"Fernandez fait porter la responsabilité à sa compagne pour la fête et ça provoque de sacrés remous dans son camp" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Hier dans l’après-midi, le président Alberto Fernández était attendu à Olavarría, dans la province de Buenos Aires, une ville en plein milieu de la pampa : il devait y présenter le nouveau régime du prix de l’énergie et des carburants dans les Zones Froides, un système qui permet aux foyers de se chauffer à moindre coût par rapport aux régions plus chaudes du pays. Bien entendu, tout le monde l’attendait sur l’anniversaire de sa femme le 14 juillet de l’année dernière, fêté en groupe contre toutes les ordonnances de confinement alors en vigueur.
Sans
perdre trop de temps à tourner autour du pot, le
président a abordé la question sur un ton qui paraît
sincère, tout en passant
visiblement l’un des pires quarts d’heure de ses interventions
publiques. Il a présenté
ses « regrets » pour « quelque chose qui n’aurait
pas dû se faire » et il a promis que « cela ne se
reproduirait pas ». Il a expliqué que sa compagne avait ce
jour-là lancé quelques invitations et que cela ne l’avait pas
alerté outre-mesure,
à cause des va-et-vient permanents qui existaient alors dans la
résidence présidentielle depuis
le début de son propre
confinement en mars
précédent (entendez
qu’il ne se rendait plus à la Casa Rosada, à Buenos Aires).
D’après lui, la
résidence s’était en
effet transformée en
« une véritable ville ». Au fil du temps, a-t-il
reconnu, il y a rencontré
« non pas dix mais des centaines de personnes » :
ministres, parlementaires, gouverneurs, personnalités issus de la
société civile, de gauche comme de droite. Il fallait bien, a-t-il
argumenté, qu’il continue à gouverner et pour cela, il avait
besoin de vraies rencontres afin de garder le contact avec la réalité
(ce qu’il est difficile de contester de bonne foi, puisqu’il est
de notoriété publique que le pouvoir suffit à isoler celui qui
l’exerce et finit très vite par le séparer de la « vraie
vie des vrais gens »).
"Alberto regrette la fête à Olivos avec Fabiola et dit que ça ne se reproduira pas" En dessous, la vogue du végan gagne le paysage argentin Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Alberto Fernández a ensuite souligné que toutes ces données sur les visites reçues à Olivos n’avaient été portées à la connaissance du public que parce qu’il avait autorisé sa maison militaire à rendre public le registre des entrées et des sorties de sa résidence, ce qui est vrai. Il reste toutefois à savoir pourquoi, en juillet 2020, l’agence de presse nationale, Télam, avait annoncé que la Première dame fêterait son anniversaire à distance, avec Zoom, mails, SMS et autres ressources virtuelles, donc comme tout le monde dans le pays. Qui a donné cette information fausse à Télam ? Le couple présidentiel lui-même ou un assistant d’un service de presse, qui, ignorant les préparatifs privés du soir, aurait répondu en faisant appel à son simple bon sens, sans aller chercher plus loin ? La question reste posée.
Les excuses du président ont déchaîné les réactions de l’opposition qui la joue offusquée et l’accuse de mensonge. Que c’est vilain, ça ! Et il est vrai qu’avant la publication des photos, le président avait nié avoir tenu des réunions privées à Olivos et hier, il a donné des explications somme toute plutôt cohérentes. Tous ces ténors et ces divas de la droite lui tombent aussi dessus pour avoir rejeté la responsabilité des faits sur sa femme… Or ces mêmes personnes tiennent toute l’année ronde des propos d’un sexisme des plus éculés ou trouvent des excuses bidon à ceux qui les ont tenus, quand ils ne leur apportent pas tout simplement leur soutien. J’avoue que je ne m’attendais pas à cette émouvante et soudaine conversion à un féminisme aussi abouti !
Eduardo Duhalde, ancien président péroniste, qui sans être allié de Fernández ne lui est pas systématiquement hostile, a dit ce que lui inspirait ce vacarme quelque peu surjoué : des passagers qui au beau milieu d'un naufrage se plaindraient que la nourriture soit froide. On ne peut pas lui donner tout à fait tort.
L’autre
question qui reste en suspens porte sur l’identité de celui ou de
celle qui a fait fuiter la photo révélatrice. Clarín
pense qu’il s’agit du coiffeur de la Première dame, entré
lui-même à d’innombrables
reprises à Olivos
pendant le confinement (pour
une activité essentielle,
sans doute ?). La
Nación incrimine
quant à elle el Instituto Patrio, le centre culturel militant fondé
par Cristina Kirchner. Autrement dit, juste
avant les élections de mi-mandat (où elle a intérêt à ce que ses
partisans soient élus en masse),
la vice-présidente aurait trahi le président en vue de lui succéder
si jamais une procédure de destitution arrivait
à son terme. Pour
un fusil à tirer dans les
coins, ce serait assez
réussi ! A
ce stade de l’affaire, cela
reste un procès
d’intention comme la rédaction de La
Nación en a le secret
dès qu’il s’agit de Cristina. Au sein de l’opposition, cette
femme suscite en effet
une haine fantasmatique, irrationnelle, sans limite et sans frein.
Est-ce pure coïncidence si, par ailleurs, on apprend aussi aujourd’hui que Mauricio Macri, l’ex-président de droite, a violé le confinement qu’il devait respecter à son retour d’Europe ? Personne ne peut être surpris par semblable nouvelle : Macri a toujours systématiquement refusé de respecter la quarantaine lors de ses voyages. Il ne la respecte ni en Argentine à son retour, ni en Europe à son arrivée et quel que soit le stade épidémiologique du pays où il se trouve. Il a d’ailleurs eu récemment le cynisme de déclarer qu’il n’avait toujours pas compris en quoi le covid, « à peine plus fort qu’une grippe », pouvait « empêcher un responsable politique de dormir » au point que son ancien ministre de la Santé a dû reconnaître publiquement que la santé était en effet un secteur dont il ne s’était jamais préoccupé pendant sa présidence…
En rentrant d’un séjour de près de deux mois en Espagne puis en Suisse, tout ex-président et millionnaire qu’il soit, Macri a dû, comme tous les Argentins et résidents revenant de l’étranger, déclarer à la police aux frontières l’adresse où il allait passer sa quarantaine obligatoire. Il y a donc reçu une visite de contrôle, selon une pratique systématique dans la province de Buenos Aires, et ô surprise !, le contrôleur a trouvé le nid vide ! Procès-verbal a donc été dressé et ce matin, ô re-surprise !, on lit ce document dans tous les journaux (et c’est tout à l’honneur de ceux de droite d’en publier la reproduction). Il faut dire que les explications alambiquées de l’avocat de l’ex-président sentent le mensonge puéril à plein nez : il y est question d’un « cas de force majeure » qui aurait contraint son client à changer de résidence au milieu de la quarantaine.
Le gouvernement de la province de Buenos Aires, qui appartient à la majorité nationale, aurait-il laissé fuiter l’info ? Qui oserait le croire ?
Pour
aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa (qui, fait exceptionnel, introduit un extrait vidéo à son article)
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación
lire le communiqué officiel de la Casa Rosada relatif à la visite à Olavarría
sur le procès-verbal dressé à Mauricio Macri :
lire l’article de Página/12
lire l’entrefilet de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación