPF cède 51% de ses actions", dit le gros titre au-dessus d'une autre photo de plage enneigée au sud de Buenos Aires Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
En
première instance, il y a deux ans, la justice new-yorkaise a
prétendu imposer à l’Argentine le paiement de compensations
faramineuses aux « propriétaires lésés » par la
nationalisation et hier, la juge a décidé que ces compensations
seraient réglées sous la forme d’une cession de 51 % du
capital aux deux sociétés plaignantes.
Et ô
miracle !, Mileí, qui veut pourtant tout livré au marché,
vient d’annoncer son intention de faire appel de ce jugement, tout
en prenant soin de rejeter la faute, comme une partie de la presse de
droite, sur Kiciloff, qu’il appelle le « soviétique de La
Plata ». On est en campagne électorale et à La Plata,
l’actuel président ne parvient pas à bien se placer pour le
scrutin d’octobre, or la Province de Buenos Aires est la plus
peuplée du pays.
Malgré
ces tartarinades électoralistes, une certaine unanimité semble se
dessiner dans la presse contre ce jugement grossier qui bafoue une
nouvelle fois la souveraineté argentine. On n’en était vraiment
pas là il y a un peu plus de dix ans lorsque cette bataille
judiciaire interminable s’est engagée !
©
Denise Anne Clavilier
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
principal de Página/12
lire
l’article
principal de La
Prensa
lire
l’article
de Clarín
qui réserve à ses abonnés son article de Une
lire
l’article
principal de La
Nación