Tango
Negro est un manifeste (selon la classification en vigueur en France)
que Juan Carlos Cáceres a rédigé et conçu en espagnol et qu'il a fait paraître en Argentine en
mai 2010 comme essai, selon la terminologie employée par les Editions Planeta Argentina (voir mon article du 26 juin 2010).
Il y
expose et y défend avec son opiniâtreté ordinaire
ses théories, souvent polémiques, parfois subjectives
et dans tous les cas délibérément anticonformistes, sur les
racines afro-américaines du tango argentin, théories
élaborées à partir de ses recherches empiriques de
musicien et de compositeur formé par le jazz avant qu'il
n'aborde les rivages du tango en France où il s'est installé
en mai 1968 et où il a découvert comme tant de ses compatriotes l'importance que le genre
revêt pour sa propre identité d'Argentin Anclao en París
(1). Cette recherche expérimentale nous vaut une analyse ultra-fouillée des entrecroisements musicaux, rythmiques et harmoniques, entre le jazz et le tango mais aussi le tango et toute la famille des musiques de l'Afrique de l'ouest, des Caraïbes et de l'Amérique latine (Brésil compris). Rien que pour cette analyse-là, il fallait absolument mettre l'ouvrage à la portée du public francophone.
Ailleurs
dans ce blog et en particulier à travers plusieurs articles relatif au Bicentenaire de l'Argentine (voir le raccourci situé
dans la partie médiane de la Colonne de droite), j'ai tâché
de montrer combien là-bas l'historiographie est marquée par de vigoureux enjeux idéologiques
qui fracturent le pays et cet état de fait durera sans doute encore quelques décennies. Peu d'historiens y pratiquent leur discipline avec le souci
d'objectivité qui caractérise la démarche
herméneutique de leurs homologues en Europe ou en Amérique anglo-saxonne. Et
c'est une singularité de l'historiographie en Argentine que j'ai
soulevée aussi dans les annexes de San Martín, à
rebours des conquistadors (2). En ce sens, l'édition originale
de Tango Negro (Planeta) n'échappe pas à la règle. Elle
regorge de prises de position aussi passionnées et
intéressantes que méthodologiquement discutables,
comme il est inévitable d'en trouver chez les penseurs
argentins qui se sont formés en Argentine (3). Chez un lecteur francophone, imprégné du
cartésianisme qui caractérise notre culture, ce
phénomène provoque des surprises et
des réticences intellectuelles qui auraient condamné le
livre s'il avait été jeté tel quel sur le marché
français, d'autant plus que notre approche se heurte au peu de connaissance que nous avons de l'histoire de l'Amérique du Sud en général et de celle de l'Argentine en particulier.
Dans
cet ouvrage, qui est le quatrième que je publie et le
troisième aux Editions du Jasmin,
j'ai donc dû m'aventurer bien au-delà de la simple
traduction et concevoir un ensemble de commentaires
pluridisciplinaires, allant de l'histoire à la littérature,
pour situer les propos de l'auteur initial dans leur contexte politique et
philosophique et indiquer aux lecteurs les événements
factuels que Juan Carlos n'avait pas pris la peine d'exposer lorsqu'il
s'adressait à des Argentins dotés d'une certaine perception de leur passé national (4).
Tango
Negro se compose donc de deux parties distinctes, la traduction du
texte original (5) et un corpus de notes, numérotées
chapitre par chapitre, rassemblées en fin de volume. Certaines
sont de simples indications de dates, de titres d'œuvre ou
d'instrument (pour vous aider à situer tel ou tel artiste cité
sans plus de détail par l'auteur en première partie).
