mardi 5 juillet 2011

Le juge Gallardo ne connaît pas le calendrier électoral [Actu]

Le juge Roberto Gallardo est un magistrat de la justice portègne. C'est une espèce d'incorruptible qui ne laisse passer aucun des écarts du Gouvernement portègne. Je vous en ai parlé il y a un an lorsqu'il a fait éteindre et démonter un très dangereux panneau publicitaire géant dédié à Coca Cola, face au Mac Donald, au bord du carrefour névralgique pour le trafic automobile qu'est le croisement gigantesque entre les avenues 9 de Julio et Corrientes, autour de l'Obélisque (voir mon article du 12 juillet 2010 sur la fin abracadabrante de cette affaire).

Cette fois-ci, à quelques jours du 1er tour des élections portègnes, où la population va renouveler la moitié de la Legislatura et élire le nouveau Chef du Gouvernement Portègne (si cette élection est gagnée au premier tour, ce qui ne semble pas pouvoir être le cas), voici qu'il fait fermer par la force publique le Club 17 de Agosto (1) de Villa Pueyrredón, une institution où Mauricio Macri était allé lancer sa campagne électorale le 7 mai dernier, flanqué de sa compagne de formule (tandem), María Eugenia Vidal, son actuelle ministre du Développement social, dont elle a voulu faire un abri de fortune pour les sans logis en période de grand froid. Pourquoi cette fermeture ? Parce qu'il y a quelques jours, on a découvert que ce club avait probablement aidé cette même ministre du Développement social à détourner des fonds publics, grâce à un savant système de fausses factures, dont je vous épargne le détail. Toujours est-il que l'on parle d'un transfert frauduleux de 500 000 pesos, ce qui n'est pas rien à l'échelle du niveau de vie moyen en Argentine.

Ce n'est pas le premier problème que rencontre le juge Gallardo sur la gestion de ce club, dont il avait déjà demandé en février que le Gouvernement prouve qu'il répondait aux réquisitions de sécurité pour accueillir du public la nuit (par les périodes de grand froid comme il s'en présente une particulièrement sévère, en ce moment même). Sa demande était restée lettre morte, comme si souvent lorsqu'un autre pouvoir, législatif ou judiciaire, demande des comptes au Gouvernement présidé par Mauricio Macri.

La semaine dernière, lorsque le pot-aux-roses a été révélé, María Eugenia Vidal s'est répandue dans Clarín et La Nación en accusations contre le juge, qui aurait, selon elle, trahi son devoir d'impartialité pour servir les intérêts du Gouvernement national et donc de l'opposition portègne, en clair de travailler pour la formule péroniste constituée par Daniel Filmus, ancien ministre de l'Education nationale, et Carlos Tomada, actuel ministre national du travail.

Aujourd'hui, le scandale est détaillé par Página/12, dont la ligne éditoriale est clairement péroniste, donc très hostile à Mauricio Macri et son éventuel vice-chef de gouvernement, tandis que Clarín se contente d'un entrefilet, où abonde l'emploi de l'adjectif supuesto (supposé) et de l'adverbe qui en dérive (supuestamente) et où les détails sur le contenu de l'affaire judiciaire (qui relève du pénal, rappelons-le) brillent par leur absence.

Le quotidien La Nación, qui s'était quelque désolidarisé de Mauricio Macri, avant la campagne, lorsque les scandales s'étaient un peu trop multipliés à son goût, ne parle pas de la décision du juge et préfère donner la parole à Madame Vidal, qui lui accorde une longue interview, dont je vous laisse juger de l'élégance du propos par la phrase mise en avant par la rédaction : La única gran obra del gobierno nacional en la ciudad son las casas de Schoklender (les seuls grands travaux du Gouvernement national dans la ville [de Buenos Aires], ce sont les logements de Schoklender - Traduction Denise Anne Clavilier) (2). Et la suite de l'article est du même tonneau : la Ministre y est présentée comme occupant un bureau accueillant car bien chauffé (alors qu'il fait un très exceptionnel -3° en ce moment à Buenos Aires, qu'il y a des coupures de gaz, donc de chauffage, dans les entreprises comme toujours en période de très grand froid et des écoles qui ne sont pas chauffées, faute de budget, avec des mômes qui suivent les cours emmitouflés jusqu'aux yeux pour ne pas attraper la crève et des adolescents qui occupent leurs lycées pour réclamer des travaux pour que le plafond des classes ne leur tombe plus sur la tête) (3) et se refaisant une beauté avant d'accepter les flashs du photographe, avec ce commentaire digne de passer dans l'histoire : "Comme toutes les femmes, je suis coquette". Le premier tour des élections est pour dimanche prochain !

