Extrait de la une de l'Osservatore Romano daté d'hier Le gros titre se traduit "Comme un vrai papa" et cela se rapporte à l'Esprit Saint qui aime les hommes comme un véritable père. |
On a beau dire, c'est émouvant... Página/12 a rendu compte ce matin du Día de la Virgen de Luján tel qu'il a été célébré à Rome hier par le Pape. Une première pour ce quotidien si franchement hostile à la religion et qui a décidément bien du mérite de s'engager comme il le fait, avec des hauts et des bas, dans un raisonnement tolérant, nouveau pour lui et dont il ne se sert pas pour draguer un nouveau lectorat. Pour tout dire, je me suis si bien habituée à ce changement de cap courageux que je m'attendais un peu à ce qu'il y ait quelque chose sur le sujet dans l'édition d'aujourd'hui. Parfois je me dis que notre presse à nous, pour longue que soit la tradition démocratique qui la fonde et dont elle se revendique, pourrait prendre sur leur marbre quelques leçons de dignité et de respect du lecteur.
Comme
depuis de nombreuses semaines, c'est à la journaliste Elena
Llorente, installée à Rome, que l'on doit le papier qui
reprend les différentes déclarations du Pape dans la
journée d'hier. Aujourd'hui, je vous livre la traduction de
l'article intégral pour que vous puissiez juger de la manière
dont ce quotidien accepte d'évoluer, démontrant une
nouvelle fois que, de tous les titres nationaux argentins, il est le
plus adapté à un mode de fonctionnement démocratique,
malgré son positionnement militant parfois à la limite
de la propagande (ce qu'il partage avec tous les titres sud-américains).
Francisco
recordó su infancia y pidió un aplauso para la Virgen
de Luján
Una misa con ecos de Argentina
El
Papa habló de los excluidos del pasado y se congratuló
del cambio de época: “Cuando era niño se escuchaba
decir ‘a la casa de ellos no vamos porque no son casados por la
Iglesia’”.
Titre
et chapeau de l'article de Página/12 (en pages intérieures)
François
a rappelé son enfance et demandé qu'on applaudise la
Vierge de Luján
Une
messe aux échos d'Argentine
Le
Pape a parlé des exclus du passé et s'est félicité
du changement des temps. Quand j'étais encore, on entendait
dire Chez ceux-là, nous n'allons pas parce qu'ils ne sont pas
mariés à l'église.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
El
papa Francisco recordó ayer en la audiencia general del
miércoles a su país natal, pidiendo un aplauso especial
para la Virgen de Luján, patrona de la Argentina. “En este
día en el que se celebra a Nuestra Señora de Luján,
celestial patrona de Argentina, ¡un aplauso para la Virgen de
Luján! ¡Más fuerte! No lo escucho. ¡Más
fuerte!”, dijo el Papa mientras los peregrinos argentinos que se
hallaban entre los 75.000 fieles que ocupaban la plaza de San Pedro
estallaban en aplausos. “Deseo hacer llegar a todos los hijos de
esas queridas tierras argentinas mi sincero afecto, a la vez que
pongo en manos de la Santísima Virgen todas sus alegrías
y preocupaciones”, dijo el papa Francisco.
Elena
Llorente, Página/12
Le
Pape François s'est souvenu hier à l'audience générale
du mercredi de son pays natal, en réclamant qu'on applaudisse
en particulier la Vierge de Luján, patronne de l'Argentine. "En
ce jour où l'on célèbre Notre Dame de Luján,
patronne céleste de l'Argentine, applaudissez la Vierge de
Luján ! Plus fort ! Je n'entends pas ! Plus fort !" (1) a dit
le Pape alors que les pèlerins argentins qui se trouvaient
parmi les 75 000 fidèles qui occupaient la place Saint-Pierre
éclataient en applaudissement. Je souhaite faire parvenir à
tous les fils de ces terres bien-aimées argentines mon
affection sincère, tandis que je remets entre les mains de la
Très Sainte Vierge toutes leurs joies et leurs soucis, a dit
le Pape François.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Pero
la jornada del papa argentino fue densa en estímulos y
enseñanzas para su gente. Frente a una Iglesia, que en Italia
y en Europa en general, es muy tradicionalista, estática y
frecuentada casi exclusivamente por gente mayor, el pontífice
sacó a relucir nuevas frases provocadoras para sacudir y
atraer a quienes se alejaron alguna vez o tal vez nunca estuvieron en
el redil católico, como los divorciados y los ateos, pero
también contra los “arribistas y escaladores” y para
quienes, aun dentro de la Iglesia, como las monjas, se sienten
desganados o han perdido las fuerzas. En los tres actos principales
de su agenda de ayer, la cotidiana misa en la capilla de Santa Marta
–la residencia donde se aloja–, la audiencia privada que concedió
a las monjas que participan de la Asamblea General de la Unión
Internacional de Superioras Generales y la audiencia general en la
plaza de San Pedro, hizo referencia a estos temas.
