L'impressionnante manifestation d'hier à la hauteur du croissement Avenida de Mayo-Perú |
Vingt-cinq
peuples amérindiens de dix-sept Provinces argentines ont tenu à
Buenos Aires un sommet de trois jours, du 27 au 29 mai 2015, pour
faire le point sur leur situation dans la République et mettre au point une stratégie de lutte pacifique pour la reconnaissance de leurs droits. En effet, les
difficultés ne manquent pas pour eux et les réactions racistes de la part des autres Argentins, les
discriminations, les querelles sur la jouissance de telle ou telle
partie du territoire pour des raisons sordides la plupart du temps subsistent
malgré la démocratisation des institutions politiques du pays.
Peu
nombreux sont les journaux à avoir mentionné l'événement malgré la
marche très spectaculaire que les délégués ont effectuée hier dimanche sur Avenida de Mayo entre Plaza del Congreso et Plaza de Mayo afin de remettre au Gouvernement une déclaration commune. Mais les
manifestants n'ont pas été reçus à la Casa Rosada. Ils
n'ont pas même pu la déposer à la réception de l'accueil
(il est vrai qu'on était dimanche mais un gouvernement travaille
tous les jours, surtout en période électorale).
Cette
déclaration finale est reprise, en substance ou en intégralité,
par plusieurs journaux en ligne ou imprimés (et dans ce cas, il
s'agit d'une presse protestataire appartenant à des courants
anti-mondialistes et révolutionnaires de gauche). Seul journal
national à se faire écho de la manifestation : Página/12 et
ce malgré le caractère très critique de la déclaration finale
vis-à-vis du gouvernement en place, que Página/12 soutient. Il est très intéressant de constater que les journaux de l'opposition n'ont pas cru bon de relayer la manifestation pourtant hostile au Gouvernement en place. Comme quoi, ils ont l'opposition à géométrie variable.
Dans
cet événement politique, la communauté Qom de la province de Formosa tient un
rôle leader en termes de communication (voir mon article du 26 juin 2013 sur l'audience donné par le Pape à Felix Díaz, leader de la communauté, en grave contentieux avec le Gouverneur de la Province).
Photo de groupe de tous les délégués |
Extraits :
Nosotros,
las autoridades de 25 pueblos indígenas provenientes de 17
provincias del país, reunidos en esta Cumbre
Nacional de los Pueblos Indígenas, enviamos un saludo fraternal a
todas las hermanas y hermanos indígenas del país y de toda América.
Asimismo enviamos un fraternal saludo a todo el pueblo argentino que,
en gran parte, también sufre las consecuencias de un modelo
económico nosustentable.
Este
modelo económico, conocido desde los años 90 como el capitalismo
neoliberal, es un modelo occidental, hoy globalizado. Ha resultado en
una profundización sin precedentes de la desigualdad y el
empobrecimiento, la violación de los derechos humanos, la
incapacidad del sistema judicial, la explotación y saqueo de los
llamados “recursos naturales” (biodiversidad para los pueblos
indígenas) y, por consecuencia, el destrozo del medio ambiente, la
salud humana y el patrimonio cultural. Todo esto atenta contra el
equilibrio y la vida armónica de la Madre Tierra y todos los seres
vivientes que habitan en este planeta.
Venimos
desde nuestros territorios ancestrales para manifestar que seguimos
vivos como pueblos y culturas indígenas, para dejar una vida en base
a nuestros principios y valores a las próximas generaciones. Venimos
con nuestra memoria ancestral, ella nos da la posibilidad de rescatar
nuestros conocimientos tradicionales. Es desde la memoria donde nos
conectamos con el pasado, con el presente y con el futuro, sabemos de
dónde venimos, quienes somos y también hacia dónde vamos.
Rescatamos nuestra propia historia, educación autónoma, medicina
tradicional, derecho consuetudinario, idioma, el mandato ancestral
transmitido de generación en generación. La memoria es la base de
la identidad de un pueblo que se ha conservado por miles de años.
Cumbre
nacional de los Pueblos Indígenos, 27-29 mayo 2015
Nous,
les responsables de 25 peuples indigènes provenant de 17 provinces
du pays, réunis en ce Sommet national des Peuples Indigènes,
adressons un salut fraternel à toutes les sœurs et tous les frères
indigènes du pays et de toute l'Amérique. De même nous adressons
un salut fraternel à tout le peuple argentin qui, en grande partie,
souffre lui aussi des conséquences d'un modèle économique
non-durable.