Pour aller plus loin :
et faites-vous une idée tout seul...

Vous pouvez aussi aller regarder où en sont les derniers sondages sur les élections à Buenos Aires avec cet article de la une de Página/12, dimanche dernier. Il montre que l'électorat se détermine de plus en plus sur un vote utile, entre Macri et Filmus, et que les intentions de vote pour Pino Solanas descendent (il a perdu au moins 5 points par rapport à la fin mai). Macri conserve néanmoins l'avantage. Vous pouvez comparer les résultats de dimanche dernier avec les sondages publiés par le même journal, le 29 mai (lire mon article du 29 mai 2011 à ce sujet).

Ajout du 9.07.11 :
Madame Vidal est néanmoins d'après Clarin la seule candidate aux élections pour la présidence du Gouvernement portègne à être domiciliée dans la Comuna 8, c'est-à-dire le district électoral qui rassemble les quartiers très pauvres de Villa Soldati, Villa Riachuelo et Villa Lugano. Cela rend son apparente indifférence à la réalité du terrain encore plus étrange.

(1) le 17 août est un jour férié en Argentine. Il commémore la mort, à Boulogne-sur-Mer, en France, en 1850, du Général José San Martín, libérateur de l'Argentine, du Chili et du Pérou, comme on commémore un saint au jour de son décès, c'est-à-dire au jour de son entrée dans la Vie en Dieu. C'est aussi un jour férié mobile, qui, s'il ne tombe pas un lundi ou un vendredi, se déplace au lundi le plus proche, pour constituer un long week-end d'hiver, qui permet à San Carlos de Bariloche de faire le plein de skieurs, quand toutefois un volcan chilien n'a pas la mauvaise idée de lui cracher dessus toutes les cendres qu'il a dans le ventre, comme c'est le cas depuis un mois.
(2) Les logements de Schoklender, c'est une allusion à un programme de logement social mené par l'ONG des droits de l'homme, Madres de Plaza de Mayo, dont la fondation a été un temps dirigée par le fameux Schoklender, qui vient d'être inculpé pour des détournements de fonds après avoir été écarté de la fondation par la présidente de l'association (voir mon article du 6 juin 2011 à ce sujet). Le procédé du quotidien, qui est probablement partagé par la candidate, est particulièrement malhonnête. D'abord parce que cette phrase fait du fondé de pouvoir indélicat l'initiateur de ces programmes, ce qu'il n'est bien évidemment pas le moins du monde, ensuite parce qu'elle confond délibérément deux acteurs bien distincts, une ONG et le Gouvernement (voir mon article du 13 juin 2011 sur l'interview de Estela de Carlotto qui dénonçait ces manipulations des faits dans ces quotidiens), enfin parce que M-E. Vidal est elle-même suspectée de malversations et qu'en matière de logement social, elle est mal placée pour critiquer l'action de qui que ce soit, vu que son ministère et le Gouvernement auquel elle appartient n'a strictement rien fait en la matière depuis 4 ans et qu'elle a laissé grimper sans bouger le petit doigt un indice incontestable et universel de l'aggravation de la situation sociale, le taux de mortalité infantile (voir mon article du 14 décembre 2010 sur cette montée préoccupante), dont elle ose dire dans l'interview qu'il a baissé (baja de la mortalidad infantil). Elle ose aussi s'attribuer le mérite d'une réforme du Gouvernement national, l'accès de tous les écoliers à un ordinateur portable, une mesure décidée par le Ministère de l'Education Nationale. C'est à dormir debout.
(3) Sur l'occupation des lycées, un grand classique de l'hiver à Buenos Aires, depuis l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, voir l'article d'aujourd'hui dans Página/12.