Elena
Llorente, Página/12
Mais
la journée du pape argentin a été dense en
encouragements et en enseignements aux siens (2). Face à une
Eglise, qui en Italie et en Europe en général, est très
traditionaliste, statique (3) et fréquentée
presque exclusivement par des gens âgés (4), le
Souverain Pontife a sorti de l'armoire de nouvelles phrases
provocatrices (5) pour secouer [le cocotier] et attirer ceux qui ont
un jour pris le large ou n'ont peut-être jamais été
dans le filet catholique, comme les divorcés et les athées
(6) mais aussi contre "les arrivistes et les carriéristes" et
pour ceux qui, toujours dans le sein de l'Eglise, comme les sœurs,
se sentent dévitalisées ou ont perdu des forces (7).
Dans les trois cérémonies principales de son agenda
d'hier, la messe quotidienne dans la chapelle de Sainte-Marthe -la
résidence où il loge-, l'audience privée qu'il a
accordée aux sœurs qui participent à l'Assemblée
Générale de l'Union Internationale des Supérieures
Générales et l'audience générale sur la
place Saint-Pierre, il a fait référence à ces
sujets.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
“Los
hombres y mujeres de Iglesia que son arribistas, escaladores, que
usan al pueblo, a la Iglesia, a los hermanos y hermanas –a los que
deberían servir– como trampolín para sus propios
intereses y ambiciones personales hacen un daño grande a la
Iglesia”, dijo Francisco en su discurso a las monjas que recibió
en audiencia privada en la sala Pablo VI del Vaticano. A las madres
superioras y, por ende, a todas las mujeres que han consagrado su
vida a la Iglesia, les habló sin pelos en la lengua –cosa
bastante extraña en un papa, pero al mismo tiempo por eso
muchos lo admiran– de pobreza, de obediencia y de castidad. “Pero
por favor, una castidad ‘fecunda’, una castidad que genera hijos
espirituales en la Iglesia. La consagrada es madre, debe ser madre ¡y
no una solterona! Disculpadme si hablo así, pero es importante
esta maternidad de la vida consagrada, ¡esta fecundidad!” En
cuanto a la pobreza “se aprende con los humildes, los pobres, los
enfermos y todos los que están en los suburbios existenciales
de la vida. La pobreza teórica no nos sirve. La pobreza se
aprende tocando la carne de Cristo pobre, en los humildes, los
pobres, los enfermos, los niños”, les dijo, recordando
además que la pobreza “enseña la solidaridad, el
compartir y la caridad, y que también se expresa en una
sobriedad y alegría de lo esencial, que pone en guardia ante
los ídolos materiales que ofuscan el auténtico sentido
de la vida”.