Ce
modèle économique, connu depuis les années 1990 comme le
capitalisme néolibéral (1), est un modèle occidental aujourd'hui
mondialisé. Il a débouché sur un approfondissement sans précédent
de l'inégalité et de l'appauvrissement, la violation des droits de
l'Homme, la paralysie du système judiciaire, l'exploitation et le
pillage de ce qu'on appelle ressources naturelles (biodiversité pour
les peuples indigènes) et par conséquent la destruction de
l'environnement, la santé humaine et le patrimoine culturel. Tout
cela est un attentat contre l'équilibre et la vie harmonieuse de la
Mère-Terre et tous les être vivants qui habitent cette planète.
Nous
sommes venus de nos territoires ancestraux manifester que nous sommes
toujours vivants comme peuples et cultures indigènes, laisser aux
prochaines générations une vie fondée sur nos principes et nos
valeurs. Nous sommes venus avec notre mémoire ancestrale, c'est elle
qui nous donne la possibilité de sauvegarder nos connaissances
traditionnelles. C'est avec notre mémoire que nous nous connectons
au passé, au présent et au futur, nous savons d'où nous venons,
qui nous sommes et aussi vers où nous allons. Nous sauvegardons
notre propre histoire, une éducation autonome, une médecine
traditionnelle, un droit coutumier, une langue, un mandat ancestral
transmis de génération en génération. La mémoire est le
fondement de l'identité d'un peuple qui s'est préservé depuis des
milliers d'années.
(Traduction
©
Denise Anne Clavilier)
Manifestamos
que:
1)
Estamos dispuestos a seguir luchando y afirmando nuestros valores y
derechos ancestrales, defendiendo cualquier violación de nuestros
pueblos y derechos, y protegiendo a nuestras tierras y territorios.
2)
Durante décadas hemos tratado de establecer un diálogo con el
Gobierno Argentino, para que se respeten nuestros derechos,
reconocidos en el Derecho Internacional Público y consagrado en la
Constitución Nacional, Constituciones Provinciales y diversas leyes
nacionales y provinciales; sin embargo, esta solicitud de diálogo
no ha sido nunca correspondida, mientras que se llevan a cabo grandes
violaciones de dichos derechos.
3)
En los últimos 10 años, decenas de hermanas y hermanos han sido
asesinados por las balas de la policía, los mercenarios y los
terratenientes que asaltan nuestros territorios. Mas de mil hermanas
y hermanos están siendo judicializados por defender sus territorios
y la Naturaleza. Hay represión, intimidación y un plan sistemático
de judicializar nuestra resistencia y la protesta de nuestros
luchadores que defienden la vida, nuestros territorios y la Madre
Tierra.
Cumbre
nacional de los Pueblos Indígenos, 27-29 mayo 2015
Nous
faisons valoir que :
1) Nous
sommes disposés à continuer la lutte et à affirmer nos valeurs et
droits ancestraux, à défendre toutes les violations de nos peuples
et de nos droits, et à protéger nos terres et nos territoires.
2) Pendant
des décennies, nous avons tenté d'établir un dialogue avec le
Gouvernement Argentin pour que soient respectés nos droits, reconnus
par le Droit Public International et consacrés par la Constitution
nationale, les Constitutions provinciales et diverses lois nationales
et provinciales et pourtant cette demande de dialogue n'a jamais été
reçue et pendant ce temps de graves violations de ces droits sont
commises.
3) Ces
dix dernières années (2), des dizaines de sœurs et de frères ont
été assassinés par les balles de la police, les mercenaires (3) et
les propriétaires terriens qui assaillent nos territoires. Plus de
mille sœurs et frères ont été traduits en justice parce qu'ils
défendaient leurs territoires et la Nature. Il existe une
répression, des intimidations et un plan systématique pour
criminaliser notre résistance et les manifestations de nos militants
qui défendent la vie, nos territoires et la Mère Terre.
(Traduction
©
Denise Anne Clavilier)
Suit
dans l'article 4 la liste très longue des traités, lois et autres
engagements nationaux ou internationaux que les institutions
argentines ne respectent pas ou n'appliquent pas dès qu'il s'agit
des peuples originaires.
5)
Consideramos que la forma de solucionar los problemas es a través
del diálogo para todo proceso de construcción política, proyecto
de ley o actividad nacional y el respeto por los principios
democráticos básicos reconocidos a nivel internacional o sea:
a)
La consulta con los pueblos indígenas para cualquier proyecto del
llamado desarrollo respetando nuestras estructuras, autoridades y
tiempos;
b)
La participación plena y efectiva, respetando el proceso de llegar
al consenso;
c)
El libre consentimiento informado previo, con el derecho de decir
“no” en caso de no estar de acuerdo.