D'autres sont des explications critiques plus approfondies sur
telle légende appelée à la rescousse par Juan Carlos Cáceres à l'appui de ses thèses (les mythes de José
de San Martín, Manuel Dorrego, Juan Manuel de Rosas ou Juan Lavalle) ou tel épisode
historique, que les Argentins connaissent bien (ou croient connaître)
mais qui ne nous évoquent rien (la Campagne du Désert,
la guerre du Paraguay, le ponceau de la Fédération, la
Década Infame, l'époque d'Alvear...). Pour ma part,
j'aurais préféré restructurer complètement
l'ouvrage initial pour l'adapter d'emblée aux exigences du
public européen et lui proposer un travail d'un seul
tenant, mais Juan Carlos en a écarté l'idée alors
que je venais de terminer la phase préparatoire (qu'il
ne nous restait plus qu'à réorganiser le matériel ainsi élaboré) et, devant son refus,
pour ne pas abandonner un travail déjà
fort avancé, je me suis résolue à ce plan dual
qui frustre mon goût de l'exposé pédagogique simple et fluide mais qui a au moins le mérite de faire la
part de ce que chacun de nous a mis dans l'ouvrage commun, sans qu'aucune
confusion ne soit possible entre l'un et l'autre co-auteur.
Le
livre de 236 pages (24,90 €) peut être commandé sans difficulté
dans toutes les librairies de la zone euro (6). Hors de la zone euro,
dans des pays ayant des accords avec l'Union Européenne, cela
ne pose pas de problème majeur non plus (en Suisse par
exemple). Cela peut être un peu plus complexe en dehors de
l'Union Européenne mais le livre ne tardera pas à être
référencé comme tous les titres du Jasmin sur
les grands sites de vente en ligne. Il sera bien entendu disponible
sur le stand de l'éditeur dans tous les salons sur lesquels il
expose (voir son actualité sur son site internet).
Juan
Carlos Cáceres en parlera aussi lors de ses concerts, à
travers les festivals et autres manifestations auxquelles il
participe si souvent (Tarbes notamment tous les mois d'août et
tout prochainement un salon consacré à la musique
latino-américaine à Deauville). A ces occasions, vous
devriez pouvoir vous procurer le livre directement auprès de
lui ou sur un stand dédié, comme vous pouvez lui
acheter ses disques ou même la version originale de cet essai (en espagnol).
Il est probable aussi qu'il organisera prochainement une présentation
à Paris dans son studio de l'Espace Tango Negro.
De
mon côté, il va sans dire que je présenterai
Tango Negro, comme mes autres ouvrages, à toutes mes séances
de dédicace que je tiens en général sur le
stand du Jasmin, dans les prochains salons du livre auxquels je
participerai (Le Plessis-Robinson, Saint-Malo, Le Chesnay...) et à
l'issue de mes conférences (à Toulouse,
Roquebrune-sur-Argens, Nice...) (7). Donc rendez-vous au plus tôt
pour les Parisiens et les Franciliens au Plessis-Robinson, samedi 20
avril 2013 (voir mon article du 8 avril 2013) où je ferai moi aussi
la connaissance du bouquin dûment imprimé (je n'aurai pas le
temps d'ici là de faire un saut chez mon éditeur qui
m'a appelée ce matin pour m'annoncer cette parution avec un
jour d'avance sur le calendrier fixé par l'imprimeur).
(1)
Anclao en París est un tango de Enrique Cadícamo
(paroles) et Guillermo Barbieri (musique) écrit pour Carlos Gardel, qui
en 1931 séjournait à Paris. Il est traduit à la
page 284 de Barrio de Tango, recueil bilingue des tangos argentins,
le premier des ouvrages que j'ai publié aux Editions du Jasmin
en mai 2010... Je vous laisse aller y découvrir l'histoire.
(2)
Editions du Jasmin, décembre 2012.
(3)
Et le malheur veut que les intellectuels argentins qui se sont formés
à l'étranger renient souvent leur argentinité
dans ce qu'elle a d'irréductible au profit d'une imitation de
l'Europe et des Etats-Unis, ce qui donne à leurs travaux un
ton suffisant peu agréable, quelque soit l'intérêt
du contenu qu'ils développent.
(4)
Connaissance elle-même très fragmentaire et passablement
erronée comme vous le savez si vous lisez mes articles sur
l'histoire dans ce blog. En effet, l'enseignement scolaire reste très
marqué par l'idéologie anglophile et libre-échangiste
de Bartolomé Mitre (1821-1906) tandis qu'un autre courant
monte dans la société, une lecture péroniste,
sociale et souverainiste (avec des personnalités médiatiques
dont je vous parle parfois, comme Felipe Pigna et Norberto Galasso).
