Entre 250 et 300 Argentins et autres manifestants
(1)
ont répondu hier à l’appel du collectif scandalisé par la
conduite de Mauricio Macri. Sans doute les journaux argentins
s’attendaient-ils à un rassemblement plus fourni, sans tenir
compte du fait que l’immigration argentine n’est pas très
importante en France (sur le plan démographique en tout cas) et
qu’on est en plein été, à un moment donc où ceux qui ne
rentrent pas tous les ans passer leurs vacances au pays en janvier ou
février (en été donc) et ceux qui se doutent bien qu’il ne sera
pas facile de s’y rendre pour Noël ou le carnaval ont sans doute,
comme beaucoup de Franciliens, quitté la capitale pour gagner un
lieu de villégiature ailleurs en France ou dans les pays
frontaliers. L’angle d’attaque a donc changé depuis hier et la
fracture idéologique a resurgi presque comme avant.
Página/12
continue de stigmatiser le comportement de l’ancien mandataire (et
son correspondant en France, Eduardo Febbro, reprend la plume pour
compter 300 manifestants) tandis que Clarín
analyse la stratégie bêtement partisane du bureau, encore en place,
de Juntos para el Cambio (l’alliance électorale qui avait soutenu
Macri et que son aile dure continue de diriger malgré les grosses
vagues qui chahutent le bateau) et que La
Nación,
à travers son magazine people hebdomadaire ¡Hola!,
préfère parler des vagabondages parisiens supposés chics de la
famille en présentant une ville peu représentative et parfois
imaginaire (2)
et en s’attardant, comme toujours, sur les détails des tenues
estivales de l’ex-Première dame (alors que Buenos Aires grelotte
de froid – et je ne vous parle pas des régions plus au sud !).
Sur
la page d’accueil du site Internet du quotidien économique Ambito
(3),
on retrouve toutefois un article d’hier sur les inquiétudes de
Macri et sa réunion de la semaine dernière, avec ses porte-flingues
les plus dévoués : l’ordre du jour était de savoir jusqu’à
quel point la majorité actuelle (représentée par leur bête noire,
Cristina Kirchner) était informée des détails de l’instruction
menée contre lui. Après quoi, toujours d’après le journal des
milieux d’affaires, il a quitté le pays pour éviter d’y subir
les rudesses du confinement – c’est Ambito qui parle. Le pauvre ! La famille Macri possède d’immenses et coquettes propriétés où grands et petits, toutes générations confondues (car il est grand-père), ont largement de quoi se promener et faire du sport. Tout le monde y dispose, de surcroît, de tous les moyens de s'informer, de se divertir et de se
cultiver.
L’avenir
politique de Macri n’est donc pas aussi sombre qu’on pouvait le
penser hier. Ses partisans résistent encore.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Página/12
sur la réunion par Zoom de Macri avec le bureau politique de son
camp où les roquets de la droite ont mis au point une stratégie contre la
réforme de la justice (qui ne va évidemment pas dans le sens de
leurs intérêts politiques et privés immédiats)
(1)
Non pas selon la police et les organisateurs, comme nous aimons à le
dire par plaisanterie, mais selon la droite et la gauche (argentines,
cela va de soi).
(2)
On y voit un car de police stationné devant l’hôtel de luxe
choisi par les Macri et qu’ils ont dû quitter sous la pression de
l’opinion publique. Leur protection mobilise donc nos forces de
l’ordre qui sont déjà fort sollicitées, à tel point que bon
nombre de fonctionnaires ont vu leurs congés d'été annulés. Sur une autre page,
l’ancien président est photographié avec sa fille, sortant
visiblement d’une boutique Paul présentée aux lecteurs comme une grande
boulangerie traditionnelle (la légende de la photo indique même
l’année de fondation qu'on peut lire sur tous les points de vente du groupe) alors
que c’est une chaîne certes de bonne qualité mais tout ce qu’on
fait de plus industriel. Et voilà comment cette presse fait prendre
des vessies pour des lanternes à des Argentins qui n’ont pas les
moyens de venir voir par chez nous ce qu’il s’y passe vraiment et
qui rêvent à une vie plus insouciante en parcourant les pages de ce
machin.
(3)
C’est lui qui ne compte que 250 manifestants sur l’esplanade des
Droits de l’Homme au Trocadéro.