Elena
Llorente, Página/12
"Les
hommes et les femmes d'Eglise qui sont arrivistes, carriéristes,
qui se servent du peuple, de l'Eglise, des frères et sœurs
qu'ils devraient servir comme d'un tremplin pour leurs propres
intérêts et ambitions personnelles font grand tort à
l'Eglise, a dit François dans son discours aux sœurs qu'il a
reçues en audience privée dans la salle Paul VI du
Vatican (8). Aux mères supérieures et par conséquent
à toutes les femmes qui ont consacré leur vie à
l'Eglise (9), il a parlé sans langue de bois (10), chose assez
étrange chez un pape (11) -mais en même temps c'est pour
cela que beaucoup l'admirent- de pauvreté, d'obéissance
et de chasteté (12). "Mais je vous en prie, une chasteté "féconde", une chasteté qui donne des fils spirituels à
l'Eglise. La consacrée est une mère, elle doit être une mère et non pas une vieille fille ! Pardonnez-moi de parler ainsi
mais elle est importante, cette maternité de la vie consacrée,
cette fécondité !" (13) Quant à la pauvreté, "on l'apprend avec les humbles, les pauvres, les malades et tous
ceux qui se trouvent dans les faubourgs existentiels de la vie. La
pauvreté théorique ne nous sert à rien. La
pauvreté s'apprend en touchant le corps du Christ pauvre, dans les humbles, les pauvres, les malades, les enfants", leur a-t-il dit, en rappelant de surcroît que la pauvreté enseigne la solidarité,
le partage et la charité, et qu'elle s'exprime aussi dans une
sobriété et une joie de l'essentiel, qui met en garde
contre les idoles matérielles qui offusquent le sens authentique
de la vie.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
No
se sabe cómo reaccionaron las madres superioras ante semejante
mensaje. Lo cierto es que las mujeres tienen poco o ningún
poder en la Iglesia. Las que viven o trabajan en el Vaticano no
tienen gran autoridad. Se ocupan de muchas tareas domésticas,
por decirlo así, como cocinar, limpiar y mantener los
departamentos donde viven los cardenales o atender la centralita
telefónica de la Santa Sede. Y si por casualidad un periodista
se acerca a una monja para hacerle una pregunta en la plaza de San
Pedro, ella sale corriendo, a diferencia de los sacerdotes, que
opinan y hacen declaraciones sin problemas. Se ha hablado mucho del
rol de la mujer en la Iglesia Católica pero, a diferencia de
otras religiones, sigue siendo subordinado. Muchos esperan que el
papa Francisco también cambie eso.
Elena
Llorente, Página/12
On
ne sait pas comment ont réagi les mères supérieures à un tel message (14). Ce qui est sûr, c'est que les
femmes ont peu, voire aucun pouvoir dans l'Eglise. Celles qui vivent
ou travaillent au Vatican n'ont pas grande autorité. Elles
s'occupent de nombreuses tâches ménagères, pour
ainsi parler, comme faire la cuisine, le ménage, entretenir
les appartements où vivent les cardinaux ou tenir le petit
standard téléphonique du Saint-Siège. Et si par
hasard, un journaliste s'approche d'une sœur pour lui poser une
question sur la place Saint-Pierre, elle part en courant, à la
différence des prêtres, qui s'expriment et font des
déclarations sans problème (15). On a beaucoup parlé
du rôle de la femme dans l'Eglise Catholique mais, à la
différence d'autres religions (16), il reste subordonné.
Beaucoup espèrent que le Pape François change aussi
cela.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
En
la misa en Santa Marta, el Papa recordó su infancia y lo
retrógrados que eran los católicos entonces. “Cuando
yo era niño se escuchaba decir a las familias católicas:
‘No, a la casa de ellos no podemos ir porque no son casados por la
Iglesia’, o porque son socialistas, o porque son ateos. Era como
una exclusión. No se podía ir”, dijo haciendo
referencia a su vida en Buenos Aires, tal vez en la década del
50, antes del Concilio Vaticano II de los años ’60 que
cambió un poco la vida de la Iglesia. “Ahora, gracias a
Dios, no se dice más así. La Iglesia ha cambiado en
estos últimos 50 o 60 años. El cristiano que quiere
llevar el Evangelio debe ir por este camino y ¡escuchar a
todos!”, concluyó el pontífice. En Italia, aunque
existe el divorcio desde los años ’70, la Iglesia siempre
fue muy cerrada con los divorciados, no permitiéndoles, entre
otras cosas, tomar la comunión si se habían vuelto a
casar. Pero el papa Francisco, consciente de la profunda crisis por
la que atraviesa la Iglesia en este sentido, ya encargó a
monseñor Vincenzo Paglia, responsable del “ministerio”
vaticano que se ocupa de la familia, redactar un documento con nuevas
soluciones para los divorciados. Aun existiendo la ley del divorcio,
hasta hace algunos años la mayoría de la gente se
separaba pero nunca llegaba al divorcio, tal vez precisamente por
razones religiosas. Pero ahora las cosas son diferentes y Francisco,
por lo visto, está decidido a “construir puentes”, como él
dice, para acercar a los que están del otro lado.
