lundi 18 janvier 2010

Un petit bout de tango à podcaster sur France Musique [ici]

Après la très instructive interview d'Alfredo Arias sur Télérama Radio (cliquez sur le lien pour accéder à mon article), après la carte poste d'Argentine, plus frileuse qu'annoncé, toujours sur Télérama Radio, après l'excellente interview de Horacio Molina et Fulanos de Tal sur la Radio Suisse Romande, voici la chronique de Jean-Louis Mingalon à la fin du numéro de samedi dernier de Etonnez-moi Benoît, une émission hebdomadaire de Benoît Duteurtre sur France Musique...

Quelle moisson de podcasts francophones alors que commence l'année du bicentenaire de l'Argentine !

L'émission de Benoît Duteurtre fonctionne avec un thème et un invité, en l'occurrence le thème était l'art des diseurs, ces chanteurs qui jouaient des chansons au sein de revues dans ce qui était encore la culture populaire parisienne de l'entre-deux-guerres, culture populaire qui a sombré corps et bien depuis, et l'invité est Jacques Crépineau, le directeur du Théâtre de la Michodière, une salle qui a beaucoup compté pour l'illustration de cette culture populaire, sous la direction d'Yvonne Printemps. Il faut écouter cette première partie. Elle est délectable. Elle parle d'un moment de notre histoire qui a bien des points communs avec la culture du tango dans les années 20 à 40, quand le sainete porteño régnait encore sur la rue Corrientes (lire mon article sur de récentes reprises de ce répertoire et sur la réédition d'une sélection d'oeuvres de Alberto Vaccarezza, l'un des maîtres du genre), quand les grands chanteurs criollos s'appelaient Carlos Gardel et Ignacio Corsini, quand les grands orchestres se produisaient dans de grands cabarets restés mythiques... Le contenu de cette partie de l'émission (une heure d'antenne) est d'ailleurs détaillé sur la page du site de France Musique qui lui ait consacrée.

Les 20 dernières minutes sont occupées par la chronique que Jean-Louis Mingalon consacre au tango et à sa culture sur cet espace, de temps en temps. Jean-Louis Mingalon est un journaliste passionné par le tango depuis de nombreuses années et très présent dans le petit monde des milongas et des cours à Paris. Nous fréquentons d'ailleurs les mêmes cours, lui et moi, et nous y croisons régulièrement. Et vous croyez qu'il en aurait profité pour m'annoncer sa chronique pour que je puisse vous en faire profiter plus tôt ! Heureusement que j'ai des espions un peu partout qui me signalent les choses intéressantes. Avec les 24h de la journée, cela devient très difficile de suivre le rythme à moi seule...
En l'occurrence, samedi matinn le 16 janvier 2010, Jean-Louis a présenté trois tangos de trois poètes différents, trois grands troesmas, trois piliers du répertoire et de l'histoire du genre. Ce qui vous vaudra de pouvoir entendre trois excellentes interprétations de chanteuses peu connues par chez nous mais très appréciées là-bas. A peu de choses près dans la même durée que la carte postale de Télérama, Jean-Louis Mingalon a fait des choix beaucoup plus audacieux et beaucoup plus intéressants, en tout cas pour les lecteurs de Barrio de Tango qui viennent sur ce blog pour y découvrir des artistes peu diffusés par chez nous...

De Enrique Cadícamo, vous découvrirez Madame Yvonne, dont Jean-Louis présente l'histoire avec une pudeur qui devient rare... Je me permets donc d'ajouter à son commentaire que la destinée de Madame Yvonne est infiniment plus sordide que ce qu'il en laisse imaginer. En fait, la pauvre fille a été séduite par un recruteur argentin, venu se fournir à Paris (dans le quartier latin) en chair fraîche pour alimenter la traite des blanches dont il est un des nombreux opérateurs (jusqu'aux années 30, la ville de Buenos Aires a souffert d'une énorme carence de femmes, les immigrants étant essentiellement des hommes seuls, cela a entraîné un crapuleux trafic d'êtres humains). Séduite et partie avec son séducteur, Yvonne s'est trouvée contrainte de se prostituer sitôt débarquée à Buenos Aires et Cadícamo nous la présente alors que, de nombreuses années plus tard, elle est devenue la sous-maîtresse d'une maison de tolérance. Madame, c'est en effet le nom que les pensionnaires donnaient aux directrices de ce genre d'établissement. L'envers du décor, sordide, est bien planté par le poète : il ne nous épargne ni l'alcoolisme ni la dépendance à la cocaïne (nieve, neige) dans laquelle la petite Française a sombré dans sa terrible déchéance.... Jean-Louis Mingalon nous la fait donc soft.
L'enregistrement qu'il a choisi offre à nos oreilles Adriana Varela, qui était très à l'honneur en décembre, pour el Día Nacional del Tango à Buenos Aires, il y a un peu plus d'un mois (voir mon article sur les cérémonies officielles de ce jour).

