En une de La Nación, à gauche les affrontements devant le Congrès à droite des députés sur le point de perdre leurs nerfs Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Avant-hier,
le gouvernement argentin a tenté de faire passer en force sa réforme
du système des minimums sociaux de retraite. Aussitôt la CGT,
pourtant partiellement alliée au gouvernement, a appelé à la grève
et à une manifestation de rue et hier, il y a en effet eu des
défilés très perturbés aux abords du Congrès. Pendant trois
heures d'affilée, des manifestants cagoulés, armés de bâtons et
de projectiles (pierres et bouteilles de verre), sont allés au
contact pour provoquer autant que possible les forces de gendarmerie
déployées autour du palais législatif. Elles ont répliqué en
utilisant du gaz lacrymogènes et en tirant des balles en caoutchouc
qui ont provoqué des blessures impressionnantes. Des journalistes
ont été atteints, parmi lesquels le photographe de Página/12,
Pablo Piovano, ce dont rendent compte autant le quotidien de
l'opposition qui défend son journaliste que La Nación, qui publie
une photo du confrère à la chemise ensanglantée.
Cela
fait deux jours que Plaza del Congreso est le théâtre de rixes, de
troubles, de violences et de destructions urbaines. Ce matin, à
l'heure où les journaux ont bouclé, on comptait vingt-deux blessés,
dont douze chez les forces de l'ordre, et une quarantaine
d'arrestations.
"Macri a déclenché la crise", dit le gros titre sur photo d'émeutes presque d'état de guerre |
A
la Chambre des Députés, le gouvernement a retiré son projet de
loi. Il a aussi préparé, sur le même sujet, une ordonnance, ce
qu'on appelle un DNU (décret de nécessité et d'urgence), un moyen
qui avait été amplement utilisé par Mauricio Macri pendant l'été
2016, avant la première ouverture de la session du parlement de son
mandat, juste après sa prise de fonction. Hier, le DNU était déjà
prêt, les ministres l'avaient déjà signé. Il ne manquait plus que
la signature présidentielle mais le chef de l'Etat a préféré ne
pas l'y apposer, en considération des troubles qui agitaient tant la
rue que la Chambre, où son alliée, Elisa Carrió, a fait faux bond
à la majorité, s'opposant de toutes ses forces au passage de la loi
par DNU, et où les 18 députés de la province de Córdoba ont été
invités par leurs évêques à ne pas voter une loi qui mettrait en
place de lourdes injustices sociales (1).
Le
gouvernement préparerait une nouvelle présentation de son projet
lundi à la Chambre, espérant sans doute que le week-end calme les
esprits. D'ici là, Mauricio Macri cherche à obtenir un nouvel
engagement politique des gouverneurs péronistes qui, jusqu'à
présent, ne lui ont pas refusé leur appui, au nom de l'intérêt
national et en contrepartie de subventions versées par l'Etat
fédéral pour éponger les dettes provinciales ou financer affaires
courantes et chantiers locaux.
"Après son échec, Macri essayera lundi de faire approuver la réforme des retraites" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
A
titre temporaire, devant le recul du gouvernement devant les députés, qui se sont bousculés les uns les autres et ont été très près d'en venir aux mains, la CGT a levé son préavis de grève
générale mais elle se tient prête à mobiliser ses troupes en
accord avec d'autres centrales si le gouvernement maintenait son
projet et le représentait au début de la semaine prochaine.
Dans
la journée, la Conférence épiscopale argentine (CEA) a appelé une
nouvelle fois au dialogue alors que les fêtes de Noël approchent et
qu'elle repère une montée brutale de la violence politique dans le
pays. Et il faut avouer que le virage en épingle à cheveux pris par
le gouvernement après sa victoire d'octobre trouble passablement les
esprits.
Página/12
tempête et publie une une dévastatrice centrée sur les violences
policières tandis que les autres journaux préfèrent montrer les
manifestants cagoulés mais on trouve, même dans cette presse de
droite, notamment dans La Nación et La Prensa, des analyses assez
sévères sur la gestion des récentes affaires par un gouvernement
accusé d'être au mieux maladroit, voire naïf, au pire incapable,
tant il est en train de gâcher l'effet de la belle victoire
électorale remportée en octobre, aux élections de mi-mandat. Ces
quotidiens libéraux ne remettent toutefois pas en question la
pertinence ni l'éthique de la réforme proposée pour les retraites.
Pour
en savoir plus :
lire
l'analyse de La Prensa sur "la farce qui cherche à se
transformer en tragédie"
lire
l'analyse de La Prensa sur "les erreurs de calcul qui fragilisent la gouvernabilité" de l'Argentine
lire
l'analyse de Clarín sur les motifs pour lesquels le gouvernement se montre aussi "intransigeant" sur son projet de réforme
lire
l'analyse de La Nación sur "l'ingéniosité" du gouvernement et "le drame" de sa communication
lire
l'article de La Nación sur la position de l'Eglise à Córdoba
lire l'article de Página/12 sur les déclarations de l'épiscopat
lire
l'article de La Prensa sur le même sujet
Ajout du 18 décembre 2017 :
lire l'article de mise à jour de Página/12 qui, sous le titre J'ai de la peine pour les retraités, fait écho à un article paru en Italie (La Stampa, Vatican Insider) où il est question des inquiétudes manifestées par le Pape François à Gustavo Vera, un politique argentin de gauche qu'il a reçu samedi en audience privée.
Ajout du 18 décembre 2017 :
lire l'article de mise à jour de Página/12 qui, sous le titre J'ai de la peine pour les retraités, fait écho à un article paru en Italie (La Stampa, Vatican Insider) où il est question des inquiétudes manifestées par le Pape François à Gustavo Vera, un politique argentin de gauche qu'il a reçu samedi en audience privée.
(1)
Le responsable des questions sociales pour la province a écrit aux
élus en leur rappelant les principes de la doctrine sociale de
l'Eglise et les positions du Pape François, dont le gouvernement se
dit proche, sans l'être vraiment, en tout cas à première vue.