jeudi 7 décembre 2017

Cela tourne très mal pour Cristina Kirchner [Actu]

Cristina Kirchner arrivant au tribunal ce matin
pour être entendue à nouveau par le juge Bonadio
Photo Ricardo Pristupluk pour La Nación

Ce matin, heure de Buenos Aires, le juge d'instruction Claudio Bonadio a inculpé l'ex-présidente Cristina Kirchner de haute trahison dans l'affaire du mémorandum avec l'Iran, qui n'aurait été qu'une manœuvre destinée à protéger les auteurs iraniens de l'attentat contre l'AMIA, l'un des pires attentats antisémites, commis il y a une vingtaine d'années à Buenos Aires. Bonadio a assorti l'inculpation d'une détention provisoire, avec séquestre des biens de l'inculpée à hauteur de 50 millions de pesos. Enfin, le juge a demandé au Sénat la levée de l'immunité parlementaire de la désormais sénatrice, qui a prêté serment en début de semaine, avec tous les nouveaux élus de la nouvelle législature. Vous remarquerez que contrairement à ce qui se passe en Europe, la justice poursuit avant de demander la levée de l'immunité qui ne protège son titulaire que de l'emprisonnement. En Europe, le juge doit avoir obtenu cette levée avant même de convoquer la personne physique qui est couverte par l'immunité.

L'ancien ministre des affaires étrangères, Héctor Timmerman, a lui aussi été arrêté ce matin puis inculpé et un mandat d'incarcération a été émis à son encontre par le même juge mais il a aussitôt bénéficié d'une mesure de prison domiciliaire.

Hebe de Bonafini, la très kirchneriste et turbulente présidente de Madres de Plaza de Mayo, a déjà annoncé que si Cristina se retrouvait ce soir en prison préventive, cela allait créer "un de ces b... je te dis que ça" (un quilombo que ni te cuento). Et vu la personnalité de la dame et son envergure militante, on peut facilement la croire.

Les parlementaires kirchneristes et les mouvements fidèles à l'ex-présidente (cela fait beaucoup de monde) ont d'ores et déjà appelé à une manifestation, ce soir, à 18h, sur Plaza de Mayo. Il est hors de doute que ce mot d'ordre va être très suivi. On peut craindre aussi qu'il y ait de la violence et de la rage sur le parcours.

En poursuivant ainsi l'ex-présidente, Claudio Bonadio suit les réquisitions de défunt procureur Alberto Nisman, qui avaient pourtant été définitivement déclarées nulles et non avenues par un processus judiciaire complet il y a plusieurs années.

Aussitôt connue la demande de Bonadio de levée de l'immunité, le président par intérim du Sénat, Federico Pinedo, a déclaré que cette option serait examinée avec beaucoup de sérieux par la Chambre haute et sans esprit partisan. Dans le même sens, la chef de la cellule anti-corruption, mise en place par Mauricio Macri, à son arrivée au pouvoir, s'est déclarée très surprises par les décisions du juge tout en rappelant l'indépendance de la justice en Argentine.

Sous cette inculpation de haute trahison et entrave à la justice avec circonstances aggravantes, Cristina Kirchner encourt entre 10 et 25 ans de prison ferme. Ceci dit, la levée d'immunité n'est pas acquise encore car il suffit qu'aucun élu kirchneriste ne fasse défaut pour qu'il n'y ait pas la majorité nécessaire à ce vote.

Jusqu'aux élections de mi-mandat en octobre, le gouvernement avait joué la carte de la modération et de l'équanimité mais depuis qu'il a remporté un gros succès dans les urnes, on ne peut que remarquer le virage que prend l'Argentine : c'est une politique néolibérale et très hostile à la gauche qui se déploie maintenant, jusqu'à justifier la mort d'un manifestant tué d'une balle policière dans le dos il y a quelques jours, sous prétexte que le groupe auquel il appartenait se montrait violent. On peut aussi constater que la mise sous écrou des anciens dirigeants de la gauche au pouvoir n'est pas une singularité argentine. Il se produit la même chose au Brésil.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 (mise à jour du site Internet, comme pour les autres titres)
lire l'entrefilet de La Prensa sur les menaces proférées par Hebe de Bonafini
lire l'entrefilet de Clarín sur le même sujet
lire l'entrefilet de Página/12 sur l'analyse politique qu'a fait à la radio du groupe médiatique Octubre le juge Raúl Zaffaroni, un juge marqué à gauche et qui siège désormais à la Cour Inter-Américaine des Droits de l'Homme – il s'agit d'un juriste qui jouit d'une incontestable reconnaissance internationale, notamment en Europe.