El tango es, esencialmente, un arte de síntesis [...] una novela existencial musicalizada [...] sin necesitar para eso más de dos o tres minutos.
Y puede ser, también, dentro de la universalidad temática que nos ofrece en sus letras, crónica policial y catálogo de ilícitos, que van desde la prostitución al homicidio, desde la tentativa a la reincidencia y desde el robo a la cárcel, como lo viene a demostrar este libro de Hernán Sotullo, que hoy presentamos.
Et il peut être aussi, à l’intérieur de l’universalité thématique qu’il nous offre dans ses textes, une chronique et un catalogue de faits illicites, qui vont de la prostitution au meutre, de la tentative à la récidive et du vol à la prison, comme arrive à le démontrer ce livre de Hernán Sotulo que nous présentons aujourd’hui.
Tangos y poemas lunfardos en los que se vincula al amor con el sufrimiento, hasta el extremo de considerarlo un padecimiento natural, casi virtuoso, en el que el dolor es aceptado como prueba inexorable de su intensidad.
El amor asociado con la carencia y el sufrimiento, algo que heredamos de Platón, que identificó el amor con el deseo y el deseo con la ausencia de todo aquello que no tenemos y ambicionamos.
Tangos et poèmes lunfardos dans lesquels l’amour se marie à la souffrance, jusqu’au point ultime de considérer qu’il s’agit d’une souffrance naturelle, presque vertueuse, en quoi la douleur est accepté comme preuve inexorable de son intensité.
L’amour associé à la carence et à la souffrance, quelque chose que nous avons hérité de Platon, qui identifiait l’amou au désir et le désir à l’absence de cela même que nous n’avons pas mais ambitionnons d’obtenir.
Historias que se cantan. Algo que no debe extrañarnos, dado que, si bien la mayoría de la gente no ha matado a nadie, no son pocos los que suelen leer los obituarios con placer.
La majorité des homicides que nous raconte le tango sont commis par des individus que se retrouvent prisonniers de passions négatives : la peur, la haine, la fureur, l’ambition, la jalousie, le ressentiment. Des histoires qui se chantent. Quelque chose qui ne doit pas nous surprendre, étant donné que, si bien entendu la majorité des gens n’a jamais tué personne, les personnes qui prennent plaisir à lire les chroniques mortuaires ne sont pas peu nombreuses.
Et Hernán Sotullo, homme qui a des liens avec le Droit, analyse aussi les tangos qui font allusion au métier le plus vieux du monde, faisant références aux édits de police qui n’existent même plus dans le Code Pénal. Des textes qui nous parlent de l’escroquerie, du guet-apens, de la bassesse et de la corruption. La cruauté et la soumission. Tangos comme Milonguita, Esclaves blanches, Chair à Cabaret et tant d’autres. Et la Migdal (4). Une histoire qui en son temps a provoqué un scandale retentissant et a mis en lumière les coulisses les plus aberrantes de la prostitution légalisée.
Y aquí viene a cuento recordar que, del cruce entre papjerosi (cigarrillo en polaco) y papusa (mujer hermosa en lunfardo), se originó la voz papirusa, con el significado de mujer joven, hermosa y coqueta.
Digamos de paso que la expresión tirar la chancleta encuentra su origen dentro del mismo ámbito. La pupila se asomaba al vestíbulo vestida con batón y sandalias. Por cada cliente que atendía debía descalzarse, tirando la chancleta. La frase en sentido lato, significa rendirse al acto sexual, capitular, entregarse.
Y de aquellas desdichadas, de las que se decía que eran mujeres alegres o de vida alegre, tal vez provenga la palabra grela como una deformación del adjetivo.
Disons au passage que l’expression tirar la chancleta (jeter la galoche) trouve son origine dans le même milieu. La pensionnaire se montrait dans le vestibule vêtue d’une blouse et en sandale. Pour chaque client dont elle s’occupait, elle devait se déchausser, en jetant ses galoches. La phrase, au sens figuré, signifie s’adonner à l’acte sexuel, capituler, se rendre.
Et de ces malheureuses, dont on disait qu’elles étaient des filles de joie (alegre) ou des filles de vie légère, il se pourrait que provienne le mot grela (fille), comme déformation de l’adjectif alegre. [...]
Hablando de este tema, ya que el título del libro alude a la gayola, Edmundo Rivero, que cantó [...] en casi todas las cárceles de Buenos Aires, solía traer a cuento estos ejemplos: pasarse la mano por la solapa quiere decir: ¡Ojo, viene la cana!; pasarse el dedo por la mejilla o rascársela, significa “Cuidado, el tipo que tenés al lado es un batidor”. Pasarse el dorso de la mano por la mejilla de arriba abajo quiere decir “ese tipo es un cara afeitada, un cara lisa, un cafishio o explotador de mujeres”. Una vez, en una cárcel, Rivero le preguntó a un interno por qué estaba allí. Y la respuesta fue la siguiente: “¡Dequerusa, La Prensa!” y dejó de hablar. Lo que ocurrió fue que en ese momento pasaba un guardián, y se dio cuenta de que estaba siendo vigilado. El preso había querido decir: ¡Cuidado, el guardián! Y lo de Prensa, porque lo informa todo.
Et celui-ci aussi : El penado 14 (le condamné n° 14), qui est mort en faisant des signes, un fait qui, par association d’idées, me renvoie au langage des signes que le milieu s’impose comme langue secrète.
Et puis que nous parlons de ça et que le titre du livre fait allusion à la gayola (le trou, la cabane, la tôle), Edmundo Rivero (6), qui s’est produit [...] dans presque toutes les prisons de Buenos Aires, rapportait souvent ces exemples : se passer la main sur le revers veut dire "Attention, voilà le maton qui s’amène !" se passer le doigt sur la joue ou se gratter la joue : "attention, le type à côté de toi est un cafard !". Se passer le dos de la main sur la joue de haut en bas veut dire : "ce type est un "visage bien rasé", un "visage lisse", un exploiteur de femmes". Une fois, dans une prison, Rivero a demandé à un détenu pourquoi il était là. Et la réponse fut la suivante : "Fais gaffe ! La Presse !" (7) et il arrêta de parler. Ce qui s’était passé, c’est qu’à ce moment-là un gardien était passé et qu’il s’était rendu compte qu’il était en train de surveiller. Le prisonnier avait voulu dire : "attention ! Le gardien !" Et La Prensa, c’était parce qu’il rapportait tout.
Pero… estaba hablando del libro de Sotullo [...]
Es esta una notable recopilación [que] no excluye a la protesta, traduciendo situaciones sociales que mucho tienen que ver con la justicia o el Derecho mismo.
Y el clásico ejemplo de “Dios te salve m’hijo”, en el se enfatiza en la violencia de las prácticas electorales, la crisis económica, el delito relacionado con la miseria, y la represión del movimiento obrero.
Y como contrapartida, el fraude y la estafa, cuya figura emblemática en el tango esta dada por el ruso Stavisky que dejó un tendal en Francia y el registro indeleble de su nombre en la letra de Cambalache. El mismo Alexander Stavisky que, a comienzos de la década del veinte regenteaba en París el cabaret Sans Souci, en el que por las tardes solía actuar la orquesta de Manuel Pizarro.
Mais j’étais en train de parler du livre de Sotulo [...]
C’est une remarquable compilation [qui] n’exclut pas la protestation, traduisant des situations sociales qui ont beaucoup à voir avec la justice ou le Droit lui-même.
El l’exemple classique est celui de Dios te salve m’hijo (Dieu te sauve, mon petit) qui insiste sur la violence des pratiques électorales, la crise économique, la délinquance liée à la misère et la répression du mouvement ouvrier (8).
Et en contrapartie, la fraude et l’escroquerie, dont la figure emblématique dans le tango est offert par le "ruso Stavisky" (9) qui laissa ses os en France et le souvenir indélébile de son nom dans le texte de Cambalache (10). Ce même Alexandre Stavisky qui, au début des années 20, dirigeait à Paris le cabaret Sans Souci, où le soir venu se produisait régulièrement l’orchestre de Manuel Pizarro. (11)
En este libro desfilan todos. Desde el que anda escabio, se droga o levanta juego, hasta el que mata en duelo porque le insultaron a la madre [...]
Un libro en el que se nos enseña que entre la estafa y el abuso de confianza hay un antes y un después a tener en cuenta, al igual que entre la participación y el encubrimiento.
En síntesis: se trata de una versión tanguera y lunfa, documentada al mango, de las principales figuras del código penal, escrita por Hernán Sotullo, un predestinado a cursar Derecho Romano por ser hijo de Tito Livio y que, por ser nieto, hijo y hermano de escribanos, es alguien que está acostumbrado a dar fe de lo que dice y escribe.
Luis Alposta
Academia Porteña del Lunfardo
Un livre où on vous montre qu’entre l’escorquerie et l’abus de confiance, il y a un avant et un après dont il faut tenir compte, comme entre la participation et l’obstruction.
En résumé : il s’agit d’une version tanguera et lunfa, documentée aux petits oignons, des principales figures du code pénal, écrite par Hernán Sotulo, qui était prédestiné à étudier le Droit romain puisqu’il est fils de Tite Live et que, pour être petit-fils, fils et frère de notaires, c’est quelqu’un qui a l’habitude d’attester de ce qu’il dit et de ce qu’il écrit.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
(1) Citation de Secreto de Enrique Santos Discépolo. Ecouter Secreto chanté ici par Carlos Gardel.
(2) Citation de Dicen que dicen, letra de Alberto Ballestero et musique de Enrique Delfino.
(3) allusion à A la luz del candíl où le gaucho Alberto Arenas qui a tué sa compagne et l’amant de celle-ci, apporte au commissariat où il se constitue prisonnier et avoue son crime, le coeur du type et les cheveux de la fille !!! Ecouter A la luz del candíl chanté par Carlos Gardel.
(4) La Migdal était une fausse association cultuelle juive qui animait une fausse synagogue où un faux rabbin célébrait de faux mariages, le tout pour couvrir une vraie traite des blanches, dont étaient victimes de jeunes juives qu’un réseau de proxénètes faisait venir de Pologne en Argentine sous prétexte de les marier avec de jeunes juifs immigrés, avec l’aide de marieurs et marieuses véreux, en s’appuyant sur l’obligation religieuse du mariage pour les juifs pratiquants. Le réseau est tombé, grâce au courage d’une prostituée, Raquel Lieberman, qui a dénoncé les faits à la police. Plusieurs musiciens, tous juifs, ont dédié des tangos à Raquel Lieberman pour la remercier de son action de sauvetage de tant et tant de ses correligionnaires.
(5) les yiddishophones vous diront eux que le mot papirusa vient du yiddish papirojsn (lui-même certainement apparenté au mot polonais déjà cité, ne serait-ce que par la promiscuité qui existait alors entre chrétiens et juifs dans la Pologne de la fin du 19ème et du début 20ème siècle).
(6) Edmundo Rivero, célèbre chanteur, guitariste et compositeur de tango, dont Luis Alposta fut très ami et qui se dépensa beaucoup en défense du lunfardo et de l’authentique tango populaire. Edmundo Rivero est le fondateur de El viejo almacén, celui d’avant, qui n’avait pas grand chose à voir avec le cena-show très touristique qui occupe le même lieu sous le même nom commercial aujourd’hui.
(7) Ici, Luis Alposta cite le titre d’un quotidien qui existe toujours : La Prensa. Un journal qui est plusieurs fois mentionné dans les tangos et qui est traditionnellement le porte-parole de la classe possédante argentine. Ce pourquoi il est pris à parti par les auteurs de tango, bien sûr. Mais on peut aussi entendre la prensa avec une minuscule, c’est-à-dire l’ensemble de la presse en général. Auquel cas il faudrait traduire en français Les canards, comme dans le Tango interminable des Perceurs de Coffres-Forts, de Boris Vian et Jimmy Walter, immortalisé par les Frères Jacques....
