samedi 8 mars 2014

Le 17 Santa Marta, le 19 l'Elysée et le 20 le Salon du Livre de la Porte de Versailles [ici]

Semaine chargée pour la Présidente argentine d'ici quelques jours : après s'être rendue à l'ouest, à Santiago du Chili, pour l'installation de Michelle Bachelet à la Moneda, cap à l'est, en direction de l'Europe, pour Tango 01, l'avion officiel argentin.

L'entrevue au Vatican en manchette à gauche
et le chef d'œuvre supposé du Palais Royal en vedette avec une photo couleur !

Escale le 17 mars à Rome pour une audience privée à la Maison Sainte Marthe où réside le Pape François avec lequel elle déjeunera à 13h. Le Pape a en effet fait annoncer, en décembre, un voyage en Argentine mais seulement en juillet 2016 (voir mon article du 19 décembre 2013), or Cristina ne sera plus chef d'Etat à cette date-là puisque son second mandat s'arrête constitutionnellement en décembre 2015. On murmure qu'elle compense ainsi la déception de n'être pas sur les photos du "retour" du pape argentin sur le sol national...
Elle enchaînera ensuite avec une visite d'Etat à Paris, avec déjeuner à l'Elysée le 19 et inauguration du Salon du Livre à la Porte de Versailles le 20, en compagnie de Jean-Marc Ayrault, puisque l'Argentine est l'invitée d'honneur du salon à l'occasion du centenaire de Julio Cortázar, qui a vécu à Paris ces dernières années, des années très remuantes.

Ce matin, tous les journaux traitent de l'audience pontificale, avec des commentaires plus ou moins gauchisants (Página/12), méprisants (Clarín) ou acides (La Nación - sous une autre plume que celle de Elisabetta Picqué ou de Sergio Rubín, deux de ses journalistes solides sur ces sujets, le quotidien en remet une couche acrimonieuse sur le retournement de la Présidente, qu'il n'attribue qu'à un bas calcul politique, et le soi-disant refus, pourtant démenti par la Conférence épiscopale argentine dès le 3 avril 2013, de la Présidente de recevoir le cardinal Bergoglio à la Casa Rosada) (2), cette même Nación qui ajoute, en une, un article sur ce qu'il y a de plus futile dans l'hommage rendu à Paris à l'écrivain argentin à l'occasion du Salon du Livre : l'installation sur la place du Palais Royal de quelques gigantesques marelles (probablement incompréhensibles pour les Parisiens qui ignorent tout à fait la signification de ce décor incongru) (3), tout ça dans le soi-disant but de rappeler l'un des plus grands romans de l'écrivain, Rayuela, où Cortázar emmêle les deux capitales, Paris et Buenos Aires. Quelle faribole ! Et l'on voit Hernán Lombardi, actuel ministre de la Culture de la Ville de Buenos Aires, jouant à la baballe magenta avec les peintres argentins Seguí et Minujín toute de rose vêtue.

Quoi de plus consternant, surtout en pleine campagne électorale municipale en France, que ces mondanités qui minaudent à la mords-moi le nœud dans les beaux quartiers – mais à Paris, c'est d'un chic ! Où est passé l'écrivain puissant et révolté, fichtrement castriste, qu'était Julio Cortázar, dans cette niaiserie ? En plus, ça a dû coûter un gros paquet de fric, ces collages roses au bord de la rue de Rivoli, entre le Conseil d'Etat et le Louvre ! C'est sans doute à cela que passent les impôts locaux en hausse constante à Buenos Aires, et le pourquoi du comment du montant du prix du ticket de métro, pardon du boleto de subte...

Dans le genre gaudriole, Clarín n'est pas en reste, qui traite dans son supplément féminin, au rayon Bien-être (sic), de la création d'une page Facebook italienne de remerciements au Pape François à l'occasion, très prochaine, du premier anniversaire de son élection (13 mars). Il faut se pincer pour y croire !

Capture d'écran sur le site Web de Clarín. Il faut le voir pour le croire...

Et c'est d'autant plus enrageant que si la presse d'opposition voulait faire son travail sur toute cette séquence, ce ne serait pas très difficile d'attaquer l'actuel gouvernement sur le choix ultra-partisan des écrivains qu'il envoie à Paris, au salon de la Porte de Versailles. Qu'ils aient ou non du talent (et certains en ont beaucoup), ce sont tous des électeurs de Cristina. Or toute l'intelligentsia argentine n'est pas unanimement derrière elle. Il y a plein d'artistes de valeur à d'autres endroits du spectre politique. On pourrait imaginer que ces rédactions réclament une vraie représentativité, dans la diversité du paysage littéraire et intellectuel national.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur le déjeuner prévu avec le Pape
lire l'entrefilet de Clarín sur le même sujet
lire l'article de Clarín sur la page Facebook de reconnaissance au Saint-Père
lire l'article de La Nación sur la visite présidentielle au Vatican
lire l'article de La Nación sur les onéreuses simagrées de la place du Palais Royal.


(3) Et il y a sans doute dans ce changement d'attitude une décision politique mais il y a aussi de la sincérité, comme on l'a vu à  plusieurs reprises dans l'enthousiasme spontané qu'elle a manifesté à Rio de Janeiro (voir mon article du 29 juillet 2013) et l'humour dont elle avait déjà fait preuve pour la fête des Apôtres Pierre et Paul en juin dernier (voir mon article du 6 juillet 2013 - une lettre vraiment très drôle et que La Nación n'avait pas appréciée du tout).
(2) Voir mon article du 5 avril 2013 sur ce ferme et très rapide démenti apporté par la CEA elle-même. Cette manœuvre de La Nación, c'est vraiment de la désinformation et de la manipulation de l'opinion publique. Ils sont indécrottables.
(3) Et même pire, car ça doit inspirer aux passants des commentaires aigres du genre : "ils ne nous ont pas assez em... avec leur saleté de colonnes de Buren ? il faut encore qu'ils nous colorisent le pavé !"