Nos amis uruguayens, qui ont, comme vous le savez, une version bien à eux de l'identité de Carlos Gardel, une version que personne d'autre qu'eux ne prend pour argent comptant mais à laquelle ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, d'autant plus qu'elle a l'art de mettre les Argentins hors d'eux, préparent en ce moment, avec l'aide de la Catalogne espagnole et du voisin brésilien, un documentaire sur un obscur et passablement mythique potentat de Tacuarembó, né en 1845 et mort en 1915, après avoir épousé l'une après l'autre trois soeurs et laissé derrière lui 15 enfants légitimes et une cinquantaine de bâtards, ce qui est fort utile pour caser Carlos Gardel dans une fratrie quelle qu'elle soit mais, si possible, qui en impose.
Ce prolifique et brumeux personnage, contemporain du président Máximo Santos qui l'aurait élevé au grade de colonel, s'appelle Carlos Felix Escayola Medina et on ne trouve d'informations sur lui qu'en lien avec les recherches abondantes faites par les Uruguayens pour prouver autant que faire se peut que Carlos Gardel est son fils et que l'artiste est donc bien né sur leur sol, dans cette ville ou ce département de Tacuarembó dont le nom figurait sur ses papiers officiels le jour de sa mort accidentelle (mais pas sur son testament autographe, où il est remplacé par celui de la ville de Toulouse, dans la lointaine France).
Ainsi donc le prestigieux inconnu aura désormais son documentaire télé, sous le titre El silencio de Tacuarembó, réalisé par l'Uruguayen Ricardo Casas, un réalisateur auquel on doit un documentaire fameux sur le poète Mario Benedetti, en 2004, Palabras verdaderas (Mots de vérité ou Paroles de vérité). Le film est en cours de tournage dans la ville éponyme où il est produit par la société nationale Guazú Media, qui a recueilli des fonds espagnols (le père de Escayola était catalan, paraît-il) et des fonds brésiliens, le Brésil accueillant aussi la post-production, ce qui semble habituel pour tout ce que fait Guazú Media. Le tournage vient de faire l'objet d'un entrefilet dans le quotidien uruguayen El País et une association de militants uruguayennistes s'est chargée il y a quelques jours de lancer le buzz sur la toile.
Pour en savoir plus :
lire l'article de El País, qui se contente de reprendre le communiqué de presse de la maison de production.
lire la fiche sur Escayola, avec photo, sur le site Geni, un service de généalogie gratuite dont le siège social est à Hollywood, en Californie. A prendre avec d'infinies précautions sur le plan historique (un potentat local qui aurait laissé 50 enfants illégitimes derrière lui, ça vous a un parfum de mythe comme il y en a peu. A ne jamais prendre au pied de la lettre).