Le 27 août 1920, en Argentine, quatre hommes,
dont un certain docteur Enrique Telémaco Susini (1),
médecin oto-rhino-laryngologiste, ingénieur, pionnier du cinéma et
polyglotte, tous quatre passés dans la légende dans leur pays (2),
se sont postés sur le toit-terrasse du Teatro Coliseo. Ainsi perchés
au-dessus de la ville de Buenos Aires, ils réalisèrent ce soir-là
la première émission de radiophonie : un direct depuis la
salle en-dessous, où l’on jouait Parsifal,
l’opéra de Richard Wagner. Par la suite, on les a surnommés los
locos de la azotea (les fous de la
terrasse).
Sur
un toit voisin, un émetteur avait été installé auquel ils
confièrent le signal en provenance de la salle.
Ce
soir-là, naissait, à travers une annonce d’une vingtaine de mots
prononcés au micro par Enrique Susini lui-même, la Sociedad Radio
Argentina, ancêtre de l’actuelle Radio Nacional. Et Susini
travailla par la suite à bricoler lui-même des postes récepteurs
avec de la ferraille que ses frères lui récupéraient en parcourant
les quincailleries de la ville.
Une des pages culturelles de Página/12 |
Deux
ans plus tard, le gouvernement de Londres fondait la BBC, première
radio à émettre en Europe, laquelle était rapidement imitée sur
tout le Vieux Continent ainsi qu’aux États-Unis.
Plus tard encore, Susini fut parmi ceux qui encouragèrent en
Argentine la mise en place et le développement de la télévision,
avec cette fois-ci un peu de retard sur les États-Unis
et l’Europe atlantique.
Aujourd’hui,
l’Argentine fête donc, et avec quelle fierté en ce moment
tragique de son histoire (3) !,
le Día de la Radio
avec toute la solennité qui convient à un tel centenaire. Ce soir,
depuis la terrasse du bâtiment historique, Radio Nacional réalisera
une émission spéciale.
Les
quotidiens consacrent à cette date symbolique des cahiers entiers et
ils ont placé l’information en bonne position sur leur une du
jour.
Pour
aller plus loin :
Seule La Prensa n'a rien publié encore à cette heure sur son site Internet
Pour
l’occasion, Radio Nacional a créé un très beau site Internet
dédié à ce centenaire. A voir absolument !
(1)
Fils de médecin, Susini était allé étudier à Vienne. C’était
le premier médecin de cette spécialité qui ait la nationalité
argentine. Dans l’entre-deux-guerres, il a soigné le grand
chanteur lyrique italien Enrico Carruso ainsi que Carlos Gardel,
entre autres prestigieux points de son impressionnant curriculum
vitae. Susini est mort en 1972.
(2)
Bizarrement, ce n’est pas vraiment la même chose ailleurs !
Curieux, non, cet esprit néocolonial, qui ne supportait pas et ne
supporte toujours pas qu’il puisse y avoir des avancées techniques
considérables en dehors de l’Europe et des États-Unis ?
En français, sur Internet, vous trouverez plus facilement la date de
1922 que celle du 27 août 1920 !
(3)
L’épidémie ne faiblit pas. Le phénomène est assez difficile à
comprendre. Un bébé, infecté par le covid, vient encore de perdre
la vie et pour la première fois, le nombre de cas diagnostiqués
dans le pays dépasse la barre symbolique des 10.000 personnes.