mardi 12 janvier 2010

Des nouvelles du galion de Puerto Madero [Actu]

Il s’agit du galion espagnol que des fouilles archéologiques préventives ont permis de découvrir, dans un ancien bassin d’amarrage du port de Buenos Aires, à proximité du Río de La Plata, à l’occasion d’un gigantesque chantier immobilier dans le nouveau quartier de Puerto Madero (1). La découverte a été réalisée le 29 décembre 2008 et j’en avais parlé dans ce blog en son temps (lire mon article du 31 décembre 2008).
Dans une semaine, le 18 janvier, commenceront les travaux pour sortir de terre ce qui reste du navire. Il sera ensuite transporté jusqu’à La Boca, un quartier limitrophe, plus au sud, le quartier de l’autre port, le port domestique, installé sur l’embouchure du Riachuelo qui se jette là dans le Río de la Plata. Si vous lisez l’article que j’ai consacré à l’anniversaire de Buenos Aires le 2 février 2009, vous apprendrez (si vous ne le savez déjà) que le port de La Boca est sans doute le port naturel initial où s’abritèrent les bâtiments des expéditions espagnoles de Pedro de Mendoza et Juan de Garay, les deux fondateurs de la ville à un demi-siècle de distance. (Pour l’ensemble des grandes dates qui ont façonné l’histoire de la région, cliquez sur le Vademecum historique que vous trouverez dans la rubrique Petites chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de droite).

Dans leur nouveau lieu, où ils devraient être visibles du public sous une forme qui reste à définir, les vestiges seront à nouveau enfouis, pour permettre leur conservation : Buenos Aires a un climat très humide (en ce moment, en plein été, il fait très chaud et il pleut tout le temps. Dans la nuit, un orage a déraciné des arbres, noyé quelques rues et fait de nombreux dégâts dans l'ouest de la ville). Dans cette atmosphère moite, le bois se décompose très vite. Or ces vestiges sont la découverte archéologique la plus importante de toute l’histoire de la capitale argentine. Ils seront donc installés dans une ancienne gare de chemin de fer désaffectée, Barraca Peña (ce qu’on pourrait traduire par "Barraque du ralliement" ou "Barraque des copains", un peu comme dans la chanson de Georges Brassens Les copains d’abord...). Avant de servir de gare, Barraca Peña était une gargote épicerie où se rassemblaient les habitants du quartier pour venir boire un verre et jouer aux cartes. Peut-être y a-t-on dansé le tango, entre immigrés majoritairement italiens... (2)
L’ensemble des travaux de translation des vestiges vont durer trois mois, selon toute probabilité, tant l’épave est fragile, 300 ans environ après son naufrage dans le port de Buenos Aires.

Pour en savoir plus :
Lire mes autres articles sur ce galion :
L’article du 31 décembre 2008
L’article du 17 juillet 2009 sur la décision d’installer ces vestiges à La Boca, prise par le Ministère de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires
Et sur une autre découverte archéologique récente et combien emblématique, celle du sol du mythique Café de Hansen, à Palermo, lire mon article du 27 décembre 2008
Pour aller plus loin :
Lire l’article de Clarín sur les travaux de sauvetage qui commencent lundi prochain (édition du 9 janvier 2010)
(1) le quartier le plus cher de la capitale argentine. Grues et gratte-ciel à perte de vue... C’est cher, ça n’a pas d’âme et c’est hideux. Je me souviens de m’être baladée en voiture à travers ces rues aseptisées avec le peintre Chilo Tulissi au retour d’une promenade que nous avions faite dans la Réserve écologique, aménagée sur des terres prises au fleuve, et j’en garde le souvenir d’un camaïeu de gris, très européanisant (on se croirait à La Défense ou dans les quartiers d’affaires de Bruxelles) et complètement atypique dans cette ville multicolore par nature. Je me souviens aussi de quelques arbres très récemment plantés et dont la maigreur déplumée me faisait pitié au pied des tours immenses. En fait, Buenos Aires est en train de reconvertir ce qui fut autrefois, jusqu’aux années 60, le quartier populaire par excellence de Buenos Aires (el bajo, comme on appelait tout ce coin qui s’étendait du fleuve jusqu’à l’entrée de la rue, maintenant avenue, Corrientes, jusqu’au Luna Park aujourd’hui, et un peu au-delà) en un quartier hyper-chic d’anciens docks en briques réaménagés en luxueux duplex, en boutiques de haute couture et de design, en restaurants d’affaires, en hôtels internationaux 5 étoiles, et en béton, en verre et en métal, dès qu’on quitte l’ancien port proprement dit et qu’il n’y a plus de docks à travestir. On se croirait dans ce cauchemar imaginé par le poète Cátulo Castillo (1906-1975) dans un tango d’anticipation cauchemardesque (musique d’Héctor Stamponi), que vous pourrez trouver prochainement, traduit par mes soins, dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, à paraître au printemps 2010 aux Editions du Jasmin (voir sous le lien mes articles relatifs aux 380 pages de ce bouquin). Puerto Madero, le quartier le plus riche, jouxte La Boca, l’un des quartiers les plus pauvres (avec Nueva Pompeya, Mataderos et quelques autres, tous au sud). Il n’y a presque qu’un canal portuaire à traverser, par-dessus un pont levant, pour passer de l’un à l’autre.
(2) les Argentins de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle avaient l’habitude de raconter cette blague, sous une forme ou une autre : Quelle est la différence entre Naples et La Boca ? Il y a plus d’Italiens à La Boca...