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Comme le plan renouvellement des réfrigérateurs ("canje heladeras") lancé en décembre relève d’un vrai succès (l’ensemble des appareils familiaux proposés par le plan a déjà été intégralement vendu), le Gouvernement argentin lance un second volet, comme annoncé là aussi, concernant cette fois-ci d’autres appareils électroménagers. C’est le Plan Canje Linea Blanca. Les Argentins vont pouvoir changer, sous certaines conditions, leur vieux chauffe-eau à brûleurs (au gaz ou au gasoil), qu’on appelle là-bas calefón, leur vieux chauffe-eau électrique (termotanque), leur lave-linge (lavarropa) et leur cuisinière (cocina).
Tous ces appareils appartenant à la gamme du blanco (blanc, rien à voir dans les pays hispaniques avec le linge de maison comme en français) pourront être acquis à crédit, avec un plan de remboursement établi en 12 mensualités fixes pour un taux d’intérêt de 11% (dans un pays où l’inflation annuelle atteint les 20 à 25% depuis de nombreuses années).
Les calefónes (c’est un mot "bien, bien, bien, bien tanguero", je vous explique pourquoi à la fin d’article, mais vous avez peut-être déjà compris en lisant la Une de Página/12 en illustration de ce papier) seront tous des modèles d’une capacité de chauffage de 12 litres à la minute sur 4 marques parfaitement inconnues de ce côté-ci de l’Atlantique (Universal, Volcán, Longvie et Orbis). Les Argentins les payeront 636 pesos ($) TTC (c’est précis, non ?).
Les termotanques des mêmes marques coûteront 686 $ (c’est plus cher, il faut dire que produire et distribuer de l’électricité en Argentine, c’est assez complexe, comme on l’a vu lors du coup de chaleur printanier sur Buenos Aires en novembre).
Les gazinières (cocinas) sont des appareils quatre feux (hornallas) de base, sans auto-nettoyage (autolimpiantes) ni allumage assisté (incendido) : les bonnes vieilles allumettes et l’huile de coude. Ces cuisinières seront disponibles dans les marques Escorial, Volcán, Domeq, Longvie et Patrick, pour un montant à l’achat allant de 849 à 895 $.
Les prix des lave-linge (lavarropas), proposés par trois marques (Longvie, Alario et Gafa), sont fixés de 852 à 1128 $ TTC.
Ces montants à l’achat représentent un rabais sur le prix du marché qui va de 11% à 50%, selon les produits et les marques. Ils ont été établis à travers une négociation entre fabricants, distributeurs, et syndicats de travailleurs (la très péroniste CGT en tête) et, du côté gouvernemental, la ministre de la Production et le ministre du Commerce extérieur (à cause du Brésil), le tout chapeauté par le premier ministre, Sergio Massa (dont le vrai titre argentin est Jefe de Gabinete). L’annonce à la presse a donc été faite en présence des membres du gouvernement et des représentants des différentes institutions participantes à la négociation (dont l’inénarrable Moyano, le Secrétaire Général de la GCT, qui figure sur la Une dans le titre principal, dans un montage photographique où Página/12 lui a donné l’allure d’un concurrent du récent rallye Dakar : Moyano s’apprête à entrer dans la bagarre des négociations sur les salaires).
Au cours de l’opération frigo, qui a validé les principes du Plan Canje Linea Blanco, tout s’est passé en accord avec les règles. On a juste observé que certains commerçants participants à l’opération ont essayé de détourner leurs clients d’acheter un réfrigérateur éligible au plan dans l’espoir de pouvoir leur vendre des produits plus chers et/ou importés du Brésil. Mais ces manoeuvres n’ont pas empêché le stock fabriqué dans le cade du plan de partir comme des petits pains... donc on ne change pas une formule qui gagne. Comme pour les frigo, il ne sera pas possible aux acheteurs adhérant au plan gouvernemental de conserver par devers eux leur vieux matériel (pour le revendre, le donner, le laisser au chiffonnier de passage...). Que nenni ! Le vieil appareil devra être désinstallé et récupéré par un professionnel dûment habilité à cet effet et sera recyclé dans les règles de l’art et de manière officielle. Coût de la désinstallation : 70 $ et coût de l’installation : 130 $.