Elena
Llorente, Página/12
A
la messe à Sainte-Marthe, le Pape a rappelé son
enfance et à quel point les catholiques étaient alors
rétrogrades (17). "Quand j'étais enfant, on entendait
dire dans les familles catholiques : "non, chez eux, nous ne pouvons
pas nous rendre parce qu'ils ne sont pas mariés à
l'Eglise". Pour parce qu'ils sont socialistes ou parce qu'ils sont
athées. C'était comme une exclusion. On ne pouvait pas
y aller", a-t-il dit en faisant référence à sa
vie à Buenos Aires, peut-être dans les années 50
(18), avant le Concile Vatican II des années 60, qui a changé
un peu la vie de l'Eglise (19). "Aujourd'hui, Dieu merci, on ne parle
plus comme ça. L'Eglise a changé ces 50 ou 60 dernières
années. Le chrétien qui veut porter l'Evangile doit
prendre ce chemin et écouter tout le monde !", a conclu le
Souverain Pontife. En Italie, bien que le divorce existe depuis les
années 70, l'Eglise a toujours été très
fermée aux divorcés, en ne le permettant pas, entre
autres choses, de communier s'ils se remarient (20). Mais le Pape
François, conscient de la profonde crise que traverse l'Eglise
dans ce domaine, a déjà chargé Monseigneur
Vincenzo Paglia, responsable du "ministère" du Vatican qui
s'occupe de la famille, de rédiger un document avec de
nouvelles solutions pour les divorcés (21). Bien que la loi du
divorce existe, jusqu'à il y a quelques années, la
majorité des gens se séparait mais n'allait pas
jusqu'au divorce, peut-être justement pour des raisons
religieuses (22). Mais aujourd'hui les choses sont différentes
et François, pour ce qu'on en voit, est décidé à
construire des ponts, comme il le dit, pour rapprocher ceux qui sont
de l'autre côté (23).
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Extrait de l'Osservatore Romano Article sur la fête de la Vierge de Luján |
Comme
on le voit, ce rapport très favorable repose sur beaucoup de
malentendus qui pourraient se révéler très
douloureux si ces intellectuels de la gauche argentine s'en tiennent là au lieu de continuer le mouvement engagé, mais en
attendant, quel chemin parcouru depuis Con una ayudita de mis amigos,
ce gros titre du 12 juillet 2010, paraphrasant une chanson des Beatles (With a little
help of my friends) où Página/12 avait voulu donner une
image démoniaque du Cardinal Bergoglio...
Pour
aller plus loin :
lire
l'article directement sur le site de Página/12
lire
l'article de News VA (en français) sur l'audience des
Supérieures générales
lire l'article de News VA (en espagnol) sur le même sujet, avec quelques différences
(vous constaterez que les propos retenus par Elena Llorente ne sont pas repris puisque ce n'est pas considéré comme central dans ce discours)
lire
le discours intégral en italien (publié par la salle de
Presse du Vatican)
lire
l'article de News VA (en français) sur l'homélie de la
messe d'hier à la Maison Sainte-Marthe
Sur
l'Osservatore Romano daté d'hier, les articles correspondants,
très développés, sont en pages 1, 5 et 7
(rédigés en italien, of course !). Voir ci-contre (cliquer sur l'image pour obtenir une résolution de lecture).
Dans
la même édition de ce matin, Elena Llorente écrivait
aussi un article sur la condamnation en appel de Silvio Berlusconi,
dont on sait bien qu'il ne la subira jamais, ne serait-ce que parce
qu'en Italie on n'écroue pas les personnes d'un certain âge
et qu'il l'a déjà atteint.
Voyage
Luján est une des étapes que je vous propose dans le cadre d'un séjour culturel à Buenos Aires. C'est une petite ville rurale qui dispose d'un riche passé historique et offre plusieurs musées, donnant sur sa plaza mayor typiquement coloniale et encore intacte et présente un côté bord de Marne des antipodes... (voir mon article sur ce programme).
