mercredi 17 avril 2013

Tango Negro est sorti en français et en France [Disques & Livres]



Tango Negro est un manifeste (selon la classification en vigueur en France) que Juan Carlos Cáceres a rédigé et conçu en espagnol et qu'il a fait paraître en Argentine en mai 2010 comme essai, selon la terminologie employée par les Editions Planeta Argentina (voir mon article du 26 juin 2010).

Il y expose et y défend avec son opiniâtreté ordinaire ses théories, souvent polémiques, parfois subjectives et dans tous les cas délibérément anticonformistes, sur les racines afro-américaines du tango argentin, théories élaborées à partir de ses recherches empiriques de musicien et de compositeur formé par le jazz avant qu'il n'aborde les rivages du tango en France où il s'est installé en mai 1968 et où il a découvert comme tant de ses compatriotes l'importance que le genre revêt pour sa propre identité d'Argentin Anclao en París (1). Cette recherche expérimentale nous vaut une analyse ultra-fouillée des entrecroisements musicaux, rythmiques et harmoniques, entre le jazz et le tango mais aussi le tango et toute la famille des musiques de l'Afrique de l'ouest, des Caraïbes et de l'Amérique latine (Brésil compris). Rien que pour cette analyse-là, il fallait absolument mettre l'ouvrage à la portée du public francophone.

Ailleurs dans ce blog et en particulier à travers plusieurs articles relatif au Bicentenaire de l'Argentine (voir le raccourci situé dans la partie médiane de la Colonne de droite), j'ai tâché de montrer combien là-bas l'historiographie est marquée par de vigoureux enjeux idéologiques qui fracturent le pays et cet état de fait durera sans doute encore quelques décennies. Peu d'historiens y pratiquent leur discipline avec le souci d'objectivité qui caractérise la démarche herméneutique de leurs homologues en Europe ou en Amérique anglo-saxonne. Et c'est une singularité de l'historiographie en Argentine que j'ai soulevée aussi dans les annexes de San Martín, à rebours des conquistadors (2). En ce sens, l'édition originale de Tango Negro (Planeta) n'échappe pas à la règle. Elle regorge de prises de position aussi passionnées et intéressantes que méthodologiquement discutables, comme il est inévitable d'en trouver chez les penseurs argentins qui se sont formés en Argentine (3). Chez un lecteur francophone, imprégné du cartésianisme qui caractérise notre culture, ce phénomène provoque des surprises et des réticences intellectuelles qui auraient condamné le livre s'il avait été jeté tel quel sur le marché français, d'autant plus que notre approche se heurte au peu de connaissance que nous avons de l'histoire de l'Amérique du Sud en général et de celle de l'Argentine en particulier.

Dans cet ouvrage, qui est le quatrième que je publie et le troisième aux Editions du Jasmin, j'ai donc dû m'aventurer bien au-delà de la simple traduction et concevoir un ensemble de commentaires pluridisciplinaires, allant de l'histoire à la littérature, pour situer les propos de l'auteur initial dans leur contexte politique et philosophique et indiquer aux lecteurs les événements factuels que Juan Carlos n'avait pas pris la peine d'exposer lorsqu'il s'adressait à des Argentins dotés d'une certaine perception de leur passé national (4).

