"L'homme qui en savait trop", dit le gros titre |
Il avait 77 ans. Il avait été
hospitalisé dans un état sérieux à cause du covid-19 et d’après
Página/12, il avait surmonté cette maladie et c’est une
infection nosocomiale qui l’a finalement emporté. En fait, son
état de santé n’a pas cessé d’inquiéter le public depuis le
début de son hospitalisation il y a environ un mois. Il y a une
dizaine de jours, il était passé en respiration artificielle avec
sédation.
Beatriz Sarlo et Horacio González en 2014 (photo Néstor García) |
Horacio González avait été
directeur de la Bibliothèque nationale Mariano Moreno sous la
présidence de Cristina Kirchner. Sociologue de formation, il était
une référence intellectuelle et il était reconnu surtout à
gauche. Il publiait souvent des éditoriaux dans les colonnes de
Página/12. Pour un sociologue, cela n’avait rien
d’étonnant : c’est une discipline qui attire davantage les
personnalités de gauche que celles de droite. Horacio González
était un soutien indéfectible du combat des Mères et des
Grands-Mères de la Place de Mai. En ce qui concerne sa vie privée,
il était mariée à l’auteure-compositrice interprète Liliana
Herrero, grande figure du folklore argentin, ce qui plonge
aujourd’hui le monde de la musique dans le deuil partagé.
"Horacio González : deuil dans la culture" dit le titre secondaire (au-dessus du titre) Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Du côté culturel, il fut un
écrivain et un penseur apprécié, même par de nombreux
intellectuels de droite. Il enseigna aussi sa discipline à
l’Université Nationale de Rosario, qui lui rend hommage
aujourd’hui dans les colonnes de Rosario/12, l’édition
locale de Página/12. C’est à ce titre aussi qu’il eut
pour interlocutrice Beatriz Sarlo, elle aussi sociologue mais
nettement à droite, qui, avec une dignité et une hauteur de vue qui
mérite d’être soulignées, rend hommage à sa droiture dans les
colonnes de Clarín.
Du côté militant, Horacio González fut le fondateur en mai 2008 d’un groupe d’intellectuels de gauche baptisé Carta Abierta (lettre ouverte). C’était un tournant de la présidence de Cristina Kirchner qui voulait imposer l’exportation de viande pour que le marché intérieur soit pourvu. Cette décision provoqua l’union des éleveurs qui fondèrent la Mesa de Enlace, ce à quoi répondirent Horacio González et ses camarades en créant Carta Abierta. Aujourd’hui encore, c’est cette même Mesa de Enlace (bureau de liaison) qui s’oppose à une autre politique nationale visant une fois de plus à garantir d’abord l’alimentation du marché domestique en viande avant de permettre aux producteurs d’aller vendre à l’étranger pour s’enrichir en devises, au détriment des consommateurs argentins. Cet engagement vaut à Horacio González une nécrologie acrimonieuse, signée par le chroniqueur religieux Mariano de Vedia, dans les pages intérieures de La Nación et un simple entrefilet dans La Prensa, méprisable procédé de la part de cette rédaction eu égard à l’importance du personnage dans la vie culturelle du pays. Pour une fois, Clarín aura fait preuve de plus de dignité que ses concurrents dans la presse mainstream.
Pour aller plus loin :
lire l’entrefilet de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’hommage de Beatriz Sarlo dans Clarín
lire l’article de La Nación