Le plan lutte ainsi aussi contre le travail au noir, les bricolages électriques ou gaziers qui s’avèrent parfois, trop souvent, dangereux dans les quartiers populaires, et agit pour un développement écologiquement durable. Le montant de la désinstallation et de l’installation du nouveau matériel est compris dans le prix total échelonné sur 12 mois. Ce qui revient à des mensualités nettes (capital, intérêts et livraison) de 73 $ pour un calefón, 78 pour un termotanque, de 92 à 96 pour une cocina et de 92,7 (montant seuil) pour un lavarropa...
Comme il n’y a pas de médaille sans revers, c’est aussi autant de travail qui n’est pas accessible aux nombreux chiffonniers qui sillonnent les villes, récupèrent tout ce qui peut être récupéré et gagnent ainsi leur croûte en revendant tous ces matériaux dûment triés. Le tout généralement au noir bien sûr. Encore que depuis plusieurs années, un bon nombre de chiffonniers se sont organisés en coopératives qui fonctionnent comme des entreprises normales, ayant pignon sur rue. Ce qui a notablement amélioré le mode de vie et la situation économique de ces personnes qui sont parmi les plus pauvres d’entre les pauvres...
La Présidente, qui a fait elle-même l’annonce de ce second volet depuis sa résidence officielle de Los Olivos, à l’abri de la chaleur par trop étouffante de la capitale, en a profité pour dire son désaccord avec le raisonnement d’autres pays qui entendent relancer par l’investissement au profit des grandes entreprises et des fonds propres bancaires (on se demande à qui elle pense !). Elle a plaidé dans son discours pour un ferme et constant soutien à la consommation car seul ce type de relance, dit-elle, prend en considération le tissu commercial et industriel local (elle n’est pas péroniste pour rien, cette dame !). Un plan comme celui de son gouvernement apporte donc, selon son analyse, un réel bénéfice à tous les acteurs de la chaîne économique : les ménages, les distributeurs et les industriels (locaux) tout en soutenant l’emploi. L’ensemble de ces initiatives consacrées à la consommation consomme un budget public de 13 200 millions de pesos argentins.
Et maintenant pourquoi n’ai-je pas su résister à la tentation de mettre en illustration de cet article cette magnifique Une de Página/12 ? A cause d’un titre secondaire, dans le bandeau supérieur : "La Biblia y el calefón"... qui est une citation... de tango. Si ! Et quel tango ! Cambalache, de Enrique Santos Discépolo. 1934. Où le comédien-poète et compositeur décrit le monde de la crise de 1929 comme un gigantesque dépôt-vente, une brocante (cambalache en Argentine) débordante de tout un bric-à-brac de valeurs et de contrevaleurs morales, d’idolâtries tous azimuts et sans discernement, un boxon innommable, un bazar sans queue ni tête, où une poule ne retrouverait pas ses petits et où
"blessée par un sabre dont la poignée se dévisse, tu vois pleurer la Bible tout contre un chauffe-eau"
(traduction Denise Anne Clavilier)
herida por un sable sin remaches / ves llorar la Biblia / contra un calefón...
On dit que les Portègnes ont fait de cette féroce et juste catilinaire l’hymne emblématique de leur ville !
Alors on se l’écoute ! Grâce à Todo Tango comme d’ordinaire... Que ferait-on sans Todo Tango !
En cliquant sur ce lien, qui vous conduit tout droit sur une interprétation en public d'Adriana Varela, sous la direction musicale de Esteban Morgado (à la guitare), dans un disque Melopea (Tango en vivo).
Pour ceux qui veulent aller plus loin (en espagnol) : les articles de Página/12 du 30 janvier et de Clarín (même date).
L’article de Barrio de Tango sur le "Plan Canje Heladora" de décembre dernier (Plan de relance pour l'Argentine : suite)
Tous les articles sur l’économie (lien que vous pouvez trouver aussi dans la colonne de droite de ce blog)
Tous les articles sur la vie politique en Argentine au niveau fédéral (nacional,dit-on en VO)
Tous les articles de Jactance & Pinta (cette rubrique porte sur toutes les particularités de la langue portègne à l’usage des francophones et de la langue populaire française pour les lecteurs argentins et uruguayens de ce blog en français sur l’actualité du tango argentin et son contexte)
Tous les articles sur Enrique Santos Discépolo
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