YPF, l'entreprise
nationalisée qui gère et exploite désormais pour le compte de
l'Argentine les gisements pétroliers du sud du pays, vient de signer
un accord avec son ancien actionnaire majoritaire, exproprié par le
Gouvernement et le Congrès il y a bientôt deux ans, accord qui met
fin au long contentieux qui opposait depuis lors les deux sociétés
et les deux pays, car le gouvernement de Mariano Rajoy avait très mal réagi
à la nationalisation décrétée par l'ancienne colonie de l'Espagne
(1) (sur l'expropriation, voir mes articles du 17 avril 2012 et celui du 4 mai 2012).
Ce matin, c'est avec une
citation de Enrique Cadícamo, extraite du célèbre tango Los
Mareados, composé en 1942 par Juan Carlos Cobián, que Página/12
annonce la conclusion de l'accord : "Ce soir, tu vas passer dans
mon passé", l'une des plus belles phrases que s'échangent les amants
sur le point de se séparer.
¡Qué importa que se rían
y nos llamen los mareados!
Cada cual tiene sus penas
y nosotros las tenemos...
Esta noche beberemos
porque ya no volveremos
a vernos más...
Hoy vas a entrar en mi
pasado
en el pasado de mi vida
Enrique Cadícamo
Qu'importe qu'on rie
et qu'on nous appelle les
naufragés (2)
Chaque a ses chagrins
et nous avons les
nôtres...
Cette nuit, nous boirons
parce que plus jamais
nous ne nous reverrons.
Ce soir (3), tu vas passer
dans mon passé
dans le passé de ma vie
(traduction Denise Anne
Clavilier)
Et pendant que je rédige
cet article plusieurs heures avant de le publier, j'écoute en direct
sur la place Saint-Pierre de Rome la fin de l'audience générale :
pendant que le Pape salue les dignitaires de l'Eglise présents sur
la place, les musiques militaires, italienne et vaticane, jouent pour
faire patienter les pèlerins. En ce moment, surmontant le
bruissement de cette foule en liesse (malgré un ciel plutôt
menaçant), on reconnaît distinctement la mélodie de Por una cabeza
(4)... Arrangement tout en cuivres et en percussion, qui nous prouve
que les gendarmes adaptent leur répertoire à la personnalité du
Souverain Pontife (qui ne s'est jamais caché d'aimer le tango).
Pour aller plus loin :
lire l'article économique de Página/12 si les aventures pétrolifères vous passionnent.
Si, aux hydrocarbures et à
leurs querelles pécuniaires, vous préférez la musique, alors
rendez-vous sur Todo Tango, pour lire et écouter Los Mareados (et en
cherchant bien, vous trouverez aussi Por una cabeza dans cette vaste
musicothèque qui fait référence pour le tango dans le monde
entier).
(1) Il faut voir comment
ABC, le quotidien de la droite post-franquiste espagnole, parle de
Cristina de Kirchner. Propos vulgaires, violents, injurieux. On se
croirait revenu deux cents ans en arrière pendant la guerre
d'indépendance !
(2)
En fait, être mareado, c'est avoir mal au cœur, avoir le mal de
mer. Mais c'est intraduisible en l'état dans un tel contexte.
(3)
Textuellement hoy, c'est aujourd'hui, mais ce long mot de trois syllabes
casserait le rythme du vers.
(4)
De Gardel et Le Pera