Voyage
Luján est une des étapes que je vous propose dans le cadre d'un séjour culturel à Buenos Aires. C'est une petite ville rurale qui dispose d'un riche passé historique et offre plusieurs musées, donnant sur sa plaza mayor typiquement coloniale et encore intacte et présente un côté bord de Marne des antipodes... (voir mon article sur ce programme).
(1)
Pour la déclaration exacte et complète, voir mon article d'hier (citation, traduction et liens vers les communiqués
en espagnol et en français du Vatican lui-même et un petit bonus en prime).
(2)
L'emploi de l'expression su gente montre que la journaliste prend de
la distance. Elle ne fait pas partie de ce troupeau, comme on dit
dans les Evangiles. En France, comme la querelle entre croyants et
non croyants s'est beaucoup adoucie depuis 1905, on dirait, sans y
voir malice ni ambiguïté, "à ses ouailles", expression tout droit issue du monde pastoral, concret et métaphorique (ouailles =
brebis). Su gente, c'est "sa famille", "ses proches", "son monde".
(3)
Description surprenante de l'Eglise européenne perçue par une
Sud-Américaine. Les catholiques européens ont, pour
leur part, l'impression inverse, ils croient volontiers que ce sont les
églises latino-américaines qui sont les plus conservatrices, les plus compromises avec les idéologies de droite, que par ailleurs on connaît mal. Comme
quoi, la modernité n'est qu'une apparence ou une facilité
de langage dans ce domaine. La différence de perception d'un
continent à l'autre est un fait culturel et non pas religieux.
Il est vrai aussi que les Argentins (de gauche) croient a priori que l'Eglise italienne est très réactionnaire, sans
rien y connaître.
(4)
Cette interprétation tenace repose, me semble-t-il, sur deux
erreurs de méthode : d'abord les journalistes se focalisent
sur les paroisses des grandes villes et sur les messes du dimanche
matin (alors que les adolescents et post-adolescents des grandes villes fréquentent
d'autres messes, celles du samedi soir et du dimanche soir et vont aussi dans les couvents et les monastères -où
il y a pas mal de jeunes, retraitants ou fidèles de passage -
et dans leurs aumôneries où ils se retrouvent entre semblables d'une
même classe d'âge car nos sociétés
souffrent, dans tous les domaines et y compris à l'église, d'une faible cohabitation entre
les générations). La seconde erreur relève de
l'idée préconçue qui empêche de douter et
donc d'observer la réalité. On part du principe que
l'Eglise est un truc de vieux, ce qui exempte d'observer
puisqu'on sait déjà. Mais regardez la tête des
gens sur la place Saint-Pierre le mercredi matin et le dimanche midi
ou des fidèles aux chemins de Croix du Vendredi Saint partout
en Europe et vous allez vite changer d'avis.
(5)
Si elle trouve ces paroles provocantes, c'est peut-être parce
qu'elles bousculent ses propres certitudes sur l'Eglise, qu'elle croit être une structure déconnectée du temps présent. Les
propos du Pape lui montrent peut-être une Eglise immergée,
au contraire, dans notre aujourd'hui. Les catholiques pratiquants se
sentent non pas provoqués ni rappelés à l'ordre par ce type de déclarations mais orientés vers l'essentiel.
Et les catholiques éloignés semblent se sentir
interpellés comme le montre la diversité de la foule qui fréquente la place Saint-Pierre alors que
cette idée ne traversait pas l'esprit des gens auparavant si l'on
en croit les images d'aujourd'hui et le public plus clairsemé d'avant
le 11 février dernier.
(6)
La journaliste mélange ici des plans sans rapport entre eux, un
accident de la vie d'une part, une option spirituelle de l'autre. Et je
suis sûre que ce n'est pas volontaire. C'est son ignorance du
fait religieux qui la fait s'embrouiller.
(7)
Interprétation erronée d'une phrase du Pape adressée
aux 900 supérieures générales d'ordres et de
congrégations réunies en congrès international à
Rome (nullement destinée à les "secouer" ou les "remettre
au travail" mais à les encourager sur le chemin exigeant
qu'elles ont choisi en répondant à leur vocation
religieuse). A noter qu'en espagnol courant, on emploie le terme
monje/a (moine/moniale) pour tous les consacrés qui suivent
une règle (en mélangeant dans un même concept les
cloîtrés, moine/moniale, et les non cloîtrés,
religieux, -se). On dit aussi cura pour prêtre (au lieu de
sacerdote).
