dimanche 22 mai 2011

Quand Tonton Clairon nous raconte l'Obélisque [Actu]

En ce mois où l'Argentine célèbre sa fête nationale majeure (1), le quotidien Clarín nous a raconté hier l'épopée d'un monument symbolique de Buenos Aires qui fête cette année ses 75 ans, cet obélisque dont je vous parle parfois, au pied duquel ont lieu tant de fêtes populaires et tant de rassemblements, et qui se dresse au croisement de l'avenue 9 de Julio (la plus large au monde, 140 mètres) et de l'avenue Corrientes, en plein quartier San Nicolás.

Cet obélisque, El Obelisco en Argentine (coupe ci-contre, extraite du site du quotidien), a été érigé en 1936, sous un gouvernement anticonstitutionnel pro-britannique, pour marquer les 400 ans de la première fondation de Buenos Aires, le 2 février 1536, par Pedro de Mendoza, un explorateur espagnol, qui appartenait à une confrérie de marins placée sous le patronat d'une madonne sarde (Santa Maria de Bonaria) et qui mourut en mer sur le chemin du retour vers Madrid.

En lisant l'article d'hier matin sur le site de Clarín, vous en apprendrez beaucoup sur l'église, San Nicolás de Bari (2), qui se dressait à cet endroit en 1812, lorsqu'on hissa pour la première fois la bannière nationale sur cette tour désormais disparue, le 23 août. Vous apprendrez le nom de l'architecte, qui avait vu le jour à Tucumán, la ville où les patriotes déclarèrent l'indepéndance argentine (Congreso de Tucumán), les mensurations du monstre, son poids (en tonnes), le nom du maître d'ouvrage (une entreprise allemande... en 1936 ! je ne vous fais pas de dessin...), la durée des travaux, bref des tas d'infos anecdotiques mais fort intéressantes.



Le monument copie l'Obélisque que le monde entier peut admirer à Washington, dans la perspective qui mène au Congrès, et qui apparaît, tous les quatre ou huit ans, dans tous les plans larges des retransmissions en direct des prestations de serment de tout bon président des Etats-Unis qui se respecte. Rien à voir donc, comme le croient volontiers les Français (un brin chauvins et francocentristes), avec l'Obélisque à hiéroglyphes de la Place de la Concorde, à Paris.

A la fin des années 30, ces 70 mètres de calcaire de Córdoba dressés vers le ciel ne plaisaient guère aux Portègnes, tant et si bien que, comme la Tour Eiffel, on pensa à les détruire. A plusieurs reprises. Et on eut la sagesse de s'en garder. Tant et si bien qu'il est toujours là, immobile, au garde à vous, reluquant les passants et le flot de bagnoles qui lui chatouillent les pieds à toute heure du jour ou de la nuit. On ne peut pas dire que ce monument soit beau. Pourtant il a une âme. Celle que projettent en lui les habitants de la ville qui ont fini, volens nolens, par l'adopter, au point qu'il est devenu intouchable et qu'il figure vaillamment sur toutes les cartes postales, par ailleurs hideuses, de la ville (dont le charme mérite vraiment autre chose qu'une prise de connaissance à travers ces chromos du pire mauvais goût).

Le poète Alejandro Szwarcman et le compositeur Javier González lui ont consacré un tango, Entre rejas (derrière les barreaux), irrévérencieux à souhait et plein de cet attendrissement qu'on réserve aux vieux souvenirs familiaux, un tango que j'ai traduit dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (Tarabuste Editions, Revue Triages supplément 2010), ouvrage que je dédicacerai à la fin de cette semaine, au Marché de la Poésie de Paris, du 27 au 30 mai 2011 (Place de la Mairie du 6ème arrondissement).

Pour en savoir plus sur ce monument et son histoire :
Voir également les événements de ces années-là dans le Vademecum historique, dont vous trouverez le raccourci dans la rubrique Petites chronologies, en partie médiane de la Colonne de droite.

(1) L'Argentine adore les doublons : elle a donc deux fêtes nationales. L'une le 25 mai, qui commémore la Révolution de Mai (en 1810), qui est la prise en main du gouvernement local par le peuple, l'autre le 9 juillet, qui commémore la déclaration d'indépendance en 1816 qui sépara définitivement le pays de l'Espagne, au prix d'un terrible conflit armé auquel succéda une guerre civile jusqu'à la fin des années 1820.
(2) ce même évêque d'Asie Mineure, aussi peu historique que possible, qui apporte des cadeaux aux enfants sages en Alsace, en Belgique, au Luxembourg, dans le sud de l'Allemagne, le 6 décembre, et dont Coca Cola a fait le Père Noel dans les Années Folles !