Tango Negro se compose donc de deux parties distinctes, la traduction du texte original (5) et un corpus de notes, numérotées chapitre par chapitre, rassemblées en fin de volume. Certaines sont de simples indications de dates, de titres d'œuvre ou d'instrument (pour vous aider à situer tel ou tel artiste cité sans plus de détail par l'auteur en première partie). D'autres sont des explications critiques plus approfondies sur telle légende appelée à la rescousse par Juan Carlos Cáceres à l'appui de ses thèses (les mythes de José de San Martín, Manuel Dorrego, Juan Manuel de Rosas ou Juan Lavalle) ou tel épisode historique, que les Argentins connaissent bien (ou croient connaître) mais qui ne nous évoquent rien (la Campagne du Désert, la guerre du Paraguay, le ponceau de la Fédération, la Década Infame, l'époque d'Alvear...). Pour ma part, j'aurais préféré restructurer complètement l'ouvrage initial pour l'adapter d'emblée aux exigences du public européen et lui proposer un travail d'un seul tenant, mais Juan Carlos en a écarté l'idée alors que je venais de terminer la phase préparatoire (qu'il ne nous restait plus qu'à réorganiser le matériel ainsi élaboré) et, devant son refus, pour ne pas abandonner un travail déjà fort avancé, je me suis résolue à ce plan dual qui frustre mon goût de l'exposé pédagogique simple et fluide mais qui a au moins le mérite de faire la part de ce que chacun de nous a mis dans l'ouvrage commun, sans qu'aucune confusion ne soit possible entre l'un et l'autre co-auteur.


Le livre de 236 pages (24,90 €) peut être commandé sans difficulté dans toutes les librairies de la zone euro (6). Hors de la zone euro, dans des pays ayant des accords avec l'Union Européenne, cela ne pose pas de problème majeur non plus (en Suisse par exemple). Cela peut être un peu plus complexe en dehors de l'Union Européenne mais le livre ne tardera pas à être référencé comme tous les titres du Jasmin sur les grands sites de vente en ligne. Il sera bien entendu disponible sur le stand de l'éditeur dans tous les salons sur lesquels il expose (voir son actualité sur son site internet).

Juan Carlos Cáceres en parlera aussi lors de ses concerts, à travers les festivals et autres manifestations auxquelles il participe si souvent (Tarbes notamment tous les mois d'août et tout prochainement un salon consacré à la musique latino-américaine à Deauville). A ces occasions, vous devriez pouvoir vous procurer le livre directement auprès de lui ou sur un stand dédié, comme vous pouvez lui acheter ses disques ou même la version originale de cet essai (en espagnol). Il est probable aussi qu'il organisera prochainement une présentation à Paris dans son studio de l'Espace Tango Negro.

De mon côté, il va sans dire que je présenterai Tango Negro, comme mes autres ouvrages, à toutes mes séances de dédicace que je tiens en général sur le stand du Jasmin, dans les prochains salons du livre auxquels je participerai (Le Plessis-Robinson, Saint-Malo, Le Chesnay...) et à l'issue de mes conférences (à Toulouse, Roquebrune-sur-Argens, Nice...) (7). Donc rendez-vous au plus tôt pour les Parisiens et les Franciliens au Plessis-Robinson, samedi 20 avril 2013 (voir mon article du 8 avril 2013) où je ferai moi aussi la connaissance du bouquin dûment imprimé (je n'aurai pas le temps d'ici là de faire un saut chez mon éditeur qui m'a appelée ce matin pour m'annoncer cette parution avec un jour d'avance sur le calendrier fixé par l'imprimeur).


