Une fête afro-argentine dans ce qui me paraît être Defensa dans Monserrat (le quartier du tambour)
Comme on le voit, beaucoup de déguisements pour revendiquer cette réalité historique
et sans doute un bon nombre de figurants uruguayens, un pays où la négritude n'a pas subi d'occultation.
Photo Télam (Carlos Brigo)
C'est
en souvenir d'une patriote noire de l'Armée du Nord, pendant
la guerre d'indépendance, qu'on fête aujourd'hui en
Argentine et singulièrement à Monserrat et San Telmo, à
Buenos Aires, la fête des Afro-argentins. Cette date a été
fixée en avril dernier, lors du vote de la loi qui institue ces
festivités. Il s'agit pour l'actuelle majorité de
réhabiliter l'apport africain à la culture et à
l'histoire nationales en parallèle avec le travail effectué
dans le même sens pour l'intégration des apports
aborigènes, après une longue censure de ces aspects de
l'histoire entamée dans la seconde moitié du XIXème
siècle par deux maîtres à penser de l'oligarchie,
Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888) et Bartolomé Mitre
(1821-1906), deux brillants intellectuels, deux grands érudits
mais qui furent aussi des grands négateurs de pans entiers de
la réalité argentine qui avaient le malheur de ne pas
correspondre à leur projet politique sur la patrie... (1)
María
de los Remedios (2) Valle, promue capitaine de son armée par
le général Manuel Belgrano (1770-1820), est décédée
le 8 novembre 1847 dans une extrême pauvreté. Presque
quarante ans après ses exploits du Haut-Pérou, elle ne
devait pas être toute jeune mais on sait peu de choses d'elle
(en général, les femmes et, plus encore, les femmes des
classes populaires ont laissé peu de traces à cette époque de l'histoire argentine).
C'est
donc à elle qu'est dédiée cette fête qui
sera célébrée aujourd'hui pour la première fois dans les deux
quartiers historiquement les plus liés aux Noirs argentins :
le quartier de Monserrat où est prévue une grande
manifestation du Movimiento Afrocultural, à Defensa 535, aujourd'hui, vendredi 8 novembre 2013, à partir de 18h, et le quartier de San Telmo lundi 11 novembre, pour la
pose d'une plaque commémorative dans le Parque Lezama (Defensa
à la hauteur 1500), en hommage à l'apport africain à
la culture argentine.
D'après
le recensement de 2010, on estime qu'un peu plus de 4 % de l'actuelle
population argentine a des origines familiales africaines. On estime
qu'en 1887, alors que l'œuvre
mitro-sarmentienne d'occultation avait réussi, il y avait
encore près de 2% de Noirs à Buenos Aires, ce qui est
très peu puisqu'on estime à plus d'un tiers de la
population globale le nombre de Noirs dans cette ville à la
veille de la Révolution de Mai (1810).
Pour
aller plus loin :
lire
la dépêche de Télam, hier.
(1)
Sur ce point brûlant de l'occultation de la culture noire et sa
revendication actuelle par un secteur de plus en plus important du
monde de la culture, voir Tango negro, le manifeste de Juan Carlos
Cáceres que j'ai traduit et commenté pour les lecteurs
européens et publié aux Editions du Jasmin en avril de
cette année, au moment même où le Congrès
argentin votait cette nouvelle loi.
(2)
Elle portait donc le même prénom que la femme de José de San
Martín, ce qui n'est pas un petit signe pour un pays
d'Amérique du Sud.