jeudi 5 août 2021

Qui sème le vent récolte la tempête et Beatriz Sarlo a déjà semé la tempête [Actu]

Travail d'un élève du Colegio Las Cumbres de Buenos Aires
(il s'agit d'un groupe scolaire privé bilingue espagnol-anglais)


Avant-hier, les propos de Beatriz Sarlo contestant la souveraineté argentine de jure sur les Malouines et son argumentation décousue ont soulevé la vague de condamnations que l’on pouvait attendre. Et ce non seulement dans la majorité mais aussi dans l’opposition. Certaines voix du PRO se sont fait entendre, non sans surprise puisque l’Argentine est en campagne électorale et que tous les partis serrent les rangs.

Daniel Filmus, le responsable gouvernemental de la question des Malouines, a réagi comme c’était son devoir ainsi que le gouverneur de Tierra del Fuego, Gustavo Melella, qui a l’archipel dans sa compétence territoriale virtuelle, et le directeur du Museo nacional de las Islas Malvinas y del Atlántico Sur, qui est un ancien combattant de la guerre de 1982. Tous soulignent l’ignorance historique et juridique dont cette intellectuelle a fait preuve dans ces déclarations absurdes.


Un sénateur radical (donc de l’opposition), Pablo Daniel Blanco, a lui aussi réagi avec force. Il est vrai qu’il est élu de Tierra del Fuego. Il a peut-être raison mais ce serait bien étrange : quel est l’intérêt de Beatriz Sarlo, qui a exprimé un mépris incommensurable pour l’actuel gouvernement, de jouer ainsi contre son camp alors qu’approchent les élections de mi-mandat ?


Página/12 répond en allant chercher dans l’histoire une analyse du Foreign Office d’avant-guerre : en 1936, alors que la Grande-Bretagne soutenait le gouvernement de fait issu du coup d’État de septembre 1930 (le premier de l’ère constitutionnelle argentine), un diplomate avait fait valoir qu’il n’était pas possible de justifier en droit l’occupation de l’archipel et que toute tentative dans ce sens ne ferait que montrer les Britanniques sous l’aspect de bandits internationaux. Si c’est eux qui le disent !

Le quotidien de gauche ajoute qu’en avril 1982, dès l’attaque des forces armées argentines contre les îles, Margaret Thatcher fit retirer des archives en libre accès public les documents relatifs aux Malouines. Documents dont six allaient pourtant être rendus publics par le supplément dominical du Times une semaine plus tard. Autrement dit, d’après Página/12, les Britanniques connaissent parfaitement l’amplitude de leur mauvaise foi dans cette affaire qui dure depuis 1833. Le refus obstiné du Royaume-Uni d’entamer ne serait-ce qu’un dialogue à propos de l’archipel, comme le commande une résolution de l’ONU, semblerait donner raison à la rédaction.

Photo satellitaire des Malouines
extraite des cartes de géographie offertes
par l'Instituto Geografico Nacional argentin
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Jusqu’au Brexit, l’Union Européenne et les pays qui la composent sont restés loyaux au Royaume-Uni et l’ont soutenu contre l’Argentine. Cette solidarité a déjà connu quelques brèches. Elles pourraient s’élargir avec le temps, surtout avec un Boris Johnson à Downing Street.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la diplomatie britannique
lire l’article de Página/12 sur les réponses des officiels (Daniel Filmus et les autres)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

Ajout du 6 août 2021 :
lire cet éditorial de La Prensa (très sévère contre l'écrivaine, traitée de "collaboratrice")

Ajout du 7 août 2021 :
Beatriz Sarlo semble vraiment convaincue de ce qu’elle disait. Elle vient de remettre une pièce dans la machine en répondant vertement au directeur du musée des Malouines (jeune appelé lors de la guerre de 1982, rappelons-le).
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación sur la contre-offensive de Beatriz Sarlo
lire cette synthèse mordante et caustique de Página/12 sur ce qui apparaît comme une calamiteuse entrée en campagne pour la droite : scandales de corruption, contrebande d’armes, aberrante fuite à l’étranger du principal conseiller de Mauricio Macri quand il était président et palanquée de propos anticonstitutionnels sur le statut des Malouines.