Daniel Filmus, à droite, Carlos Tomada à gauche
C'est la Présidente elle-même qui a tranché et l'a fait annoncer depuis sa résidence de Olivos, dans la banlieue de Buenos Aires : le duo qui se présentera pour diriger le Gouvernement de la Ville autonome de Buenos Aires au nom du Partido Justicialista (péroniste) se composera du Sénateur Daniel Filmus, un homme politique au beau palmarès dans les domaines de l'éducation, de la culture et des droits de l'homme (les trois vont ensemble pour le péronisme de gauche qui constitue l'actuelle majorité nationale argentine), et Carlos Tomada, le Ministre du Travail, bien connu pour différentes négociations récentes en faveur du développement d'un Code du Travail qui s'était désagrégé de 1955 à 2003. Filmus se présente au poste de Chef du Gouvernement portègne, Tomada sera quant à lui son Vice-Chef de Gouvernement.
Face à eux, pour la droite ultra-libérale, Mauricio Macri, leader portègne du PRO, "l'homme du passif", comme aurait dit il y a 30 ans un certain Mitterand, mais toujours en bonne position dans les sondages d'opinion. Et pour la gauche non péroniste, le cinéaste Fernando "Pino" Solanas, dont le Proyecto Sur avait réussi une forte progression lors des deux derniers scrutins, de 2007 et 2009.
Les dés sont désormais jetés. Le scrutin aura lieu en juin...
Amado Boudou, qui était lui aussi sur les rangs pour l'investiture aux élections portègnes, semblerait être réservé par la Présidente à un autre sort. Il pourrait en effet être désigné le moment venu comme le Vice-Président d'une formule électorale où elle sera(it) la candidate à sa propre succession. A moins que cette place, désertée comme on le sait il y a bien longtemps par l'actuel et très évanescent Vice Président, Julio Cobos (voir mon article du 19 juillet 2008 à ce sujet), ne soit en fait rétenue pour Daniel Scioli, qui fut Vice-Président pendant le mandat de Néstor Kirchner, décédé il y a six mois, comme le savent les fidèles lecteurs de Barrio de Tango (1). Boudou est le ministre actuel de l'Economie et il peut se vanter d'un joli tableau de chasse, notamment en ce qui concerne la dette extérieure de l'Argentine, boulet géostratégique que se traîne le pays depuis 2001. Avant cela, il était l'Administrateur de l'ANSeS, la sécurité sociale argentine qu'il a sortie du rouge. Daniel Scioli exerce, pour sa part, depuis 2007 les fonctions de Gouverneur de la Province de Buenos Aires, où il conduit une politique inverse de celle de Mauricio Macri dans la capitale. C'est un kirchnériste historique, ce qu'en langage politique français on appellerait un "éléphant" du PJ.
Aujourd'hui, le quotidien libéral La Nación, qui a pris récemment quelque distance avec Mauricio Macri, un peu trop empêtré à son goût dans les scandales, et qui consacre sa une du jour aux événements européens (siège de la Puerta del Sol à Madrid par la jeunesse espagnole et statue -hideuse- de Jean-Paul II à Rome), publie un article fort intéressant sur les hypothèses retenues par les investisseurs étrangers en Argentine : ils tableraient sur la réélection de Cristina Fernández de Kirchner, l'actuelle présidente qui ne s'est toujours pas prononcée sur sa candidature ou non en 2011, mais ils craindraient alors qu'elle ne radicalise ses positions (à moins que ce ne soit La Nación, qui ait cette crainte), entendez par là qu'elle mène une politique encore plus à gauche, c'est-à-dire plus interventionniste dans le domaine économique, et qu'elle continue à réglementer le marché du travail et la protection sociale. Et si c'est La Nación qui le dit, il est probable que les sondages soient véritablement très en faveur de l'actuelle Chef de l'Etat, ce pourquoi sans doute Mauricio Macri a préféré retirer ses billes et ne plus s'aventure hors de son périmètre municipal (voir mon article du 10 mai 2011 sur cette candidature de Macri à sa propre succession).
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 (kirchneriste à 200 %)
lire l'article de Clarín (anti-kirchneriste viscéral)
lire l'article de La Nación sur les élections à Buenos Aires (libéral, anti-péroniste)
lire l'article de La Nación sur les réactions des investisseurs internationaux (celui de l'indice boursier de New-York, comme par hasard)
lire l'article de La Prensa (libéral et patronal)
lire l'article de El País, le quotidien uruguayen, sur les difficultés qui seraient celles de Cristina Kirchner pour un second mandat (ces difficultés seraient d'ordre personnel)
(1) Voir à ce propos mes articles sur Néstor Kirchner, son décès le 27 octobre 2010 et les réactions émotionnelles et politiques qu'il a suscité tant en Argentine même que dans toute la région.