jeudi 24 juin 2021

Le bicentenaire de Mitre fait la une d’un supplément de Página/12 [Actu]

"L'homme politique qui écrivit l'histoire" dit le gros titre
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Bartolomé Mitre (1821-1906) est l’un des très grands intellectuels libéraux argentins qui ont marqué la pensée nationale dominante. C’est aussi le premier historien du pays. Il s’agit bien entendu d’une histoire à la mode du 19e siècle, avant que la discipline ne devienne une science avec une méthodologie rigoureuse. Grand collectionneur d’archives historiques, il a sauvé un important patrimoine documentaire sur l’Argentine coloniale et les premières décennies de l’indépendance. Mitre a aussi fondé le premier quotidien argentin, La Nación, et c’est l’un de ses descendants qui dirige encore aujourd’hui le groupe de presse qu’elle est devenue.

Bartolomé Mitre est le premier président de la République argentine de la période conservatrice (1860-1880). Il est l’un des trois chefs d’État passés ou présent qui ont présidé au Retour des cendres de San Martín en mai 1880 et le seul survivant des trois qui prit la parole lors de l’inauguration du mausolée de Manuel Belgrano en 1903. Il avait composé des biographies de l’un et de l’autre, publiées en plusieurs volumes chacune, l’une en 1859 et l’autre en 1887. C’est lui qui a fixé la légende des deux hommes et celle de la Révolution de Mai, laquelle a été adoptée et simplifiée (à outrance) pour les usages de l’école obligatoire (1883) et l’intégration des immigrés de la grande vague pan-européenne (1880-1930).

On lui doit aussi un précieux travail sur Martín Miguel Güemes, dont il confirma dans une monographie qui fit date le courage et l’héroïsme, malgré la distance temporelle et de sérieuses divergences idéologiques (Güemes, dont on vient de commémorer le bicentenaire de la mort, était fédéral, Mitre était unitaire, tous deux ont combattu dans la guerre civile qui a déchiré le pays entre 1820 et 1880).

Couverture de l'édition originale
de la vie de Belgrano
conservée à la Biblioteca Nacional de España

Sa maison personnelle à Buenos Aires, dans la rue San Martín, est devenue un musée national qui contient encore aujourd’hui sa surabondante bibliothèque, laquelle couvre une très ample diversité de sujets en de nombreuses langues, dont le français, l’anglais, l’italien, l’allemand, etc.

Profondément libéral, fidèle partisan de l’oligarchie argentine, figure iconique de la droite et anglophile, il est haï par la gauche qui lui attribue une volonté délibérée d’écarter le peuple de la vie politique du pays. C’est une vision qui manque pour le moins de nuances et qui tombe facilement dans la caricature et l’anachronisme. Il est donc surprenant de voir Página/12 lui consacrer la une de son supplément Universidad qui sort aujourd’hui. Bartolomé Mitre continue d'être suivi à la lettre par de nombreux historiens académiques actuels. Ils ne se permettent que quelques écarts, afin de montrer leur autonomie intellectuelle (mais elle reste de façade).

A Buenos Aires, le Museo Mitre ne pourra pas fêter dignement les deux cents ans de la naissance du maître des lieux cette année. La célébration est donc reportée d’un an et l’appel à contributions vient d’être lancé, il y a quelques jours, pour un congrès d’histoire qui se tiendra en 2022.

© Denise Anne Clavilier

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