(8)
L'intégralité du discours est disponible en plusieurs
langues par écrit et en vidéo sur le site du Vatican.
Tout est rassemblé sous l'onglet News VA qui ouvre un
véritable portail d'information sur l'actualité au jour
le jour (le français fait partie des langues disponibles).
(9) Avant tout, elles ont consacré leur vie à Jésus
Christ. La confusion éclaire toute la surprise qui suit. C'est
parce que Elena Llorente ne voit pas la personne de Jésus
Christ qu'elle fait un contresens.
(10)
Littéralement "sans cheveux [au pluriel] sur la langue". Comme
quoi, les expressions idiomatiques se ressemblent sans avoir la même
signification. En francés, "Avoir un cheveu sur la langue", significa pronunciar mal las s y z.
(11)
Parce qu'elle ne connaît pas les réalités
spirituelles dont traite ce discours. Le changement de Benoît
XVI à François ne concerne que le vocabulaire. François
emploie peu de termes techniques. En bon jésuite qu'il est, il
utilise le langage du quotidien. Et les journalistes, en général
très ignorants sur les religions, ont l'impression de s'y
retrouver, mais cela se fait avec beaucoup d'approximation résiduelle.
(12)
Les Papes n'ont jamais parlé d'autre chose à des
consacrés réguliers étant donné qu'il
s'agit là des fondements même de leur état de
vie.
(13)
Il est impossible que l'auditoire ait été choqué
ou offensé par ces propos. Le Pape sait que ses interventions sont scrutées par les journalistes. Il est probable que c'est pour eux qu'il
emploie ce vocabulaire simple et qu'il utilise ces recettes de la
rhétorique qui permettent d'attirer l'attention sur les points
importants sans lourdeur ("excusez-moi si", "si je puis m'exprimer ainsi", "ne croyez-vous pas
que", "on pourrait ainsi dire que"...) C'est du grand art. Et ça marche puisque ça
retient l'attention de cette journaliste extérieure à
l'Eglise.
(14)
Elena Llorente ne regarde pas les vidéos. La réaction
se perçoit à la vidéo. Mais il ne faut pas être
grand clerc pour deviner comment un tel discours a pu être reçu
par un tel public : avec un enthousiasme et une joie profonde.
(15)
L'impression ainsi donnée est effectivement désastreuse
pour les journalistes non croyants. Mais les religieuses concernées
ont sans doute peur d'être mal interprétées par
la presse dont l'ignorance crasse des choses de la foi est constatée
tous les jours par les croyants. Il est donc possible qu'elles
choisissent une attitude de prudence. Les prêtres, eux, ont
pour fonction de prendre la parole en public, ne serait-ce que pour
délivrer l'homélie du dimanche, et à travers le
sacrement de réconciliation, ils ont l'expérience de
différents niveaux de perception du message évangélique à travers la manière dont s'expriment les pénitents qui font appel à eux. Ils ont donc plus
d'expérience de cette ignorance et savent mieux comment en
tenir compte. Qui plus est, c'est un fait général en
Occident, les femmes ne s'expriment, "professionnellement", que ce sur
quoi elles se savent compétentes, alors que les hommes n'hésitent
pas à parler même lorsqu'ils n'ont pas de compétence
particulière sur un sujet. Il y a quelques jours à
peine, il y avait une série d'articles sur Radio Vatican et
sur l'Osservatore Romano consacrés à la place des
femmes dans l'Eglise et les responsabilités qui leur sont ou
doivent leur être confiées y ont été abordées sans tourner autour du pot et même d'une manière valorisante. Rien à voir avec ce qui est dit là.
Mais Elena Llorente semble lire davantage La Reppublica que
l'Osservatore Romano.
(16)
Lesquelles ? Comment ? Sous quelles formes ?
(17)
Vous allez voir que le Pape n'a pas mentionné leur caractère "rétrograde" mais leur intolérance. Là encore, les
deux éléments n'ont rien à voir l'un avec
l'autre. Et là encore, la confusion ne vient pas du hasard mais des a priori non remis en cause et elle
explique en partie les malentendus qui suivent.
