La somptueuse Plaza San Martín de Lima (photo aérienne du Ministère de la Défense du Pérou) Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Au printemps 1798, à Toulon, un jeune lieutenant
d’infanterie de marine, José de San Martín, à tout juste
vingt ans, avait vu partir le général Bonaparte, de neuf ans son
aîné, à la tête d’une énorme flotte qui avait aussitôt fait
voile vers l’est. La destination de cette expédition restait
secrète mais il ne pouvait s’agir que d’une gigantesque
opération contre les Britanniques.
Le
20 août 1820, à Valparaíso au Chili, après plus de deux ans de
préparation ardue, San Martín prenait à son tour, contre un
autre empire, la tête d’une autre flotte beaucoup plus modeste,
puisqu’elle ne se composait que d’une quinzaine de bâtiments
difficilement rassemblés. Depuis 1814, San Martín ne
poursuivait qu’un seul objectif : faire tomber le dernier
bastion de l’empire colonial espagnol en Amérique du Sud afin
d’abolir la dernière vice-royauté encore en place et instituer à
sa place un État
péruvien souverain avec Lima pour capitale. San Martín avait
quarante-deux ans, comme son ami, le directeur suprême du Chili,
Bernardo O’Higgins, dont c’était ce jour-là l’anniversaire de
naissance et qui vint saluer l’expédition à son départ.
Avec cette expédition, les campagnes émancipatrices de San Martín deviennent une exceptionnelle synthèse de tout l’art
militaire de son époque rassemblée sur sept années :
- constitution d’une armée de terre et d’une marine de A à Z,
- traversée en armes d’une chaîne de montagne qui lui fit rejoindre les traversées mythiques d’Alexandre le Grand, d’Hannibal et de Bonaparte,
- bataille en colonnes d’assaut en moyenne montagne à Chacabuco le 12 février 1817,
- bataille en lignes en fond de vallée à Maipú le 5 avril 1818,
- expédition maritime (avec quelques combats navals à l’initiative du vice-amiral Cochrane),
- stratégie de siège pour mettre fin à la résistance royaliste de Lima
- et enfin, d'octobre 1814 jusqu’à juillet 1821, de formidables manœuvres de renseignement, de désinformation et d’intoxication de l’ennemi devenues légendaires en Amérique du Sud.
Article à la première page de la Gazette de Lausanne parue le 13 août 1819, un an avant le départ de l'expédition |
Les
opérations navales étaient confiées à un ancien officier
supérieur de la Royal Navy, un homme jeune, de belle prestance,
ambitieux et ombrageux, qui allait s’avérer d’une indiscipline
insupportable et d’une honnêteté plus que discutable. Il
s’appelait Thomas Cochrane et il était l’héritier du comté
écossais de Dundonald, qui, à la mort de son père, avec qui il
était fâché, lui permettrait de siéger à la Chambre des Lords.
Jusqu’à son départ pour le Chili, en 1818, l’expérience
politique de Lord Cochrane, comme il se faisait appeler, se limitait
à un mandat de député aux Communes où son caractère paranoïaque
lui avait mis à dos tous les élus du Royaume-Uni. Pour une sale
histoire de fraude boursière, après avoir été chassé de la
Marine pour son insubordination systématique, il avait même goûté
pendant un an à l’hospitalité des prisons de Sa Majesté.
Depuis
son arrivée au Chili en décembre 1818, il donnait déjà du fil à
retordre à San Martín, qu’il refusait obstinément de
reconnaître comme général-en-chef de l’expédition.
En
longeant la côte chilienne et le désert d’Atacama, l’expédition
navale mit trois semaines à atteindre sa destination. En envoyant en
tous sens ses lieutenants multiplier les engagements sur toute
l’étendue du littoral pour épuiser les troupes du vice-roi et les
démoraliser, San Martín mit un an à convaincre les Limègnes
de déclarer leur capitale ville ouverte et d’abandonner le régime
colonial pour prendre eux-mêmes en main leur destin national.
Composition de l'armée de libération du Pérou établie par le général argentin Geronimo Espejo dans un ouvrage publié à Santiago du Chili en 1868 Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le
général San Martín est donc le père-fondateur de l’actuelle
République du Pérou qui s’engage actuellement dans les
préparatifs de son Bicentenaire. Il reste à espérer que les
célébrations ne souffriront pas trop des malheurs du temps (1).
Composition de la flotte de l'Expédition tirée du même ouvrage Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Tous
les samedis à 21h, la télévision publique du Pérou propose
l’émission Modo Bicentenario
pour présenter les projets de tous ordres et les acteurs des futures
festivités. De nombreuses émissions de TV Perú sont disponibles sur YouTube.
(1)
Le Pérou est l’un des pays qui souffrent le plus de la pandémie.
On déplore beaucoup de morts, y compris parmi les médecins (déjà
plus de 125 victimes dans cette catégorie). Quant au système
sanitaire, il est dépassé par l’ampleur du phénomène et manque
de tout. Ce dont profitent des aigrefins, comme le prouve la
découverte hier d’un réseau de trafic de masques, blouses, gants,
visières, etc. de mauvaise qualité et surfacturés à la police
nationale qui tâche de protéger tant bien que mal ses
fonctionnaires.