De Enrique Santos Discépolo, Jean-Louis a choisi de nous faire entendre Canción Desesperada, interprétée par Nelly Omar, immense chanteuse sans équivalent aujourd'hui et qui fut elle aussi particulièrement à l'honneur le 11 décembre dernier à Buenos Aires (cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, pour en savoir un peu plus sur cette très grande dame du tango, qui chante encore à près de 99 ans. Elle les atteindra le 11 février prochain). Fait assez peu commun, Nelly Omar est ici accompagnée par un orchestre. D'ordinaire, cette artiste chante à la criolla, avec des guitaristes et uniquement des guitaristes...

Enfin, de Homero Manzi, vous entendrez Malena, dans une interprétation de Lidia Borda, qui m'a paru appartenir à la première manière de la chanteuse. Elle a changé de style depuis. Lidia Borda est souvent présente dans la rubrique A l'affiche de ce blog, comme vous le constaterez en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher. (1) (2)

Un grand merci à Jean-Louis et à France Musique pour rendre ainsi présent le tango sur l'une des radios (publiques, sans publicité) les plus cultivées du paysage audiovisuel français.

Pour accéder à l'émission, il faut vous connecter à sa page sur le site de France Musique (cliquez sur le lien). Jusqu'à vendredi prochain, 22 janvier 2010, vous avez la possibilité de télécharger ce numéro sous forme de podcast directement sur votre iTunes. Après, vous ne pourrez plus que l'écouter en écoute à la carte (onglet (re)écouter de la page dont vous avez le lien ci-dessus). L'émission restera encore accessible sous cette forme pendant 30 jours après sa diffusion à l'antenne. Attention donc : connectez-vous avant le 15 février 2010 pour pouvoir écouter cette chronique que je viens de vous décrire. Après cette date, elle disparaîtra des archives (3).

(1) De ces trois titres, deux sont traduits et présentés dans Barrio de Tango, le livre que je publie prochainement aux Editions du Jasmin (lire mes articles sur ce livre). L'autre devrait faire un jour l'objet d'une présentation sur le site de Rodrigo Rufino et Gisela Passi, dont vous trouverez l'adresse dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! dans la partie basse de la Colonne de droite. Les tangos à lire se trouvent sur la page Ecouter de leur site...
(2) Si vous êtes adepte de ce jeu musical, avec les deux derniers podcasts que j'ai présentés sur ce blog, celui-ci et l'émission de vendredi dernier de la SRS sur Horacio Molina et Fulanos de Tal, vous pouvez comparer les mérites respectifs de cette interprétation de Lidia Borda et de celle de Horacio Molina, qui chante ce même tango en direct dans l'émission Radio Paradiso, en s'accompagnant lui-même de sa guitare et après avoir donné son propre commentaire sur ce classique d'entre les classiques (c'est complémentaire)...
(3) Et pardon de vous prévenir moi-même avec deux jours de retard : je récupère à peine d'un méchant barbouillage qui m'a mise à plat depuis hier soir, date à laquelle je comptais bien pouvoir publier cet article... La faute à l'hiver. Ce qui vous explique aussi que je n'ai pas pu régler le problème des noms contenant un é dans la rubrique Vecinos del Barrio (Colonne de droite). Je vais tenter de rattraper le temps perdu d'ici le 23 ou le 24 janvier, mais avec la charge de travail pour le bouquin, je ne vous promets rien.