samedi 30 novembre 2013

Un prêtre à la tête du Service de Prévention des Narco-dépendances [Actu]

Décision impensable avant le 13 mars de cette année.

Mais que s'est-il passé le 13 mars 2013 qui soit de nature à faire changer ainsi l'emploi des symboles au Gouvernement de Cristina Kirchner ? Je ne sais plus (allez voir mon article de ce jour-là !).


Toujours est-il que le nouveau Premier ministre argentin, l'ancien Gouverneur Jorge Capitanich, vient d'annoncer la nomination d'un prêtre patagonien à la tête du Service national de prévention des Narco-dépendances et de lutte contre le trafic de stupéfiants (Sedronar), un service dont le précédent responsable avait démissionné justement en mars de cette année et qui restait depuis sans direction définitive (1).

C'est un prêtre spécialisé dans les pratiques médicales et sociales envers les usagers de produits stupéfiants qui a à son actif quelques beaux états de service en Argentine et en Haïti. Il se trouve être aussi bien connu de la Présidente elle-même puisqu'il fait partie des prêtres auxquels elle a demandé de concélébrer les obsèques religieuses de son mari, Néstor Kirchner, en octobre 2010, dans sa province de Santa Cruz. L'homme a aussi travaillé aux côtés de Capitanich dans la Province de Chaco et aux côtés de Alicia Kirchner, qui n'est pas seulement la belle-sœur de la Présidente mais aussi une responsable politique particulièrement férue de questions sociales (elle en est même le ministre national sans solution de continuité depuis la prise de fonction de la femme de son frère, en décembre 2008).

Personne n'aurait pu imaginer qu'elle accepte de confier une telle mission à un membre du clergé catholique et que Página/12 le prenne bien et même plus que bien tout en affirmant que cette nomination a été soufflée par la Conférence épiscopale argentine...

Le quotidien kirchneriste fait ce matin sa une avec cette nomination avec plus de bruit encore que lorsqu'il s'est agi de la nomination du nouveau Premier ministre et du remaniement gouvernemental (voir mon article du 19 novembre dernier). Avec un article de fond sur cette nomination, le journal ajoute un entrefilet sur l'appartenance de l'homme à la mouvance péroniste (sur le plan politique) et au fait qu'il est un supporter de River, grande équipe du nord patricien de Buenos Aires, reléguée il y a plusieurs années en division 2 (voir mon article du 27 juin 2011 au sujet de cette catastrophe nationale). Tout ça pour dire qu'il n'est pas supporter du San Lorenzo, comme on s'y serait attendu (2).

Página/12, qui traite le prêtre d'hétérodoxe (ce qui est manifestement faux, mais décidément Página/12 parle à tort et à travers sur la théologie et l'ecclésiologie), croit aussi voir dans cette nomination, et c'est contradictoire avec le reste, une certaine mainmise du Pape François sur les affaires intérieures de l'Argentine. Incorrigible ! (3) En illustration de son propos annexe, le journal publie même la très hideuse photo que le prêtre a visiblement prise lui-même avec son téléphone portable lors d'une audience qui lui a été accordée à Rome il y a quelques temps...

Enfin, Página/12 ne serait pas lui-même s'il n'y avait pas un jeu de mot dans le titre de l'article. Je vous l'explique : cura veut dire à la fois prêtre (et non pas curé, qui se dit parroquo) et cure (thérapie). La lutte contre les dépendances a un prêtre/a une thérapie. C'est un chouia facile mais c'est drôle tout de même...

Pour aller plus loin :


(1) Quel bazar ça devait être à l'intérieur pour les agents souhaitant travailler un tant soit peu efficacement !
(2) Le Pape est supporter du San Lorenzo. Et beaucoup de prêtres avec lui. Le San Lorenzo a été fondé comme une œuvre d'évangélisation prolétaire en 1908 par un prêtre salésien, le Père Lorenzo Massa.
(3) En août dernier, en discutant avec mes amis de gauche à Buenos Aires, j'ai remarqué la difficulté intellectuelle qu'avaient les plus virulents d'entre eux à imaginer que la population est effectivement et sincèrement attachée, dans sa grande majorité, à la religion catholique, qu'elle soit pratiquante ou pas très pratiquante. Cet attachement à des valeurs qui ne sont pas les leurs, ces péronistes de toutes tendances ne parviennent à les intepréter que comme le résultat d'un lavage de cerveau et d'un pouvoir manipulatoire attribué aux prêtres. Cette vision fantasmatique ne correspond pas du tout à la réalité sociologique, surtout dans une ville comme Buenos Aires (il suffit de mettre les pieds dans une église pour s'en rendre compte) mais impossible de leur en faire prendre conscience. A leurs yeux, l'Eglise est une puissance occulte qui manipule les esprits comme du temps de l'Inquisition.