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"Avec le souvenir pour drapeau", dit le gros titre Toute la presse était d'accord vendredi pour reconnaître que la manifestation était un succès de fréquentation Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Jeudi dernier, le 24 mars,
l’Argentine célébrait comme tous les ans le souvenir des victimes
de la dernière dictature militaire, au jour anniversaire du coup
d’État de Videla, en 1976.
Après deux ans de confinement ou
semi-confinement, les actes publics retrouvaient enfin les places des
grandes villes. A Buenos Aires, les militants se sont retrouvés sur
Plaza de Mayo, là où les mouvements d’opposition à la junte
militaire s’étaient constitués dès la première année de la
dictature.
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En haut, la guerre en Ukraine En bas : "Máximo se régale" sur cette photo du défilé qu'il a conduit à la tête de sa formation, La Cámpora, qui organise la jeunesse kirchneriste (très critiquée pour ses nombreux aspects sectaires) Cliquez sur l'image pour une plus haute résolution |
Ce qui aurait dû se concentrer
en une manifestation digne et glorieuse, symbole de la victoire de
l’État de droit sur l’arbitraire et la violence politiques, a
débouché sur la mise en lumière éclatante (et assez peu digne) de
la division à l’intérieur de la majorité péroniste entre des
partisans de la politique actuelle et, autour de Máximo Kirchner et
de sa mère, Cristina, qui occupe le second poste de la République
(elle en est l’actuelle vice-présidente), d’une opposition
interne radicalisée, hargneuse, arrogante et particulièrement
sectaire qui a mis à profit tout le week-end (jeudi était un jour
férié) pour accumuler les déclarations agressive contre l’actuel
président (dont plusieurs attaques ad
hominem) et son
accord, pourtant si difficilement négocié, avec le FMI en vue de
rééchelonner la dette gigantesque contractée par l’Argentine
sous le précédent gouvernement, libéral et plutôt antisocial,
censé représenter l’antithèse de leur projet de société. Máximo Kirchner s'en est même pris à l'ensemble des habitants de Buenos Aires, les accusant de voter pour des négationnistes des crimes de la dictature, ce qui a mis en colère le chef de la majorité portègne (droite libérale) puisqu'il est lui-même le fils d'une victime de ces crimes.
Patiemment, tout au long de ces
quatre jours, le président Alberto Fernández a tendu la main à
cette partie de la coalition de gauche qui l’a porté au pouvoir il
y a deux ans et demi. Il a multiplié les offres de paix au nom de
l’avenir d’une politique de gauche et de l’avenir du pays
lui-même. Des appels à un peu de calme et plus de raison. En pure
perte. Ce qui nourrit bien entendu l’opposition de droite :
elle se régale de ce spectacle désastreux et qui risque de mettre
le pays en difficulté dans la crise multiple qu’il traverse.
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"Le christinisme défile pour affirmer son pouvoir et accentue sa bagarre contre le Président" dit le gros titre au-dessus de la photo du bâtiment russe atteint par un projectile ukrainien Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Máximo et sa mère ont donc
délibérément déterré la hache de guerre contre le président et
ses soutiens et ils montrent qu’ils ne sont prêts à aucun
compromis, à aucune négociation, au risque de faire repasser la
droite dans deux ans. Ils préfèrent visiblement revoir la droite au
pouvoir à la perte de leur position d’influence dans la
configuration actuelle où leur réputation de sectarisme, développée
par la campagne électorale l’hiver dernier, leur a déjà valu de
perdre la majorité au Sénat. Une lamentable histoire de fous !
Il n’est pas impossible que ce
qui a fait finalement déborder leur fureur soit la rupture politique
de l’Argentine avec Poutine quelques jours après le début de
l’invasion de l’Ukraine et juste après le vote au Congrès de
l’accord avec le FMI, obtenu avec une marge confortable pour le
gouvernement.
Ils n’auront pas digéré ce
double désaveu de leur politique passée consistant à faire ami-ami
avec Poutine et à considérer irrémédiablement comme ennemi le
Fonds Monétaire International.
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La Nación a traité le défilé en titre secondaire (en haut, sous le titre, à droite) En gros titre : "La Cámpora condamne l'accord avec le FMI et a de nouveau pris ses distances avec le Gouvernement" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Pendant ce temps, le ministre de
l’Économie
argentin, Martín Guzman, était en France pour négocier avec le
Club de Paris. C’est donc à l’Ambassade qu’il a présidé
l’hommage aux victimes du terrorisme d’État, loin de la fureur
portègne… Le lendemain, Clarín
et La Nación
publiaient des interviews du ministre enregistrées dans la résidence
de l’Ambassadeur, non loin de l’Arc de Triomphe. Pas Página/12 !
© Denise Anne Clavilier
Pour aller plus loin :