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Aujourd’hui, Página/12 propose avec son édition du jour le nouveau numéro de son mensuel culturel, Caras y Caretas, qui célèbre le bicentenaire de la mort de Martín Miguel Güemes, le seul héros de l’indépendance à avoir été tué par l’ennemi royaliste.
Güemes, le
grand héros de Salta, fut aussi la première grande figure du camp
fédéral dans ce qui allait se développer en une guerre civile
d’une soixantaine d’années entre les indépendantistes de
l’Intérieur, favorables à un État
fédéral et sensible aux questions sociales, et ceux de Buenos
Aires, majoritairement favorables à un État
unitaire, centralisé et ouvert aux vastes échanges de marchandises
à l’échelle internationale (c’est-à-dire essentiellement de
part et d’autre de l’Atlantique). Profondément enraciné dans
son territoire local, Güemes était à la tête d’une armée de
paysans-partisans, dont le fer de lance était un régiment vêtu de
rouge, los
Infernales
de Güemes. Ils menaient la guérilla contre les absolutistes soumis
au vice-roi du Pérou : la Guerra
Gaucha.
Güemes travaillait en lien avec les autres libérateurs :
Manuel Belgrano (1770-1820) dont il fut un ami et un collaborateur,
José de San Martín (1778-1850) dont il facilita l’expédition
de libération du Chili (1817) et Juana Azurduy (1780-1862),
l’héroïne de la guerre des partisans boliviens.
Portrait iconique et apocryphe de Güemes (Il ne nous est parvenu aucun portrait réalisé de son vivant) |
Né à Salta
le 8 février 1785, il mourut, victime d’une attaque surprise, le
17 juin 1821. Gouverneur de la province de Salta, il venait d’être
déposé par le conseil municipal (cabildo)
de sa capitale deux mois auparavant. Développée en pleine époque
romantique, tout au long de la guerre civile, pour les besoins de la
propagande politique du moment et renforcée par l’âge précoce et
les circonstances spectaculaires de son décès, sa légende posthume
lui a accordé plus d’importance et de poids qu’il n’en a
jamais eu de son vivant sur le plan national (1)
et, à elle seule, cette gloire post
mortem
est un fait historique constitutif de l’Argentine d’aujourd’hui,
qui ne peut pas se comprendre sans ce mythe fondateur de la Guerra
Gaucha
et cette flamboyante figure de son commandant suprême. Preuve en est
que le premier historien argentin reconnu, Bartolomé Mitre
(1821-1906), quatrième président de la République après
l’adoption de la Constitution (1853) et fondateur du journal La
Nación (1870),
un unitaire pur et dur originaire de Buenos Aires qui a inscrit dans
le marbre portègno-jacobin sa narration du passé, s’est penché
sur son action et, à son corps défendant, a dû lui rendre hommage
dans un ouvrage célèbre et qui fit scandale en son temps, consacré
aux relations complexes qu’ont entretenues Belgrano et Güemes.
La une de ce matin est consacrée à la crise de la viande et à une enquête lancée contre les grandes entreprises qui auraient fraudé les lois économiques et refusent aujourd'hui de livrer le marché |
Il est probable que l’actuelle crise sanitaire réduise au strict minimum les manifestations publiques de ce bicentenaire telles que Salta en avait rêvé depuis plusieurs années, comme elle a réduit celles consacrées à Manuel Belgrano il y a un an.
Pour aller
plus loin :
accéder les pages Internet de l’Instituto Güemesiano de Salta sur le portail de la province
(1) En revanche, à l’échelle locale (provinciale) et de son vivant, Güemes a joué un rôle fondateur incontestable, comme ce fut le cas de la plupart des premiers gouverneurs de l’époque indépendantiste. Ils ont profondément marqué leur territoire et leur population en creusant les premiers sillons et en installant les premières institutions des provinces à venir.