En haut, la non-nationalisation de la société qui gère les voies navigables en Argentine En bas : la réouverture de La Giralda Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La Paz et La Giralda sont deux grands cafés de Avenida Corrientes, l’artère de la vie culturelle à Buenos Aires, très affectée par la politique ultra-libérale de Mauricio Macri (2015-2019) et sinistrée depuis que la crise sanitaire a réduit les sorties des habitants de Buenos Aires et de ses environs.
C’est ainsi que le 20 mars 2020, La Paz, qui
n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même depuis trois ans,
a fermé ses portes avec l’espoir de les rouvrir une fois le
cauchemar dissipé. A présent, le patron a définitivement jeté l’éponge. Ce
qui restait de la salle (une partie avait déjà laissé place à un kiosque à
confiseries industrielles et autres babioles de dépannage) a été
vidé de tout son mobilier il y a un mois et cette semaine, on a vu
disparaître l’enseigne à l’angle de Corrientes avec la rue
Montevideo. Il est vaguement question, dit la rumeur, d’un projet
d’installation prochaine d’un bar à sushis… Une catastrophe
pour ce lieu où l’on se régalait depuis plus de 70 ans des
spécialités typiquement argentines et où les intellectuels et
artistes de gauche aimaient se retrouver dans les années 60 et 70,
comme ils le faisaient à Paris, au Flore dans le Saint-Germain-des-Prés de l'après-guerre.
La Giralda : décor et service actuels, dans les règles sanitaires |
Non loin de là pourtant, c’est une bonne nouvelle qui éclaire une actualité sombre : l’historique café La Giralda, qui avait fermé en 2018, au début de la profonde crise économique déclenchée par la politique néolibérale et l’endettement public national, vient de rouvrir ses portes avec une salle entièrement redécorée (les nostalgiques en seront chagrin, mais il faut bien vivre). On peut se consoler sans arrière-pensée car le nouvel exploitant a décidé de conserver telle quelle la devanture et il a conscience de la responsabilité patrimoniale qui pèse sur ses épaules. Or c'est loin d'être toujours le cas, comme l’indiquent les rumeurs qui circulent sur l’avenir de La Paz. Il faut donc à ce monsieur une bonne dosse de courage pour oser rouvrir dans les conditions que nous traversons.
La Giralda, c’est un Bar Notable de la Ville Autonome de Buenos Aires. Depuis trois ans, elle manquait à la vie culturelle locale qu’elle avait animée jusqu’à sa fermeture décidée par un gérant arrivé au bout de ses possibilités. Et ce n’était pas le seul Bar Notable à mettre la clé sous la porte dans ces temps où le capitalisme était la seule boussole du gouvernement. Clásica y Moderna n’a pas encore connu ce réveil de Belle au Bois dormant.
Comme cette réouverture est une bonne nouvelle,
elle intéresse moins la presse que l’autre, la mauvaise :
deux articles pour celle-ci contre trois pour l’autre (et, comme
par hasard, rien dans Página/12
qui n’a d’yeux que pour La Giralda).
La Paz, telle qu'on la voit aujourd'hui. Seule reste une partie de l'enseigne à l'étage |
Avant la pandémie, les deux établissements bénéficiaient beaucoup de la vie trépidante du quartier, rempli de cinémas, de théâtres et de salles de concert. Ces deux cafés faisaient le plein avant et après les spectacles. Ils étaient très fréquentés aussi à midi et à l’heure de la merienda, la collation de fin d’après-midi. Certains touristes sud-américains faisaient un détour pour connaître ces lieux. Ceux venus d’Amérique du Nord, d’Asie ou d’Europe, beaucoup moins. La crise économique les avait mis tous les deux au tapis avant que le covid ne finisse le sale boulot. Les ténors de la droite ne fréquentent guère ces deux cafés, situés trop loin des centres de décision politique nationale et locale (1). Ils les ont donc laissé dépérir sans une larme.
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
Sur La Giralda :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
Ajouts du 29 août 2021 :
lire
cet
article de Página/12
sur la fermeture de La Paz
lire
ce billet d’opinion signé dans le même journal par un écrivain
et psychanaliste qui raconte l’histoire du café disparu : Les
tables parlantes
(comme on dit « cinéma parlant » pour l’opposé au
muet)
(1) Le Congrès, Plaza de Mayo ou, encore plus loin depuis quelques années, l’exécutif municipal qui s’est exilé au sud de la Ville.