(18) "Quand j'étais enfant". Or le Pape est né en 1936. Il ne parle donc pas des années 50 mais de la décennie précédente... C'est extraordinaire comme les idées préconçues
nous empêchent de faire des raisonnements simples, ici un pur calcul de dates. Pour comprendre, elle se sent le besoin de partir sur
des spéculations qui l'égarent elle-même loin de la source qu'elle commente.
(19)
Pas "un peu". Beaucoup. Profondément même. Au point
d'entraîner le schisme des intégristes de Mgr M.
Lefrebvre, qui n'ont jamais accepté l'ouverture de l'Eglise
vers l'œcuménisme (dialogue priant entre toutes les
confessions chrétiennes) et vers les non-chrétiens et
ont consommé leur rupture après la première
rencontre inter-religieuse d'Assise organisée à
l'initiative de Jean-Paul II. La nostalgie de la liturgie en latin,
que l'on a tant montée en épingle, c'est de la petite
bière à côté de l'ouverture au monde non
catholique pour cette branche-là du christianisme, aujourd'hui
définitivement détachée de l'Eglise catholique
romaine. Benoît XVI a bien essayé de leur tendre la main
mais ils lui ont craché dessus.
(20)
Où l'on voit que ces questions, qui ont beaucoup agité
le monde médiatique en Europe entre la renonciation de Benoît
XVI et l'élection de François, ne sont vraiment pas des
questions cruciales pour l'Eglise universelle. Cette Sud-Américaine,
qui vit en Italie, présente même l'interdiction des sacrements faite aux divorcés-remariés comme une spécificité
de ce pays alors que la même règle est en vigueur dans le monde entier. En fait, le phénomène touche très peu
l'Amérique du Sud où le divorce reste très rare
chez les catholiques pratiquants. En France, dans les excellents
talk-shows de France 5 notamment, les théologiens avaient beau
dire et répéter que le sujet allait très peu
jouer sur le conclave, nos journalistes ne voulaient pas en démordre
et là, on le voit noir sur blanc : les Sud-Américains
(et il en va de même pour les Africains et les Asiatiques) ne se préoccupent
pas le moins du monde de la non-communion des divorcés-remariés,
il n'y en a pas chez eux.
(21)
C'est une rumeur qui s'est répandue dans la presse italienne
et qui a été démentie dès le 25 avril par un
communiqué qui n'exclut pas ce type de réflexion pour l'avenir mais affirme que rien n'est en préparation sur le
sujet (voir le démenti du Vatican en français, qui
renvoie aux consignes données par Benoît XVI courant 2012 : il faut faire un effort d'imagination pour accueillir fraternellement et intégrer
dans les structures catholiques les personnes touchées par
cette interdiction des sacrements). On voit ici qu'Elena Llorente
s'informe essentiellement dans la presse italienne, de gauche et
athée.
(22)
Si c'est le cas, ce serait une belle hypocrisie. Etre séparé
de corps d'un côté et en ménage de l'autre avec un amant ou une maîtresse,
c'est la même chose qu'être divorcé-remarié, on est adultère
au même degré dans les deux cas. Et se comporter ainsi
pour passer la question morale et disciplinaire par perte et profit,
c'est prendre Dieu pour un crétin. Je pense que dans le cas cité, il s'agissait plutôt d'éviter un reste de stigmatisation sociale quand
il fallait se déclarer divorcé(e) pour une démarche
quelconque. En matière religieuse, c'est le genre de
comportement hypocrite qui peut se comprendre dans une société où
la pression sociologique, le qu'en dira-t-on du voisinage vous
forcent à aller à l'église (encore que le
voisinage voit bien avec qui vous partagez votre toit) mais dans
notre société occidentale déchristianisée,
je doute que cela puisse avoir une influence assez forte pour qu'on
en voie les effets dans les statistiques démographiques.
(23)
Certes mais ça ne veut pas dire faire des concessions à
l'air du temps et aux idées à la mode, au détriment
de valeurs aussi fondamentales que le témoignage de la
fidélité (image sur terre de la fidélité
de Dieu vis-à-vis de l'humanité). Le divorce n'est pas
près d'être accepté comme légitime dans l'Eglise
catholique.