A cette querelle qui divise le pays en deux, s'ajoute une opposition
secondaire, qui pèse moins dans la politique actuelle, le
courant dit conservateur-catholique (traditionnellement assez présent
au sein de el Instituto Nacional Sanmartiniano par exemple) contre le
courant anarchiste, dont la figure de proue est l'historien Osvaldo
Bayer et auquel Juan Carlos Cáceres se rallie (sans lui
appartenir vraiment puisqu'il n'est pas du tout historien). Il en
ressort que Tango Negro est un livre très orienté et
même tendancieux pour les Argentins eux-mêmes, mais ils
ont à leur disposition tout ce dont ils ont besoin pour
prendre leurs repères et se construire leur propre opinion,
dans leur propre langue et leur propre pays, avec profusion de
livres, d'articles, de conférences et même d'émissions
de radio et de télévision. Contrairement aux Européens
qui ne disposent que d'une documentation très réduite,
très parcellaire, y compris en Espagne, les productions
argentines de toute nature étant peu diffusées en
dehors de l'Amérique Latine.
(5)
Très légèrement amendée pour lui faire
respecter les règles minimales qui s'imposent en France (et en
Europe en général). Si l'argentin et l'espagnol
supportent les répétitions lexicales, la langue
française, depuis Louis XIII au moins, en a une sainte horreur
et il était donc indispensable de toiletter le texte original
et de le débarrasser aussi de ses redites qui ne choquent
personne en Argentine mais qui, passées dans notre langue, se
révélaient aussi hideuses que les répétitions
de vocabulaire. J'ai néanmoins dû maintenir, à la
demande insistante de l'auteur, différents éléments
qui restent le péché mignon de la plupart des
essayistes en Argentine : des affirmations péremptoires qui ne
s'appuient sur aucune argumentation et des digressions, que nous
avons tous vu nos enseignants stigmatiser comme hors sujet barrés
d'un gros trait de stylo rouge sur nos copies d'écolier, de
collégiens et de lycéens (et parfois encore au-delà
!). Il m'a toutefois autorisée à remettre dans l'ordre
chronologique un petit chapitre consacré à l'histoire
de l'Argentine depuis la Révolution de Mai en 1910 jusqu'à
l'âge d'or du tango dans les années 1940 qui, dans
l'édition originale, donne tous les événements
dans le plus grand désordre (cela n'est nullement gênant
quand on connaît l'histoire mais quand elle est inconnue !)
(6)
Pour autant que vous ayez affaire à un libraire qui fait
correctement son métier et il y en a beaucoup. Je constate
cependant sur les salons qu'un petit nombre de libraires indépendants
et peu consciencieux préfèrent répondre à
leurs clients qu'un livre est épuisé plutôt que
de le commander à un éditeur indépendant (ce qui
n'est pas plus compliqué qu'auprès d'un gros
diffuseur), comme ce libraire de Saint-Jean-de-Luz qui a répondu
récemment à quelqu'un que San Martín, à
rebours des conquistadors n'était pas disponible tout en lui
parlant des autres ouvrages dans la même collection qu'il
voyait apparaître sur son écran d'ordinateur (et qui
portent le même nom d'auteur mais un autre prénom, donc
qui ne sont pas de moi et qui n'ont rien à voir avec mes
sujets de prédilection) et en lui communiquant le numéro
de téléphone de l'éditeur. Et débrouille-toi
avec ça ! C'était pourtant bel et bien à lui, le
libraire professionnel, de passer ce coup de fil et cette commande !
Que ce genre de commerçant ne vienne pas geindre ensuite dans
les médias en se plaignant que les géants comme Amazon ou la FNAC leur
dévorent leurs parts de marché. Ils l'auront bien
cherché.
(7)
En dehors des annonces que je fais dans ce blog au fur et à
mesure que les manifestations s'approchent, vous pouvez connaître
les dates et lieux de mes rencontres publiques en consultant mon
agenda sur mon site Internet.