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Hier, un mot d’ordre, qui ne provenait
officiellement d’aucune organisation politique identifiée,
appelait les Argentins à manifester contre la réforme judiciaire
sur laquelle le Sénat doit se prononcer aujourd’hui, en première instance (avant la Chambre), après qu’un
incident de procédure franchement ridicule ait eu lieu la semaine dernière en commission : celle-ci se déroulait
en ligne, à
travers Zoom, et
l’un des sénateurs, Esteban Bullrich, un
ancien ministre national de l’Éducation,
très à droite et serial-gaffeur,
a voulu faire croire qu’il était présent
en plaçant une photo de lui en fond d’écran tandis que lui-même vaquait à d’autres occupations
chez lui. Or, lorsque la présidence de
commission lui a donné la parole, le subterfuge est apparu en pleine lumière.
Depuis, le sénateur est une nouvelle fois la
risée de tout le monde, y compris dans son camp. A la suite de cette
énième gaffe,
qui met en évidence son manque d’intérêt
pour le débat et son intérêt financier dans l'exercice de ses fonctions (il faut participer à toutes les sessions pour
toucher ses indemnités, lesquelles sont fort généreuses),
il a eu le culot de se plaindre de ce
que la réforme allait être
votée sans que la commission et le Sénat
aient pris assez de temps pour écouter les
arguments de l’opposition. En
quelques mots, voilà
le contexte de la manifestation d’hier qui devait se prolonger en
une veillée et une matinée jusqu’à
aujourd’hui midi, devant le Congrès, à
Buenos Aires.
A
l’heure dite, vers 16h, il n’y avait qu’une cinquantaine de
personnes devant le parlement. C’était un tel
ratage que la vice-présidente, Cristina Kirchner, en
sa qualité de présidente du Sénat, a
demandé elle-même au ministre de la Sécurité de la Ville autonome
de Buenos Aires (de droite) de faire retirer les barrière installées pour
protéger les bâtiments.
A la nuit tombée, seule une poignée de
manifestants restaient sur la place.
La
Nación, qui titre son
article en
évoquant une mobilisation, laisse
vaguement entendre que la faute est au mauvais temps qui régnait
hier sur la capitale argentine. En effet, il pleuvait. Mais, bon !
la pluie n’a
jamais arrêté le pèlerin et à plusieurs reprises, on
a vu en Argentine des foules d’opposants
qui avaient l’air assez remonté pour ne
pas fuir sous les gouttes d’un 25 août
un peu frisquet…
La
déconfiture est telle que les unes des journaux mainstream
évitent même le sujet et que les photos qu’ils publient,
lorsqu’ils en publient, plutôt en pages
intérieures qu’en une, font bel
et bien apparaître l’échec
de la mobilisation, malgré des cadrages
carabinés qui
tâchent de masquer cette réalité.
C’est
d’autant plus étonnant que les journaux de droite jouent depuis
avant-hier sur un fait qui pourrait être ennuyeux, à
moins qu’il ne s’avère cousu de fil
blanc : le président, qui
était avant son élection
professeur à la UBA, refuse
de donner à l’Office Anti-corruption
(créé par Mauricio Macri), certaines
informations sur
ses anciennes
activités privées et ses clients (1).
Or, malgré le désir de ces journaux de
créer des difficultés à la majorité, la
mayonnaise du scandale ne semble pas prendre.
Ce matin, La
Nación tente de relancer
l’opération en
mettant l’information à sa une mais elle
se garde d’en faire un gros-titre. Elle
préfère se focaliser sur la province de San Luis (gouvernée par
une majorité supposée alliée à la majorité nationale), dont le
gouverneur interdit très strictement l’entrée sur le territoire,
au point d’empêcher à des familles qui résident à l’extérieur
de la province de visiter des proches en phase terminale de cancer ou
autres maladies hors Covid.
Bref,
la réforme de la Justice a de fortes chances de passer et devrait
permettre entre autres la création de plusieurs postes de juges
fédéraux (qui alternent dans les fonctions d’instruction et de
jugement) et l’égalité de traitement pénal devant les mêmes
instances entre tous ceux qui transgressent les lois, les hommes
d’affaires dits « cols blancs » et les crapules de la
truanderie ordinaire.
Pour
en savoir plus :
lire
l’article de La Prensa,
qui tâche bravement de donner le change en parlant de « banderazo »
(hyper-manifestation à grand renfort de drapeaux nationaux)
lire
l’article où Clarín
tente de convaincre ses lecteurs que la réforme rencontre une
opposition franche et massive
regarder
la galerie de photos proposée par Clarín
lire
l’article de La Nación
(1) Il est avocat. Ses
clients ont peut-être le droit que leur identité ne soit pas
révélée à des tiers.