(1) Anclao en París est un tango de Enrique Cadícamo (paroles) et Guillermo Barbieri (musique) écrit pour Carlos Gardel, qui en 1931 séjournait à Paris. Il est traduit à la page 284 de Barrio de Tango, recueil bilingue des tangos argentins, le premier des ouvrages que j'ai publié aux Editions du Jasmin en mai 2010... Je vous laisse aller y découvrir l'histoire.
(2) Editions du Jasmin, décembre 2012.
(3) Et le malheur veut que les intellectuels argentins qui se sont formés à l'étranger renient souvent leur argentinité dans ce qu'elle a d'irréductible au profit d'une imitation de l'Europe et des Etats-Unis, ce qui donne à leurs travaux un ton suffisant peu agréable, quelque soit l'intérêt du contenu qu'ils développent.
(4) Connaissance elle-même très fragmentaire et passablement erronée comme vous le savez si vous lisez mes articles sur l'histoire dans ce blog. En effet, l'enseignement scolaire reste très marqué par l'idéologie anglophile et libre-échangiste de Bartolomé Mitre (1821-1906) tandis qu'un autre courant monte dans la société, une lecture péroniste, sociale et souverainiste (avec des personnalités médiatiques dont je vous parle parfois, comme Felipe Pigna et Norberto Galasso). A cette querelle qui divise le pays en deux, s'ajoute une opposition secondaire, qui pèse moins dans la politique actuelle, le courant dit conservateur-catholique (traditionnellement assez présent au sein de el Instituto Nacional Sanmartiniano par exemple) contre le courant anarchiste, dont la figure de proue est l'historien Osvaldo Bayer et auquel Juan Carlos Cáceres se rallie (sans lui appartenir vraiment puisqu'il n'est pas du tout historien). Il en ressort que Tango Negro est un livre très orienté et même tendancieux pour les Argentins eux-mêmes, mais ils ont à leur disposition tout ce dont ils ont besoin pour prendre leurs repères et se construire leur propre opinion, dans leur propre langue et leur propre pays, avec profusion de livres, d'articles, de conférences et même d'émissions de radio et de télévision. Contrairement aux Européens qui ne disposent que d'une documentation très réduite, très parcellaire, y compris en Espagne, les productions argentines de toute nature étant peu diffusées en dehors de l'Amérique Latine.
(5) Très légèrement amendée pour lui faire respecter les règles minimales qui s'imposent en France (et en Europe en général). Si l'argentin et l'espagnol supportent les répétitions lexicales, la langue française, depuis Louis XIII au moins, en a une sainte horreur et il était donc indispensable de toiletter le texte original et de le débarrasser aussi de ses redites qui ne choquent personne en Argentine mais qui, passées dans notre langue, se révélaient aussi hideuses que les répétitions de vocabulaire. J'ai néanmoins dû maintenir, à la demande insistante de l'auteur, différents éléments qui restent le péché mignon de la plupart des essayistes en Argentine : des affirmations péremptoires qui ne s'appuient sur aucune argumentation et des digressions, que nous avons tous vu nos enseignants stigmatiser comme hors sujet barrés d'un gros trait de stylo rouge sur nos copies d'écolier, de collégiens et de lycéens (et parfois encore au-delà !). Il m'a toutefois autorisée à remettre dans l'ordre chronologique un petit chapitre consacré à l'histoire de l'Argentine depuis la Révolution de Mai en 1910 jusqu'à l'âge d'or du tango dans les années 1940 qui, dans l'édition originale, donne tous les événements dans le plus grand désordre (cela n'est nullement gênant quand on connaît l'histoire mais quand elle est inconnue !)
(6) Pour autant que vous ayez affaire à un libraire qui fait correctement son métier et il y en a beaucoup. Je constate cependant sur les salons qu'un petit nombre de libraires indépendants et peu consciencieux préfèrent répondre à leurs clients qu'un livre est épuisé plutôt que de le commander à un éditeur indépendant (ce qui n'est pas plus compliqué qu'auprès d'un gros diffuseur), comme ce libraire de Saint-Jean-de-Luz qui a répondu récemment à quelqu'un que San Martín, à rebours des conquistadors n'était pas disponible tout en lui parlant des autres ouvrages dans la même collection qu'il voyait apparaître sur son écran d'ordinateur (et qui portent le même nom d'auteur mais un autre prénom, donc qui ne sont pas de moi et qui n'ont rien à voir avec mes sujets de prédilection) et en lui communiquant le numéro de téléphone de l'éditeur. Et débrouille-toi avec ça ! C'était pourtant bel et bien à lui, le libraire professionnel, de passer ce coup de fil et cette commande ! Que ce genre de commerçant ne vienne pas geindre ensuite dans les médias en se plaignant que les géants comme Amazon ou la FNAC leur dévorent leurs parts de marché. Ils l'auront bien cherché.
(7) En dehors des annonces que je fais dans ce blog au fur et à mesure que les manifestations s'approchent, vous pouvez connaître les dates et lieux de mes rencontres publiques en consultant mon agenda sur mon site Internet.