(8) Luis décrit ici ce qui se passait sous la Década Infame, une série de gouvernements anti-constitutionnels qui se mit en place pour 13 longues années après le coup d’Etat du 6 septembre 1930 qui renversa le président Hipólito Yrigoyen. Du 6 septembre 1930 au 4 juin 1943, on vit tout ce que des dictatures diverses et variées peuvent inventer pour faire taire le peuple, couvre-feu et arrestations arbitraires, bourrage des urnes et violences sur les électeurs aux alentours des bureaux de vote pour qu’ils comprennent bien comment voter...
(9) ruso a deux sens à Buenos Aires et dans le deuxième sens, il est strictement intraduisible (surtout ici) en français : ruso peut vouloir dire russe (si vous parlez de Vladimir Poutine ou des choeurs du Bolchoï), sinon ça veut dire juif. Mais le terme ruso (dans le sens de juif, comme c’est le cas ici) ne présente aucun caractère raciste ni anti-sémite ni méprisant et dans le contexte présent, il est impossible, en français, de parler du "Juif Stavisky" sans induire ipso facto une ignoble et immonde coloration raciste totalement absente de la pensée et du coeur de Luis Alposta, surtout si le lecteur se souvient combien le scandale qui porte le nom de cet escroc alimenta l’anti-sémitisme virulent de l’extrême-droite française jusque la découverte des camps de concentration nazis à la Libération. L’Argentine et la France (la Belgique et la Suisse sont à peu près à la même enseigne qu’elle sur ce point) n’ont pas la même histoire. Les mêmes mots ne résonnent donc pas de la même manière. A Buenos Aires, appeller ruso un juif, c’est très amical et très cordial, c’est même très affectueux, surtout sous la forme du diminutif rusito. Comme à chaque fois qu’on appelle quelqu’un par un terme lié à son origine : tano (italien), francesito (français), alemán, turco avec son diminutif turquito (arabe en général et plus couramment syrien ou libanais), polaco (polonais), gallego ou vasco (espagnol), pour ne pas citer negro (qu’il ne faut jamais traduire par nègre et pas toujours par noir), même si le mot prend bien sûr racine dans la présence des noirs sur le sol argentin du fait de l’esclavage sous l’Empire colonial.
(10) célèbre tango de Enrique Santos Discépolo. Ecouter Cambalache chanté ici par Adriana Varela
(11) Bandonéoniste et compositeur de tango qui passa la majeure partie de sa vie en France, après y avoir été envoyé par un impresario véreux, Alejandro (Alexandre) Lombart, un Marseillais établi à Buenos Aires et qui y dirigeait l’autre grand réseau de traite des blanches qui concurrençait la Migdal, un réseau qui amenait des Françaises en Argentine pour alimenter en chair fraîche divers bordels portègnes et approvisionner en milongueras appétissantes et exotiques le cabaret El Tabaris, sur la rue Corrientes, l’établissement le plus sélect (et le plus cher) du genre dans toute la ville et que dirigeait Lombart lui-même à qui cet établissement chic servait de couverture légale. Manuel Pizzaro avait débarqué à Marseille, en 1923, pour jouer, pour un cachet de misère, dans le cabaret du petit frère Lombart, le Tabaris de Marseille. Il parvint à quitter la cité phocéenne au bout d’un an et monta alors à Paris, où il joua donc au Sans Souci et au Garrón (dont j’ai déjà parlé ailleurs, à l’occasion d’un billet de Luis sur Noticia Buena, dans le cadre de Mosaicos Porteños). Manuel Pizarro (1895-1982) s’est éteint, en France, à Nice, où il vivait retiré depuis plusieurs années. Luis Alposta l’a connu lors d’un de ses séjours à Buenos Aires dans les années 70.