jeudi 28 janvier 2016

Les associations des Droits de l'Homme à la Casa Rosada [Actu]

Les associations des Droits de l'Homme ont été reçues à la Casa Rosada, par le Premier ministre, le ministre de la Justice et le secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme. Cette réunion est une réponse à la demande d'audience auprès du Président lui-même qui a délégué cette mission, pour cause d'activités trop nombreuses (ce qui semble tout à fait exact) et cette réponse est loin de satisfaire les militants et sympathisants de ces causes, habitués qu'ils sont à être reçus directement et de façon inconditionnelle par l'ancienne Présidente, des mœurs auxquels ils ont pris goût et dont ils ont fini par considérer qu'elles constituent une normalité démocratique.

Photo Service de presse de la Casa Rosada
Présidant la réunion, le Premier ministre, Marcos Peña

C'est donc déjà un premier changement des us et coutumes de la Casa Rosada : il n'est plus question de cette hyper-présidence mise en place par Cristina Kirchner, qui occupait toujours le devant de la scène mais se détournait de vastes secteurs de la société.

Les associations représentées étaient Abuelas de Plaza de Mayo et Madres de Plaza de Mayo Linea Fundadora, en la personne de leurs présidentes accompagnées d'une bonne partie des deux bureaux d'administration.

Madres de Plaza de Mayo, sous la conduite de Hebe de Bonafini, continue à boycotter le gouvernement argentin, pourtant dûment élu. Hebe de Bonafini a profité de l'occasion pour déclarer que la dictature s'était abattue sur le pays et que Mauricio Macri était son "ennemi", un terme inacceptable qu'elle lui applique systématiquement depuis les résultats du second tour.

Les deux associations exigeaient l'arrêt de l'interruption des contrats de travail dans le secteur public (des contrats de travail qui soit prenaient fin effectivement le 31 décembre et n'ont pas été renouvelés, soit correspondaient à des nominations effectuées par le Gouvernement sortant dans la période de transition, sans coordination avec le Président élu, donc du personnel dont Macri ne veut pas puisqu'il n'a été nommé que pour entraver son action) et la libération de Milagro Sala, qui est depuis dix jours dans le collimateur de la Justice de Jujuy, sous l'inculpation de différents délits de corruption, abus de bien public, abus de pouvoir. Or malheureusement, ces accusations ont toutes les apparences de correspondre à une réalité objective, même si les deux organisations ont beaucoup de mal à l'accepter, parce qu'elles ont soutenu la politique de subvention publique dont Milagro Sala et Tupac Amaru auraient ainsi abusé.

Elles ont été reçues avec toute la courtoisie possible, leurs réclamations ont été écoutées mais les associations n'ont pas obtenu gain de cause, ce à quoi, d'après Página/12, elles réagissent assez mal, se disant inquiètes pour l'avenir. Mais ni l'une ni l'autre n'a publié de communiqué à l'heure qu'il est, ni sur leur site ni sur leur page Facebook. Si Página/12 reporte fidèlement leurs positions, elles ont du mal à entrer dans ce fonctionnement de la démocratie qui s'assimile e à un désaccord pacifique, lorsque de bords différents, on peut se parler dans le respect mutuel sans pour autant aboutir à un accord. Or depuis douze ans, ces deux associations ont pris l'habitude de n'avoir qu'à ouvrir la bouche pour que le pouvoir politique national se range à leurs côtés, ce qui les a d'abord surprises et qu'elles auront fini par trouver légitime en soi, ce qui correspond aussi au sentiment d'une partie de la population qui estime qu'elles avaient fini par prendre le pouvoir (1) au lieu de rester à leur place d'ONG, de vigie de la démocratie, de contre-pouvoir...

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación hier après-midi, immédiatement après la rencontre
lire la dépêche de Télam dont Clarín s'inspire
voir les trois minutes de reportage vidéo de Télam
lire le très factuel et très succinct communiqué de presse du Gouvernement
consulter sa page Facebook
consulter le site Internet de Madres de Plaza de Mayo (Hebe de Bonafini)
consulter sa page Facebook.

Ajout du 29 janvier 2016 :
lire l'article de Página/12 sur la condamnation par Claudio Avruj, secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme (niveau fédéral), des propos négationnistes récemment tenus par Darío Lopérfido, nouveau ministre de la Culture du Gouvernement portègne, au sujet du nombre des disparus sous la dernière dictature  militaire (estimés à trente mille, entre 1976 et 1983). La rédaction doit se rendre à l'évidence qu'il n'est pas question du côté du Président Macri de remettre en question cette réalité historique.
Sur le même sujet, lire aussi l'article de La Nación.



(1) Il faut dire aussi qu'elles sont mal perçues de manière injuste par cette même partie de la population qui les trouve agressives et pleines de ressentiment sous prétexte qu'elles ne sont pas les seules grands-mères à avoir perdu des petits-enfants, puisqu'il y a aussi une forte mortalité juvénile du fait de la violence, des accidents de la route et de la drogue. C'est oublier deux choses : d'abord rien n'empêche les grands-mères victimes des maux sociaux comme la violence crapuleuse, l'alcoolisme et la drogue de militer comme l'ont fait les Grands-Mères de la Place de Mai, ensuite il y a une grande différence juridique entre les victimes des maux de la société et les victimes de la violence d'un Etat qui a signé la Déclaration universelle des Droits de l'homme. Mais là encore, la conscience politique argentine est loin de faire cette distinction et la campagne électorale de Mauricio Macri a bien participé à faire régner la confusion dans ce domaine. Avec Massa, il a délibérément confondu les deux plans, en rejetant Abuelas et Madres pour faire rejaillir le grand échec de Cristina qu'est la croissance du trafic de drogue dans le pays.