Cumbre
nacional de los Pueblos Indígenos, 27-29 mayo 2015
5) Nous
considérons que la résolution des problèmes passe par le dialogue
pour tout processus de construction politique, projet de loi ou
activité nationale et le respect des principes démocratiques
élémentaires reconnus au niveau international, c'est à dire :
a) la
consultation avec les peuples indigènes pour n'importe quel projet
du soi-disant développement qui respecte nos structures, nos
responsables et nos échéances ;
b) la
participation pleine et effective, en respectant le processus qui
mène au consensus ;
c) le
libre consentement recueilli au préalable et le droit de dire non
dans les cas où nous ne sommes pas d'accord.
(Traduction
©
Denise Anne Clavilier)
6)
Durante estos tres días, escuchamos dramáticos testimonios de
hermanas y hermanos sobre la situación de injusticia que se vive en
los territorios. Deliberamos para unificar criterios, buscar
soluciones y proponer acciones sobre
los temas que deben ser considerados con urgencia, como ser: la
violación de los derechos humanos, el despojo de nuestros
territorios, la exploración y explotación convencional del petróleo
y el Fracking, la minería, los desmontes, la contaminación, el
avance sojero, las represas hidroeléctricas, la falta de atención
sanitaria y otros temas críticos.
Cumbre
nacional de los Pueblos Indígenos, 27-29 mayo 2015
6) Durant
ces trois jours, nous avons entendu des témoignages dramatiques de
sœurs et de frères sur la situation d'injustice que l'on vit sur
les territoires. Nous avons délibéré pour unifier nos critères,
chercher des solutions et proposer des actions sur les thèmes qui
doivent être pris en considération de façon urgente, tels que :
la violation des droits de l'Homme, l'expulsion de nos territoires,
l'exploration et l'exploitation conventionnelles de pétrole et la
fracturation, les mines, les excavations, la pollution,
l'avancée de la culture du soja, les barrages hydroélectriques, le
manque de soins sanitaires et autres thèmes critiques.
(Traduction
©
Denise Anne Clavilier)
La manifestation arrive sur Plaza de Mayo et tourne à droite pour longer le Cabildo (bâtiment blanc) et passer devant le ministère de l'Economie (AFIP) |
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 du 27 mai 2015
lire
l'article de Página/12 d'hier soir (non repris dans l'édition de ce
matin)
lire
l'article de El Comercial (journal de la province de Formosa)
lire
la déclaration complète dans Resumen Latinoamericano, le blog Librerita, le site Internet de l'organisation Gajat.
Consulter
la page Facebook de la communauté Qom de Formosa.
Sur les peuples originaires en Argentine, il existe une très bonne base de données télévisuelles sur Canal Encuentro. A visionner (attention : tout est en espagnol, bien entendu).
Sur les peuples originaires en Argentine, il existe une très bonne base de données télévisuelles sur Canal Encuentro. A visionner (attention : tout est en espagnol, bien entendu).
(1) Ces années et cette politique correspondent en Argentine aux deux mandats successifs de Carlos Menem qui ont précipité le pays dans la faillite financière de Noël 2001.
(2) Dénonciation en règle du gouvernement kirchneriste qui depuis deux ans célèbre en permanence la década ganada (la décennie victorieuse), qui couvre tout le mandat de Néstor Kirchner et les cinq premières années de Cristina.
(2) Dénonciation en règle du gouvernement kirchneriste qui depuis deux ans célèbre en permanence la década ganada (la décennie victorieuse), qui couvre tout le mandat de Néstor Kirchner et les cinq premières années de Cristina.
(3)
Il s'agit des vigiles et autres bandes armées qui protègent
différents intérêts économiques souvent d'initiative privée
(agriculture) ou en régime de concession régie par l'Etat (énergie
ou infrastructures), comme c'est le cas d'un bon nombre de barrages
hydrauliques, de forages, de plantations, de pâturages (industrie
lainière), d'antenne-relais, de résidences campagnardes, voire de
quartiers privés, etc. La production d'électricité, de gaz et de
pétrole est un enjeu très important pour le développement
économique en Argentine. L'énergie est en sous production au regard
des besoins énormes des villes et des campagnes, dans un pays
consommateur de chauffage (dans le sud) et de climatisation (dans le
nord) et où demeurent de nombreuses zones sans accès aux médias
nationaux (radio, télévision, Internet) pour ne mentionner ici que
les besoins des particuliers.